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Gergovie 3

 Ce fascicule 3 traite des thèses officielles concernant Gergovie.

 

 

     ANNEXE 6      LA BATAILLE DE GERGOVIE A MERDOGNE   

 

              Merdogne, au contraire de Corent, parait n’avoir jamais pu, faute d’eau, abriter un habitat supérieur à quelques cases.  Les fouilles exécutées pendant la guerre sur l’ensemble du plateau par l’université de Strasbourg, repliée à Clermont-Ferrand, n’ont révélé aucune occupation significative du lieu, sauf quelques traces de cabanes de bergers..

             La localisation de la bataille aux abords de ce plateau se heurte à plusieurs objections.
- Il faut remarquer tout d’abord, en dehors des deux versions classiques qui sont  proposées par les tenants de Merdogne pour le déroulement de la bataille, le nombre élevé d’hypothèses qui ont été avancées pour situer les deux camps du Proconsul : 19 pour le grand camp, et 11 pour le petit. (Cf. annexe 8)     
     Lorsqu’un terrain n’offre aucune solution incontestable, au point qu’on ne puisse trouver de déroulement évident, et qu’on soit obligé de disperser les recherches sur un aussi grand nombre de possibilités, dont aucune n’enlève l’adhésion générale, c’est que l’emplacement retenu n’est pas le bon. (Voyez la multitude des propositions situant l’embuscade de cavalerie précédant le siège d’Alésia, lorsqu’on veut implanter la bataille à Alise).
 
 - Une seconde observation, c’est qu’il s’agit là d’un plateau très élevé, dominant de  300 mètres la Limagne, et accessible seulement par l’ouest, au col d’Opme. 
          Ce put être l’emplacement d’un temple voué à des pèlerinages, mais pas celui d’une ville d’où il fallait descendre chercher l’eau, soit à l’Auzon soit dans l’Artière.
         On est aussi en droit de se demander, devant l’altitude et l’abrupt de ce plateau par rapport à la plaine de Limagne, si César l’aurait attaqué depuis l’endroit où l’archéologie officielle positionne ses camps.
 
  Gergovie à Merdogne - Situation générale

 

 

                      La solution aujourd’hui officiellement retenue, le grand camp à la Serre d’Orcet (emplacement 17 de Göler 1859), et le petit camp à la Roche Blanche (emplacement 7, de Pasumot en 1765), place César dans une position calamiteuse, qui va l’obliger à un assaut très long,  sur une dénivelée de plusieurs centaines de mètres (1), sans possibilité de se soustraire à l’observation ennemie.
 
       Mais surtout, elle contredit le texte des Commentaires sur de nombreux points.
 - La plus importante de ces contradictions se trouve au chapitre 36, lorsque César affirme que l’oppidum, la colline du petit camp et le grand camp étaient alignés sur une même droite, ce qui avait permis au Romain de camoufler la mise en place des troupes d'assaut..
A Merdogne ce n’est pas le cas : La dénivelée de quatre cent mètres en partant d’Orcet  va entrainer une progression  de plus d'une heure et demie sans possibilité de se soustraire à l’observation des guetteurs arvernes entre la sortie du camp et le contact avec la défense gauloise : la grimpette de 200 mètres si l'on place l’assaut depuis la Roche Blanche (19), annihile la surprise, la mise en place des légions d'attaque ayant été décelée dès la sortie du grand camp et l’exiguïté de la Roche Blanche interdit d'y laisser les légionnaires trop longtemps..

Dès le départ l’assaut est donc révélé aux défenseurs, et les délais pour que l’attaque arrive au contact suppriment toute surprise.      

 
Il y en a d’autres contradictions, par exemple :
 
- Le jugum dont parle César, ne peut, quand on met la bataille à Merdogne, que se trouver à gauche en regardant l’oppidum depuis le grand camp ; seule, la montagne de la Serre semble pouvoir remplir ce rôle
                 Cependant, si cette hypothèse convient, lorsqu’au chapitre 45, le proconsul envoie une légion par le même jugum dont il vient d’ordonner aux muletiers de faire le tour, elle présente des objections graves pour y appliquer l’ensemble du récit des Commentaires, en particulier lorsqu’au chapitre 36, César dit que toutes les collines de cette chaîne étaient couvertes de troupes : Il faudrait, à l’arrivée des Romains, faire occuper Le Crest et la crête de la Serre par des guerriers gaulois : c’est inexplicable militairement, ces emplacements étant trop éloignés pour jouer le rôle de postes de défense avancés de l’oppidum, ou pour constituer une menace dirigée contre celui-ci. 
 
            Certains tenants de Merdogne, à ce moment de la bataille, appellent alors jugum les moutonnements irréguliers parfois nommés « hauteurs de Risolles », qui descendent du plateau à l’ouest de la Roche Blanche, de chaque côté de l’actuel village de Jussat. Mais peut-on qualifier de jugum ce semis disparate de collines ? Cela parait tiré par les cheveux !
            Toujours à propos du Jugum, César parle d’une colline de ce relief, soudain dégarnie de troupes (VII, 44), parce que les Gaulois fortifiaient ce jour-là le « revers du jugum, endroit presque plat, boisé et étroit,  par lequel on accédait à l’autre coté de l’oppidum ».   
     Où situer cette colline, derrière laquelle on accède à l’entrée Ouest de l’oppidum, si l’on prend pour jugum la montagne de la Serre ?  C’est impossible, cette crête s’éloignant du  plateau, à mesure qu’on la parcourt vers l’ouest !

               Pour ce chapitre 44 également, le mot jugum devrait donc être attribué aux contreforts du plateau dominant Jussat ?  Mais ce jugum devient aussi encombrant que l’autre quand on essaie de se représenter la bataille,

         Les partisans de Merdogne paraissent donc avoir été contraints, pour appliquer la bataille à ce plateau, à inventer deux « juga » et les utiliser alternativement suivant les besoins du récit. 
Or le texte de César semble bien n’en mentionner qu’un !
- Il est difficile enfin, de voir dans le petit mamelon de la Roche Blanche une « hauteur parfaitement fortifiée et isolée de toutes parts » (VII, 36). Pierre François Fournier, archiviste du Puy de Dôme dans les années 20, explique que sa topographie a changé depuis l’époque du divin Jules parce que les habitants du village ont creusé des caves troglodytes, et que des glissements de terrain se sont produits en 2000 ans !   
Les bords de la colline se sont peut-être effrités, mais l’usure géologique a dû s’arrêter là.

                            Du point de vue militaire aussi, les solutions officielles proposées souffrent de nombreuses faiblesses.      Stoffel, comme après lui une bonne partie des historiens, lançait l’assaut à partir du petit camp de la Roche Blanche.                         

 (1) Curieusement personne ne semble avoir voulu placer le camp du Proconsul à l’ouest, entre Romagnat et le Puy Giroux, ce qui lui aurait permis un assaut plus rapide et moins pénible, avec une diversion éventuelle par le Sud! Si un tacticien de la valeur de César avait voulu attaquer Merdogne, il n'aurait pas fait l'impasse sur cet accès au plateau. Mais alors il aurait écrit une autre relation de la bataille, avec la description d’un paysage différent.

 

A /    La bataille dans l’hypothèse   Stoffel     
 
                    Les manœuvres préliminaires de diversion, tout d’abord.
 
- Les escadrons, durant la nuit, vont faire du tapage tout autour de l’oppidum
Le trajet des deux autres éléments de la diversion dépend de la situation du fameux jugum. Etudions donc, l’une après l’autre, les hypothèses proposées pour cette hauteur.
 
Cas de la montagne de la Serre (a).
- Les muletiers, le matin du jour J, font le tour du jugum, pour le traverser après Chadrat, et aller se positionner vers Sauzet-le-Chaud (VII, 48, ad alteram partem oppidi) afin de figer sur eux l’attention des défenseurs.         
 
Cette manœuvre de dissuasion parait totalement inutile.
                En effet, le long périple décrit, en camouflant la progression de cette troupe à l’observation gauloise, supprime l’efficacité de cette mission : Les guetteurs vont perdre de vue les muletiers dès que ceux-ci seront passés derrière le Crest, et ils ne les reverront plus !
  Légende

- 1  Trajet des muletiers (a) et (b)                    - 2  Une légion par le Jugum (a et b)

- 6  Mise en place des légions d’assaut.           -  En rouge les  villages actuels.  

- 745,  390 : Altitudes

  
               Car dans le terrain coupé,  parsemé  de mamelons boisés, qui constitue le paysage  Sud-occidental du plateau, cette troupe devra progresser et s’installer suffisamment loin, pour ne pas dévoiler la supercherie de sa composition, ce qui enlèverait toute crédibilité à la balade. Elle ne sera donc pas repérée.  Se dévoiler pour attirer la cavalerie arverne, obligerait à s’approcher dangereusement du col d’Opme, et il y a peu de chances que des civils, recrutés pour des besognes logistiques, prennent le risque de se faire massacrer à coup sûr !
 
- La légion envoyée sur le jugum quant à elle, devra grimper sur la montagne de la Serre, puis s’installer dans un fond et s’y camoufler dans un bois, afin d’obliger les Gaulois à se masser de ce coté. Cette légion descend donc vers Chanonat et s’installe dans un triangle Opme, Jussat, Chanonat, incitant Vercingétorix à faire renforcer la défense de l’oppidum face aux cols d’Opme et des Goules.

Pourquoi avoir fait grimper cette légion sur la montagne de la Serre, alors que le chemin direct Orcet - la Roche Blanche -Chanonat arrivait au même résultat en économisant les jambes des légionnaires ?

Cas du jugum au-dessus de Jussat (b).

- Difficile, dans cette hypothèse pour les muletiers d’aller « faire le tour des collines et, par un long détour, se rassembler en un même point » (VII, 45) : il n’y a pas de détour à faire, le chemin est direct au nord de l’Auzon, juste sous la vue des guetteurs gaulois des collines qui vont s’apercevoir de la supercherie et identifier instantanément des mules et des civils sans armement ! 
        A moins que César ne les ait envoyés faire le tour nord du plateau par Prat et Romagnat ? Impossible, car dans ce cas, il aurait écrit « oppido  circumvehi jubet ».
 
 - La légion passe elle aussi au nord de l’Auzon, mais comment pourrait-t-elle progresser par le même jugum et se camoufler dans un lieu boisé ? Il faudrait, qu’après avoir dépassé la Roche Blanche, elle monte sur la colline 661, pour descendre ensuite se camoufler dans le creux de Jussat ? Au vu des guetteurs gaulois de la cote 745, et en traversant les troupes gauloises occupant encore les collines du jugum
         Ce n’est pas la bataille que décrit César, et on comprend que cette légion n’ait plus bougé de la journée !

                       Dans cette « version Stoffel », on peut avant tout remarquer que – quel que soit le jugum adopté - les deux manœuvres de diversion montées par César le matin du jour J, ont pour premier résultat de concentrer la vigilance  des défenseurs - et de les masser -  sur le secteur Sud : Opme - La Roche Blanche, celui-là même sur lequel il aurait fallu éviter d’attirer leur attention.

              Les précautions prises par César, d’autre part,  pour faire passer ses soldats dans le petit camp « en formation dispersée (2) » sont ridicules : le chemin protégé par le double fossé tracé entre Orcet et la Roche Blanche, étant sur toute sa longueur dominé par l’oppidum, les Gaulois ne perdront pas une miette du transit des milliers d’hommes, que le proconsul y lance dans la matinée (3).                      
   Vercingétorix sait compter : une légion sur le Jugum, deux placées par César dans le petit camp depuis la prise de la Roche Blanche (VII, 36), la réglementaire  légion de garde au grand camp, plus deux (4) qui  arrivent au petit camp durant la matinée, cela fait six.  
                  Il en tire immédiatement la conclusion que César va attaquer à partir de la Roche Blanche, avec peut-être une action secondaire sur le col d’Opme, tout proche : il  masse donc ses guerriers face au Sud, et laisse seulement une surveillance vers la Serre d’Orcet, d’où sortent à midi les Héduens qui s’en vont vadrouiller vers le nord, en direction d’Aubière.

              La surprise, recherchée par le Proconsul pour pallier les difficultés qui lui avaient fait désespérer de prendre la ville de vive force (VII, 36), cette surprise n’existe plus.

                       Les Héduens

César les fait partir de la Serre d’Orcet (leur bivouac devait se trouver à proximité du camp romain), et les fait grimper sur la droite, par un itinéraire différent de celui des légions d’assaut.

Où vont-ils ? Et qu’attend-t-il d’eux ? Il dit les avoir envoyés, sur la droite, contenir une possible intervention gauloise.
      Normalement ils montent droit sur l’oppidum, et devraient donc, soit déboucher à peu près entre le monument du casque et le musée, immobilisant sur cette portion du plateau, le maximum de défenseurs et soulageant d’autant l’assaut principal venant de la Roche Blanche, soit barrer la route à une contre-attaque empruntant les pentes Est du plateau..
             Dans les deux cas, l’itinéraire est direct et l’objectif repérable tout au long de la montée : il n’y a aucune possibilité d’erreur en cours de route.
             Or, sans justification, les Héduens obliquent à gauche, grimpent en biais sur la pente Est faisant face à Orcet, passent sur la face Sud,  et finissent  par déboucher sur la hanche droite des légions d’attaque, au-dessus de l’actuel village de Gergovie.        
             Et personne ne s’en aperçoit ? Personne ne redresse leur itinéraire alors qu’ils  restent en   permanence à la vue des observateurs du grand puis du petit camp ?
 L’action de ces auxiliaires est incompréhensible.
 
         A moins qu’ils n’aient – mal orientés par César, ou n’ayant pas compris ce qu’il attendait d’eux -  contourné au nord l’oppidum par Romagnat et Opme, pour arriver dans le dos de la troupe d’assaut (option 3 bis, mentionnée par P.-P. Mathieu et F. Monnier).
Mais ils seraient alors apparus sur le coté gauche des romains, et non  « ab latere nostris aperto » (VII, 50), et ils auraient au passage, buté éventuellement sur les Gaulois occupant le jugum (dans la deuxième hypothèse de la position de ces collines) libéré la légion camouflée vers Jussat, et bousculé dans le dos, les guerriers contre lesquels le proconsul venait de lancer Titus Fabius et la Treize (VII, 49).
 
          La mission était belle, elle aurait mérité mieux qu’une troupe de supplétifs à la fidélité incertaine, et il aurait fallu découpler les Héduens le matin, et non à midi !
 
 
 
((Jullian), « par petits groupes » (Constans, Walter), « par petits paquets » (Rat), « par petits pelotons » (éd. Flammarion), quel que soit leur intérêt au point de vue militaire, ne me paraissent pas respecter le sens ici technique de rari milites. Songez à quelqu’un qui a le cheveu rare…, il l’a clairsemé. »  (Y. T)2) La traduction est du Professeur Yves Texier : « – Les traductions « par petits détachements » (Napoléon III), « en petits groupes »
 
(3) Le lit de l’Auzon représente un cheminement partiellement défilé aux vues du plateau, et peut conduire d’Orcet à la Roche Blanche, mais les marécages qui le parsèment encore aujourd’hui devaient à l’époque, le rendre impraticable à une troupe armée. En outre César, si son double fossé avait encagé le cours de ce ruisseau, l’aurait probablement mentionné.

 (4) Le proconsul dispose de six légions.   Or (XII, 45) il « fait passer ses soldats du grand camp dans le petit camp … puis il donne ses ordres aux légats ».             Ce qui parait ressortir du texte, c’est qu’en dehors de la légion du jugum, des Héduens, des muletiers et cavaliers, et des cohortes de garde au grand camp, la majeure partie du corps d’armée – et César lui-même – seront présents ou transiteront par le petit camp dans les premiers temps de la bataille.

           L’effectif qu’il fait passer dans le petit camp est important puisqu’il prend la précaution de faire progresser ses soldats en formation dispersée  pour ne pas attirer l’attention des guetteurs gaulois. Il n’aurait pas pris ces précautions de camouflage pour une ou deux cohortes

 Cet effectif passé dans le petit camp se compose donc de la Dix (ou de la Treize) et des deux légions de la troupe d’assaut    Ce dernier, bien sûr, pourrait n’être mené que par un seul corps, mais cela impliquerait quand même de faire transiter deux légions, puisque la Dix restera avec César derrière les troupes d’attaque, et que la Treize sortira de la Roche Blanche vers la fin, pour assurer leur recueil.  Il y a donc en fin de matinée, dans le petit camp, deux légions, plus l’effectif d’attaque, plus éventuellement la garde du camp.   Or un seul corps est insuffisant pour s’emparer de ce plateau, et César n’aurait jamais laissé, un jour de bataille, deux légions au repos dans le grand camp
De plus, sa défaite et ses pertes lui auraient été violemment reprochées, s’il l’avait fait.
Non, en dehors des Dix et Treize, deux légions ont mené l’assaut à partir du petit Camp.

Légende

- 1  muletiers                                                         - 2  Légion envoyée par le Jugum

- 3  Héduens                                                          - 3 bis Autre trajet possible des Héduens                                        

-  4  Assaut                                                            - 5 Intervention des Gaulois                                

 - XIII      Sortie de Sextius                                   - H camp des Héduens

 
 
            L’assaut
    Cet assaut mené à partir de la Roche Blanche, doit normalement emmener sur son aile gauche la légion toute proche, envoyée ce matin vers Jussat.
Apparemment, ce ne fut pas le cas !      Pourquoi ?   Sans doute parce que la bataille ne s’est pas déroulée comme le raconte Stoffel.
 
              Le recueil
          Où se situent César et la Dix ?     Au petit camp puisque cette légion participe, avec la Treize, au recueil des troupes d’attaque.
Après le recueil des légions d’assaut, le repli sur le grand camp, en emportant les blessés et les morts, dut se transformer en un long calvaire exécuté sous les quolibets et les tirs des Gaulois massés sur les pentes sud du plateau.

 

 
 
 B /  La Bataille en lançant l’assaut depuis Orcet

                            Devant les invraisemblances que recèle la solution Stoffel, une autre version de la bataille, (présentée la première fois en 1928 par P. F. Fournier et un sieur Desforges, dans une communication à l’Académie des Sciences, Belles Lettres, et Arts de Clermont) fait donner l’assaut sur le versant Est, depuis le grand camp (5).

               Malheureusement, elle n’est pas meilleure, et elle peine avec raison à convaincre tous les tenants de Merdogne.

C’est sans doute ce qui explique le flou tactique de la bataille décrite dans le film présenté au musée du plateau : l’assaut semble déboucher d’Orcet, mais immédiatement, le schéma s’efface et cède la place à des visions hachées d’affrontements confus, baignant dans une brume rougeâtre, destinée sans doute à ajouter au caractère dramatique du récit, mais surtout à camoufler l’indigence de la reconstitution.
Voyons donc la « solution Fournier ».

                 Les manœuvres de diversion

- Elles restent inchangées en ce qui concerne les cavaliers de la nuit, la légion qui va s’installer dans le triangle Orcet – Jussat – Chanonat, et le trajet des muletiers, en fonction des choix suivis pour définir le Jugum.
A noter cependant, que dans cette hypothèse, à moins de passer, lors du repli, derrière la montagne de la Serre, les muletiers et la légion de Jussat ont peu de chances de revenir intacts au camp d’Orcet après la bataille.

              Mais la situation respective des camps et de l’oppidum, qui livre les mouvements romains à l’observation gauloise, (et le proconsul ne peut l’ignorer) transforme - si l’assaut doit partir de la Serre d’Orcet - le mouvement que César fait effectuer à ses soldats entre le grand et le petit camp (VII, 45) en une quatrième manœuvre d’intoxication, destinée à faire croire aux Gaulois que l’attaque sera déclenchée de la Roche Blanche.

                  Bien entendu, cette nouvelle tentative – encore moins que celles de la matinée – ne peut réussir :

- parce que les guetteurs gaulois ne cesseront pas une seconde d’épier les mouvements romains,
- parce que César, s’il veut attaquer à midi depuis le grand camp, est obligé de ramener cette troupe à la Serre d’Orcet, dès son arrivée à la Roche Blanche. Il ne lui reste en effet, au grand camp, que les cohortes de la légion de garde, et les administratifs et indisponibles des autres.

              Cette hypothèse implique, évidemment : 

     * que les seuls manuscrits retenus soient ceux du groupe bêta (…qui ex oppido animadverterentur), puisque le transit des légionnaires dans ce sens doit être aperçu des guetteurs gaulois, ou alors il est inutile. 

    *  que donc, les ordres de progresser en formation dispersée, de couvrir les casques et de camoufler les enseignes, soient destinés, non  à la troupe qui se rend au petit camp – ce que le texte laisse entendre – mais, à cette même troupe, lors de son retour au grand camp, et peut-être à son départ pour l’assaut (puisque ce ne peut être que la même) !

Que voilà donc une acrobatique torsion du texte de César ! Et on se demande pourquoi ces précautions, puisque le proconsul sait que tous les mouvements, y compris l’attaque, seront décelés du haut du plateau, dès leur  sortie des camps !

     *   qu’enfin César ait - sans le dire, alors qu’il énonce les consignes qu’il leur donnait au départ ! - ramené au grand camp, avant midi, les troupes qu’il avait le matin, ouvertement envoyées à la Roche Blanche, mais, cette fois,  en tentant de camoufler ce mouvement de retour à l’ennemi. (Il est bien obligé de les ramener, sinon, avec quels effectifs attaquera-t-il le plateau s’il laisse ces troupes au petit camp ?)

Voilà une gageure risquée, et une curieuse préparation physique pour l’opération de l’après-midi, qui doit lancer les légionnaires sur une très grosse dénivelée, suivie immédiatement d’un corps à corps épuisant.

     Cette quatrième manœuvre d’intoxication, imposée par ce terrain si on veut lui appliquer  le texte, enlève une grande part de crédibilité à la solution Fournier de faire déboucher l’assaut de la Serre d’Orcet.

 (5) Il faut remarquer que, dans les deux cas, Orcet ou la Roche blanche, César doit donner l’assaut sur une pente raide et longue, à la vue et exposée aux coups de l’ennemi depuis le départ, et  présentant une dénivelée de 200 à 300 mètres.  Il ne peut en sortir qu’avec des pertes sérieuses.

  Légende
- 1 Trajet des muletiers (a) et (b)              - 2  Légion de dissuasion par le Jugum (a et b)

- 6  Mouvements  de troupes entre les deux camps

-   745,    635 … = altitudes                        En rouge les  villages actuels.  

 
  
                                       Les Héduens
 
Les Héduens sont envoyés vers la droite, par une autre montée, (VII, 50), probablement sur la face nord du plateau, vers le Bois  des Rôtis.  
       Il parait curieux de disperser les opérations secondaires  et de les répartir de chaque coté de l’action principale : cela ne peut avoir qu’un résultat, attirer l’attention de l’ennemi au point médian de ces gesticulations, là où justement va se prononcer l’attaque réelle.
              En finale, ces alliés, après avoir apparemment effectué une partie de la montée, obliquent vers la gauche et, revenant du flanc Nord où César ne les voyait pas, débouchent dans la  pente Est, au nord du monument au casque, derrière et sur la droite des légions en train d’affronter, sous les murs de la ville, les défenseurs gaulois.
     Peut-être se sont-ils heurtés à une impossibilité en essayant d’atteindre le sommet du plateau à l’endroit prescrit,  ou ont-ils préféré chercher le combat sur leur gauche, à l’appui des troupes romaines, plutôt que de tenter une attaque sur la face Nord, qui aurait laissé leurs flancs découverts.
 
       Quelle était exactement cette mission de couverture sur le coté droit ?
- Se contenter, par leur présence, d’immobiliser des défenseurs sur la face Nord ?
- Mener un assaut réel sur cette face, concomitant avec celui des légions d’Orcet. ?
- Attaquer sur la face Ouest, par le col d’Opme ?
        César ne l'explique pas clairement, et apparemment cette mission était, ou trop compliquée, ou estimée par eux trop dangereuse, ou tellement floue qu’ils n’ont su que faire.

Quoi qu’il en soit, lancés ainsi seuls sur la droite, ils ne pouvaient pas servir à grand-chose, dans ce paysage. 

 

                 L’assaut.

              D’après ce qu’on peut comprendre du film présenté au musée, l’assaut part de la Serre d’Orcet, et grimpe tout droit sur 300 mètres environ de dénivelée (une heure de montagnard), pour déboucher de part et d’autre de l’actuel musée
       Les manœuvres de diversion montées depuis la nuit, avaient bien entendu pour but d’attirer l’attention des Gaulois vers le Sud-Ouest du plateau, de façon à alléger la défense orientale, qui pourrait s’opposer à une attaque déclenchée depuis la Serre d’Orcet.
Cependant la situation des camps romains, placés directement sous les postes de guet gaulois, diminue sérieusement l’efficacité de ces manœuvres,  qui ont de plus été annihilées lorsque les Gaulois ont vu revenir  les troupes envoyées le matin au petit camp 
                            Dès la fin de la matinée, la bordure Est du plateau va se garnir de guerriers.

                           Le recueil

             Voyant que l’affaire tourne mal, César fait sortir la Treize de la Roche Blanche, et donne à  Sextius, l’ordre de protéger les troupes d’assaut sur leur aile gauche, si elles sont  contraintes à la retraite (VII, 49). 
                Cette mission devrait être menée en liaison avec la légion du jugum, camouflée ce matin juste à côté, dans le triangle Chanonat-Opme-Jussat, et sur laquelle les Gaulois pourraient buter en descendant de l’oppidum, au cas où ils sortiraient par le col d’Opme.

Curieusement, c’est en liaison avec la Dix de César (VII, 51), que s’effectue ce recueil, alors que cette troupe se trouve sur les pentes Est du plateau, au-dessus de la Serre d’Orcet.

  Légende

                                                                  - H  Camp des Héduens

- 1 muletiers                                              - 2  Légion de dissuasion dans un creux du Jugum

- 3 Héduens                                               -  4  Assaut           

- 5 Intervention des Gaulois                        - XIII      Sortie de Sextius

 
         Il va donc falloir que la Treize dégarnisse le petit camp, abandonne la légion de Jussat, et, par une marche forcée de trois kilomètres sous les coups de l’ennemi qui dévale les pentes sud, aille s’installer en couverture du repli, sur les flancs Est du plateau !
Cette légion n’arrivera jamais à temps!
                                           Le plan de manœuvre de César a été bien mal conçu!
 
         Telle qu’elle est exposée par Fournier, ses amis (Desforges et Balme), et ses disciples, la version de cette bataille est aussi incompréhensible que celle de Stoffel !
 
                       Conclusion

                 Quelle que soit la solution choisie, l’attaque du plateau de Merdogne ne donne lieu qu’à une opération incohérente, montage bâclé d’un affrontement que n’aurait jamais déclenché César.

    Les manœuvres de diversion exposées, non seulement ne servent à rien, mais jointes aux mouvements des troupes entre les deux camps, elles révèlent dès midi aux défenseurs, le point d’application de l’effort principal du proconsul.

    Quant à la mission confiée aux Héduens elle est obscure, et sera de toutes façons inefficace puisqu’ils sont surveillés par l’ennemi dès leur départ du camp. 
 
Qu’on veuille le faire attaquer de la Roche Blanche ou d’Orcet
César n’a jamais livré cette bataille de Gergovie.
 
 
 
 

ANNEXE 7    -       POURQUOI  CETTE IMPOSSIBILITE

      DE  SITUER  LA BATAILLE A MERDOGNE ?

 

Pour des raisons simples qui tiennent à la topographie.

              Aux Côtes, César peut chercher à créer un effet de surprise, qui contrebalancera la puissance des défenses naturelles et des fortifications, de l’oppidum :

- 1 / l’accès du grand camp au petit camp est hors des vues gauloises, à cause de l’alignement des camps et de l’oppidum, et de l’importance du masque que constitue Chanturgue.

-2 / les légionnaires ne sont vus du puy de Var et des Côtes, qu’une fois parvenus sur le plateau de Chanturgue, d’où la pertinence et l’utilité de la fameuse « formation dispersée ».

- 3 / l’approche des Héduens est défilée aux vues gauloises - et aussi romaines - jusqu’à leur débouché au col de Bancillon.

- 4 / la position alignée Montferrand-Chanturgue-Gergovie explique et justifie de faire partir l’assaut du petit camp, plus proche de l’objectif.

- 5 / L’existence du col de Bancillon entre l’oppidum et le puy de Var, cache l’activité gauloise aux yeux de César, mais aussi camoufle aux yeux de Vercingétorix – occupé, sur le versant nord, à surveiller la légion du jugum et les muletiers – les activités qui se déroulent sur Chanturgue.

- 6 / Après avoir passé une partie de la nuit et toute la matinée sur le qui-vive, Tautomatos, ses collègues et leurs troupes, se disent, en bons gaulois : « Ça n’a pas l’air d’être pour tout de suite, cassons toujours une croûte, il vaut mieux se battre le ventre plein! »

                 Ce sont là  des conditions qui ont fait penser à César que, grâce à l’effet de surprise et à la naïveté des Gaulois, sa manœuvre pouvait réussir

 

          A Merdogne, rien de tout cela n’existe, et il ne sert à rien d’essayer de duper l’ennemi..

- 1 / A Merdogne, les deux camps et l’espace qui les sépare sont sous les yeux des postes d’observation gaulois, et tout mouvement romain est immédiatement décelé : la surprise est donc impossible.   C’est exactement la position dans laquelle s’était trouvé César lors de son arrivée à Montferrand.  La prise de Chanturgue lui avait donné, c’est vrai, une base de départ plus proche de son objectif, mais lui avait surtout permis d’acquérir l’autonomie de ses mouvements,  en supprimant l’espionnage, par les Gaulois, du grand camp et des activités romaines.

 - 2 / le soi-disant Jugum est trop loin de l’oppidum pour participer à sa défense ou constituer pour lui un facteur de vulnérabilité si c’est la montagne de la Serre, et il se trouve en contradiction avec le déroulement de la bataille telle que la raconte le texte, si on le place sur les hauteurs de Risolles.
Quant à créer deux lignes de collines baptisées Jugum, pour rendre crédible (sans d’ailleurs y parvenir) le positionnement de la bataille à Merdogne, cela parait en contradiction avec ce que dit César au chapitre 45, où il n’évoque visiblement qu’un seul Jugum.

 - 3 /  Où qu’il soit cantonné et quelle que soit l’hypothèse retenue pour la base d’assaut romaine, Tautomatos n’aurait jamais été surpris pendant sa sieste : Ses guetteurs lui auraient signalé le départ de l’attaque, bien avant qu’elle n’arrive sur lui.

 - 4 / La position des camps rend incompréhensible le récit de cette bataille quand on la place à Merdogne : ils sont aussi éloignés l’un que l’autre de l’oppidum.   
C’est vrai, César n’écrit pas en toutes lettres que l’assaut est parti du petit camp.  
 Mais si l’on doit faire partir l’attaque du grand camp, pourquoi avoir envoyé des troupes à la Roche Blanche ?  
Et si César lance l’assaut de la Roche Blanche, pourquoi avoir organisé de ce côté les manœuvres de déception ?

 

               A Merdogne, tous les mouvements romains sont repérés par les guetteurs gaulois, et le proconsul ne peut l’ignorer
     Une manœuvre « à la César », qui attire l’attention de l’ennemi d’un côté, pendant qu’il l’attaque de l’autre, une telle manœuvre est ici impossible.
              Si César était venu à Orcet, il s’en serait immédiatement rendu compt
                   Il aurait ravagé le pays arverne,
                                    et serait reparti.
                                                                                                                    Marc Terrasson
 
 
 

 

ANNEXE  8    - LES  DIFFERENTS  CAMPS  DE  CESAR

(Extraits de la thèse du Professeur Texier.)

 

A / les dix-neuf propositions d’emplacements du grand camp   (ci-dessous)

 

1 – Massif de Cournon (Puy d’Anzelles ou d’Auzelles ou puy de Banes      SYMEONI   1560

2 – colline de la Roche Blanche, dite Plaine                                            BELLAYGUE   1725

3 – Vallon de Chanonat (Puy de Cimart à l’ouest ?)   BOMPART DE SAINT VICTOR  1752

4  -  Sous Jussat, dans l’angle Auzon-ravin de Macon (vers Julhat)               CAYLUS     1762

5 -  Rive droite (= sud) de l’Auzon, sous Le Crest                              PASUMOT              1765

6 – Gondole (confluent Auzon – Allier)  RABANI-BEAUREGARD et GAULT de S.G. 1801

7 – Puy de Monton, au NO du puy de Corent.                        RUDEL du MIRAL             1803

8 – Hauteur du Crest                                                                     MERIMEE                      1838

9 – Puy d’Aubière-sud (plein nord)                        FROMENT et SAINT HYPOLITE      1841

10 – Entre l’Auzon et le lac de Sarliève                                       MICHEL                         1843

11 – Rive droite (sud) de l’Auzon, sous le puy de Monton.              AIGUEPERSE           1847

12 – Plateau de Beaumont (rive gauche de l’Artière, ou rive droite)       PEGHOUX         1854

13 – Plateau de la Serre d’Orcet, au nord-ouest d’Orcet                           GÖLER              1859

14 – Puy de Chignat, ou Chiniat, rive gauche (nord) de l’Auzon          OLLERIS              1861

15 – Entre la route Clermont-Issoire et le domaine de Gergovia               BOUDET          1862

16 – Le Pré-du-Camp juste au nord de Pérignat-les-Sarliève                      GIRARD          1852

17 – Le puy Chevalet, entre Orcet et l’Allier                                            SARRETTE        1863

18 - Plateau nord d’Aubière                                                    DAUPEYROUX                  1913

19 – Butte de Clermont                                                                      ACHARD                  1991

 

 
 
 
 B / Les onze propositions de petits camps (croquis ci-dessous)

1 – Le Crest                             SYMEONI                  1560

2 – Prat                                    BELLAIGUE                 1725

3 – Montrognon                        LESCUYER de la JONCHERE                  1739

4 – Puy de Monton                    ANVILLE        1760

5 – Risolles                                CAYLUS                1762

6 - Jussat                                   MARTINON                      1763

7 – La Roche Blanche               PASUMOT                     1765

8 – Quiche                                BOUILLET                    1836

9 – La Nuit de Prat                    SAINT - HYPOLITE              1841

10 – Orcet                                 MATHIEU            1862

11 – Puy d’Aubière-sud             DAUPEYROUX        1913

 

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