5 - Gergovie 1

 
 
 

LA  BATAILLE  DE  GERGOVIE

Par le Général Marc Terrasson

Ce premier fascicule ne traite que de la bataille proprement dite.  L'étude géologique et diverses précisions sur l'exposé ci-dessous sont traitées dans la plaquette Gergovie 2, tandis que la thèse de la bataille à Merdogne est étudiée dans le fascicule Gergovie 3.

 A /  PREAMBULE

Plan en relief du site, d’après le Pr. Texier.

La bataille de Gergovie s’est déroulée entre Chanturgue et les Côtes de Clermont, aussi l’hypothèse d’une localisation de la bataille à Merdogne, ne sera-t-elle évoquée qu’à la fin de cette étude, en annexes 6 et 7 de la plaquette Gergovie 3).

Ces réflexions se limiteront à la bataille elle même, faisant abstraction de l’approche (B.G. VII, 34), du retour (B.G. VII, 54 et suivants), également des démêlés avec les Héduens (B.G. VII, 37 à 43)  qui n’interfèrent pas avec le déroulement proprement dit des combats.

Les précisions sur les termes latins ou grecs litigieux, ont été données par Mme A.Brenet et le Professeur Yves Texier. 

J.D.Léoty nous a guidés dans les visites détaillées que nous avons pu effectuer sur les Côtes et sur Chanturgue.

Les pages qui suivent ne décrivent pas la Vérité avec un V majuscule : elles donnent, grâce à  l’aide des amis (Le professeur Texier, Claude Delas, Georges Donat, les colonels Clary, Le Goff et Gin, et mes deux frères) avec lesquels nous avons effectué des visites ces trois dernières années, mon interprétation personnelle de cette bataille
 
        ci- dessus      M. T.   qui décrit la bataille depuis l'observatoire de César sur Chanturgue- au fond la colline de la Mouchette
 
 
 
 
 
 
       Les textes dans lesquels ont été puisées les références sont :
  • Le livre VII des Commentaires de César.
  • Un passage des Stratagèmes de Polyen, VIII, 18, 9 à 11.
  • Les Chapitres 35 à 38 du livre 40 de l’Histoire romaine de Dion Cassius.
  • Gergovie, Capitale des Gaules,  de Maurice Busset, Delagrave , 1933.            
  • Certains livres de Paul Eychart, aux éditions Volcans et Créer.
  • La Thèse du Pr. Y.Texier, Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand II, 1993. 
  • Une étude intéressante sur Gergovie aux  Côtes, de Philippe Gavet, ami de Claude Delas.
  • La, ou plutôt les thèses officielles, localisant cette bataille à Merdogne.
 
B / LE TEXTE DE CESAR.  B.G. VII, 34 – 53.  Traduction Constans.

- 34 - … (. ……)...Il les invita (les Héduens) à lui envoyer sans retard toute leur cavalerie, et dix mille fantassins qu’il répartirait dans divers postes pour la protection des convois de vivres. Il fit ensuite deux parts de son armée : Quatre légions furent confiées à Labienus pour marcher contre les Senons et les Parisii, et il mena lui-même les six autres chez les Arvernes, vers la ville de Gergovie, en suivant l’Allier ; Il donna une partie de la cavalerie à Labienus et garda l’autre part. Quand Vercingétorix apprit ces nouvelles, il coupa tous les ponts de l’Allier et se mit à remonter le fleuve sur la rive opposée.

- 35 – Les deux armées se voyaient l’une l’autre et campaient généralement face à face ; et comme Vercingétorix disposait des éclaireurs pour empêcher les Romains de faire un pont et de franchir le fleuve, César se trouvait dans une situation très difficile : il risquait d’être arrêté par l’Allier la plus grande partie de l’été, car ce n’est guère avant l’automne que, d’habitude, l’Allier est guéable. Pour éviter qu’il en fût ainsi, César alla camper dans une région boisée en face de l’un des ponts que Vercingétorix avait fait détruire, et le lendemain il y demeura secrètement avec deux légions, tandis qu’il faisait partir comme à l’habitude le reste de ses troupes avec tous les bagages, ayant eu soin de fractionner un certain nombre de cohortes pour faire croire que le nombre des légions n’avait pas changé. Il leur donna l’ordre de se porter aussi loin que possible en avant, et quand l’heure lui fit supposer qu’elles étaient arrivées au campement, il se mit à rétablir le pont sur les anciens pilotis, dont la partie inférieure restait entière. L’ouvrage fut rapidement terminé ; il fit passer les légions et, ayant choisi un emplacement favorable pour son, camp, rappela à lui les autres corps. Quand Vercingétorix apprit la chose, craignant d’être obligé à livrer bataille malgré lui, il força les étapes pour prendre de l’avance.

-36 - César parvint à Gergovie en quatre étapes ; ayant livré le jour de son arrivée un petit combat de cavalerie, et ayant reconnu la place, qui était sur une montagne fort haute et d’accès partout difficile, il désespéra de l’enlever de force ; quant à un siège, il décida  de n’y songer qu’après avoir pourvu aux subsistances. De son côté, Vercingétorix avait campé près de la ville, sur la hauteur, et il avait disposé autour de lui, les forces de chaque cité, en ne les séparant  que par un léger intervalle : tous les sommets de cette chaîne que la vue découvrait étaient occupés par ses troupes, en sorte qu’elles offraient un spectacle terrifiant. Ceux des chefs de cités qu’il avait choisis pour former son conseil étaient convoqués par lui chaque jour à la première heure pour les décisions à prendre ou les mesures à exécuter ; et il ne se passait presque point de jour qu’il n’éprouvât, par des engagements de cavalerie auxquels se mêlaient les archers, l’ardeur et la valeur de chacun. Il y avait en face de la ville, au pied même de la montagne, une colline très bien fortifiée par la nature, et isolée de toutes parts : si nous l’occupions, nous priverions l’ennemi d’une grande partie de son eau et il ne fourragerait plus librement. Mais cette position était tenue par une garnison qui n’était pas méprisable. Pourtant César, étant sorti de son camp au milieu du silence de la nuit, bouscula les défenseurs avant que l’on eût pu les secourir de la place et, maître de la position, y installa deux légions ; Il relia le petit camp au grand camp par un double fossé de douze pieds de large, afin que même les hommes isolés pussent aller de l’un à l’autre à l’abri des surprises de l’ennemi.

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Les chapitres 37, 38, et 39 traitent de la trahison de l’Héduen Litaviccos qui commandait les 10.000 fantassins demandés par César.  Eporédorix prévient le Proconsul.

- 40 – Cette nouvelle affecta vivement César, car il avait toujours eu pour les Héduens des bontés particulières ; Sans hésiter, il fait sortir du camp quatre légions sans bagages et toute la cavalerie ; et on n’eut pas le temps, dans des conjonctures si  pressantes, de resserrer le camp, car le succès dépendait de la rapidité ; il laisse son légat Caïus Fabius avec deux légions pour la garde du camp. Ayant ordonné qu’on se saisît des frères de Litaviccos, il apprend qu’ils viennent de s’enfuir chez l’ennemi. Il exhorte ses soldats à ne pas se rebuter d’une marche pénible que la nécessité impose ; tous le suivent avec ardeur, et après avoir parcouru vingt-cinq milles, il aperçoit les Héduens ;

…..….. (César arrête les Héduens, les harangue, leur fait reconnaître l’imposture de Litaviccos - qui se réfugie avec ses clients auprès de Vercingétorix à Gergovie -  et leur fait grâce).

- 41 - …(……)…..puis, ayant fait reposer son armée pendant trois heures de nuit, il se mit en route pour Gergovie. Il était à peu près à mi-chemin, quand des cavaliers dépêchés par Fabius lui font connaître quel danger le camp a couru. « Des forces considérables ont donné l’assaut ; une relève fréquente remplaçait les troupes fatiguées par des troupes fraîches, tandis que les nôtres étaient obligés à un effort ininterrompu et épuisant : Car, en raison de l’étendue du camp, les mêmes devaient demeurer sans cesse au retranchement. Une grêle de flèches et de traits de toutes sortes en avait blessé un grand nombre ; Pour résister à cette attaque, notre artillerie avait été d’un grand secours. Fabius profitait de leur départ pour boucher les portes du camp, sauf deux, garnir la palissade de mantelets, et se préparer à pareil assaut pour le lendemain ». A cette nouvelle, César hâta sa marche, et grâce à l’ardeur extrême des soldats, parvint au camp avant le lever du soleil.

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 Le chapitre 42 et le début du 43 relatent la défection de l’ensemble  des Héduens, qui, à la nouvelle que les fantassins partis avec Litaviccos sont au pouvoir de César, lui envoient des députés.

- 43 – (………)..Cependant, comme il s’attendait à un grand soulèvement de la Gaule, voulant éviter d’être enveloppé par tous les peuples gaulois ; il (César) songea aux moyens de quitter Gergovie et de rassembler à nouveau toute son armée, afin qu’un départ, qui n’était dû qu’à la crainte de la défection, ne pût avoir l’air d’une fuite.

  

44 – Au milieu de ces pensées, il lui sembla qu’une occasion s’offrait de vaincre. Etant venu au petit camp pour inspecter les ouvrages, il remarqua qu’une colline, qui était dans les lignes de l’ennemi, était dégarnie de troupes, alors que les jours précédents, elles y étaient si denses que le sol s’en voyait à peine. Etonné, il s’enquiert auprès des déserteurs, dont il venait un grand nombre chaque jour. Tous font la même déclaration : comme César l’avait déjà appris par ses éclaireurs, le revers de cette colline était presque plat, mais boisé et étroit dans la partie par où on accédait à l’autre coté de la ville ; L’ennemi craignait beaucoup pour cet endroit, et il sentait bien que les Romains occupant déjà une colline, s’il perdait l’autre, il serait presque enveloppé et ne pourrait ni sortir, ni fourrager. Vercingétorix avait appelé toutes ses troupes pour la fortifier.

- 45 – Ainsi renseigné, César envoie vers la position, au milieu de la nuit, de nombreux escadrons ; il leur ordonne de se répandre de tous cotés en faisant du bruit. A l’aube, il fait sortir du camp un grand nombre de mulets chargés de bagages, les fait débâter et ordonne que les muletiers, coiffés de casques, prenant l’air et l’allure de cavaliers, fassent le tour par les collines. Il leur adjoint quelques cavaliers qui doivent, pour donner le change, rayonner largement. Par un long détour, ils se concentreront tous au même point. Les gens de la ville apercevaient au loin ces mouvements, car de Gergovie, la vue plongeait sur le camp, sans toutefois qu’il fut possible, à une telle distance, de se rendre un compte exact des choses. César envoie par la même ligne de hauteur une légion, et après qu’elle s’est un peu avancée, il l’établit dans un fond où des bois la cachent aux regards.  L’inquiétude des Gaulois augmente et toutes leurs troupes sont acheminées sur ce point pour travailler aux retranchements. Quand il voit que le camp ennemi est vide, César fait passer ses soldats du grand camp dans le petit par petits groupes et en ayant soin que les ornements des casques soient recouverts et les enseignes cachées, afin de ne pas attirer l’attention des défenseurs de la ville ; il révèle ses intentions aux légats qu’il avait mis à la tête de chaque légion ; il leur recommande avant tout de tenir leurs troupes, de veiller à ce que l’ardeur au combat ou l’espoir du pillage ne les emporte pas trop loin ; il leur explique les difficultés qui viennent de l’inégalité des positions ; il s’agit d’une surprise, non d’une bataille en règle. Après quoi il donne le signal de l’assaut et lance en même temps, sur la droite,  par une autre montée, les Héduens

- 46 - . La distance, entre le mur de la ville et la plaine, depuis l’endroit où commence la montée, était, en ligne droite sans aucun détour, de douze cents pas ; mais tous les lacets qu’on avait faits pour faciliter l’ascension augmentaient la longueur du chemin. Environ à mi-hauteur, les Gaulois avaient un mur de grandes pierres, haut de six pieds, qui suivait le flanc de la colline aussi régulièrement que le permettait la nature du terrain, et était destiné à ralentir notre assaut ; Toute la zone inférieure avait été laissée vide, tandis que la partie de la colline comprise entre ce mur et le rempart de la ville était remplie de campements très serrés. Nos soldats, au signal donné, arrivent promptement à ce premier mur ; ils le franchissent, et s’emparent de trois camps ; et ils le firent si promptement que Teutomatos, roi des Nitiobroges, surpris dans sa tente où il faisait la sieste, n’échappa qu’à grand peine des mains des soldats qui y entraient pour faire du butin ; il s’enfuit à demi nu et son cheval fut blessé.

- 47 – Comme il avait atteint le but qu’il s’était proposé, César ordonna de sonner la retraite, et ayant harangué la dixième légion, avec laquelle il était, il lui fit faire halte. Les autres légions n’entendirent pas la trompette, parce qu’ils étaient au delà d’un ravin assez large ; pourtant les tribuns et les légats, suivant les instructions de César, s’efforçaient de les retenir. Mais les soldats, exaltés par l’espoir d’une prompte victoire, par le spectacle de l’ennemi en fuite, par le souvenir de leurs précédents succès, pensaient qu’il n’y avait pas d’entreprise si ardue que leur valeur ne pût mener à bien, et ils ne cessèrent la poursuite qu’une fois arrivés près des murs et des portes de la cité. A ce moment, une clameur s’éleva de tous les points de la ville ; ceux qui étaient loin, effrayés de ce soudain tumulte, crurent que l’ennemi avait franchi les portes et sortirent de la place précipitamment. Les mères de famille jetaient du haut des murs des étoffes et de l’argent et, le sein découvert, penchées sur la muraille et tendant leurs mains ouvertes, elles suppliaient les Romains de les épargner, de ne pas massacrer, comme ils avaient fait à Avaricum, les femmes même et les enfants ; plusieurs, se suspendant aux mains de leurs compagnes et se laissant glisser, venaient se rendre aux soldats. Lucius Fabius, centurion de la huitième légion, avait - c’était connu - déclaré ce jour là au milieu de ses hommes que les récompenses de la journée d’Avaricum le remplissaient d’ardeur et qu’il ne souffrirait pas que personne escaladât le mur avant lui ; il prit avec lui trois de ses soldats et, hissé par eux, il monta sur le rempart ; puis, à son tour, les tirant à lui, il les fit monter l’un après l’autre.

 

Le site de Clermont au 1/80.000

- 48 - Cependant, ceux des Gaulois qui s’étaient assemblés de l’autre côté de la ville, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, pour y faire des travaux  de défense, entendant d’abord des cris, puis recevant à plusieurs reprises la nouvelle que les Romains étaient maîtres de la ville, se portèrent au pas de course vers le lieu de l’action, précédés de la cavalerie. A mesure qu’ils arrivaient, ils prenaient position au pied de la muraille et grossissaient les rangs de nos adversaires. Lorsqu’ils furent en grand nombre, on vit les mères de famille, qui, quelques instants auparavant nous tendaient les mains du haut des murs adresser leurs prières aux Gaulois et, selon la coutume de ce peuple, leur montrer leurs cheveux épars et tendre vers eux leurs enfants. Les Romains ne luttaient pas à armes égales : la position, le nombre étaient contre eux ; sans compter que, fatigués par la course et par la durée du combat, il ne leur était pas facile de soutenir le choc de troupes toutes fraîches.

- 49 - César, voyant que l’ennemi avait l’avantage de la position et, de plus en plus, celui du nombre, conçut des craintes pour la suite du combat : il envoya à son légat Titus Sextius, à qui il avait confié la garde du petit camp, l’ordre d’en faire sortir promptement ses cohortes et de les disposer au pied de la colline, sur la droite de l’ennemi, afin que, s’il voyait les nôtres lâcher pied, il pût intimider l’ennemi et gêner sa poursuite. De son côté, César, s’étant porté avec sa légion un peu en avant du point où il avait fait halte, attendait la fin du combat.

- 50 - Le corps à corps était acharné, l’ennemi se fiant aux avantages que lui donnaient le terrain et le nombre, et nos soldats à leur valeur, quand soudain on vit paraître sur notre flanc droit les Héduens, que César avait envoyés par une autre montée, à droite, pour faire diversion. Trompés par la ressemblance de leurs armes avec celles des ennemis, les Romains furent vivement émus, et bien qu’ils eussent l’épaule droite découverte, ce qui était le signe conventionnel en usage, nos soldats crurent que c’était là un stratagème employé par l’ennemi pour les abuser.

Au même moment, le centurion Lucius Fabius et ceux qui avaient escaladé la muraille avec lui étaient enveloppés, massacrés et jetés à bas du rempart. Marcus Pétronius, centurion de la même légion, après avoir essayé de briser les portes, écrasé par le nombre et voyant sa mort certaine – il était couvert de blessures - s’adressa en ces termes à ses hommes qui l’avaient suivi : « Puisque je ne peux me sauver avec vous, je veux du moins préserver votre vie, que ma passion de la gloire a mise en péril. Songez à votre salut je vais vous en donner le moyen. » Ce disant, il se précipita au milieu des ennemis, en tua deux et réussit à dégager un peu la porte. Ses hommes essayaient de l’aider ; mais lui : « En vain, dit-il, vous tentez de me sauver ; j’ai perdu trop de sang et mes forces me trahissent. Partez donc, pendant que vous le pouvez encore, et repliez-vous sur la légion. » C’est ainsi que peu après il tomba, les armes à la main, en assurant le salut des siens.   
 
- 51 -. Les nôtres, pressés de toutes parts, ayant perdu quarante-six centurions, furent bousculés. La poursuite furieuse des Gaulois fut ralentie par la dixième légion qui s’était établie en soutien sur un point où  la pente était un peu moins forte. Cette légion fut à son tour appuyée par les cohortes de la treizième, que le légat Titus Sextius avait fait sortir du petit camp et qui avaient pris position au-dessus de la plaine. Dès que l’ensemble de nos légions atteignit cette plaine, elles s’arrêtèrent et se reformèrent face à l’ennemi. Vercingétorix ramena ses troupes du pied de la colline à l’intérieur du retranchement. Nous perdîmes ce jour-là un peu moins de sept cents hommes.

- 52 - Le lendemain, César, ayant assemblé ses troupes, leur reprocha leur manque de réflexion et de sang-froid : « Ils avaient décidé  d’eux-mêmes jusqu’où ils devaient aller et ce qu’ils devaient faire, ils ne s’étaient pas arrêtés quand on avait sonné la retraite, et les tribuns, les légats même n’avaient pu les retenir. Il leur expliqua de quelle importance était le désavantage  de la position et quelle avait été sa pensée à Avaricum, lorsque, ayant surpris l’ennemi sans chef et sans cavalerie, sûr de la victoire, il y avait pourtant renoncé, parce qu’il ne voulait pas éprouver dans cette rencontre les pertes, fussent-elles légères, que lui aurait values le désavantage de sa position. Autant il admirait l’héroïsme d’hommes que n’avaient arrêtés ni les fortifications du camp ennemi, ni la hauteur de la montagne, ni le mur de la ville, autant il réprouvait leur indiscipline et leur présomption, qui leur avaient fait croire qu’ils étaient plus capables que leur général d’avoir une opinion sur les conditions de la victoire et sur l’issue d’une action. Et il ne demandait au soldat pas moins de discipline et de domination de   soi-même que de courage et de force d’âme. »

- 53.- Ses derniers mots furent des mots de réconfort : « Il n’y avait pas lieu de se décourager, et ils ne devaient pas attribuer aux qualités dernières de l’ennemi un échec que leur avait valu le désavantage de leur position. » Après cette harangue, étant toujours du même avis sur l’opportunité du départ, il fit sortir ses légions du camp et les rangea en bataille sur un terrain favorable. Comme Vercingétorix n’en restait pas moins derrière ses retranchements et ne descendait pas dans la plaine, après un petit engagement de cavalerie, et où il eut l’avantage, il ramena ses troupes dans le camp. Il recommença le lendemain, et jugeant dès lors qu’il en avait assez fait pour rabattre la jactance gauloise et pour relever le courage des siens, il se mit en route pour le pays des Héduens. L’ennemi n’osa pas davantage nous poursuivre ; le troisième jour, César atteint l’Allier, y reconstruit les ponts et fait passer ses troupes sur l’autre rive. 

 

C /  LE TEXTE DE  DION CASSIUS -  HISTOIRE ROMAINEXL-35 à 38.         (D’après une traduction anglaise d’E. Cary, édition W. Heinemann. Londres -1984)

- 35 -… (…)…La population se réfugia en masse à Gergovie, emportant tous ses biens les plus précieux, et César se donna beaucoup de mal pour les assiéger, sans résultat.

- 36 - Car leur forteresse était située sur une forte colline, elle était protégée par de puissants remparts, et les barbares y montaient la garde après avoir occupé toutes les hauteurs alentour, de sorte qu’ils pouvaient à la fois, rester en sûreté sur leur position, et s’ils descendaient attaquer, avoir  ordinairement l’avantage.  Car César, n’ayant pas trouvé de position naturellement fortifiée, campait dans la plaine, et ne savait jamais à l’avance… (lacune)... Mais les barbares en possession des hauteurs, pouvaient voir dans son camp depuis les hauts, et décider du meilleur moment pour exécuter leurs actions. Et s’ils s’avançaient par hasard, plus loin qu’ils n’auraient dû, et qu’ils étaient mis en retraite, ils pouvaient se réfugier rapidement derrière leurs lignes. Car les Romains ne pouvaient en aucune façon s’avancer au-delà de la ligne de portée des pierres et des javelots. Ainsi, César perdit son temps sans résultat. Après de fréquents assauts contre la colline où était située la forteresse elle-même, il s’empara d’une certaine portion de celle-ci, de sorte qu’après l’avoir quelque peu fortifiée, il put lancer plus aisément des attaques contre le reste de la hauteur. Cependant il fut, dans l’ensemble, repoussé. Il perdit un grand nombre de soldats et vit que la ville ennemie était imprenable. De plus, il y eut à ce moment-là, un soulèvement chez les Héduens, et pendant qu’il était absent en train de s’occuper de ces derniers, les hommes laissés derrière lui se débrouillèrent très mal.  Toutes ces considérations conduisirent César à lever le siège.

- 37 - …. (…) …&

- 38 – Mais quand plus tard, les Romains, à cause de l’absence de César, furent vaincus devant Gergovie, et se retirèrent entièrement de cet endroit, ….&

 
 
D / LE  PASSAGE  DE  POLYEN - STRATAGEMES.- VII, 18, 10. (Traduction A. Brenet).

          « César assiégeait la ville de Gergovie, défendue par ses remparts et encore davantage par la nature (La ville était) en effet une  colline en fort relief avec des sommets relativement plats ; sur la partie gauche, il y avait des forêts rampantes (littéralement proches du sol) et denses qui jouxtaient la colline ; sur la droite, il y avait un à-pic avec un accès étroit, le long duquel les habitants de Gergovie montaient la garde avec une troupe nombreuse. César, ayant choisi les plus résistants moralement et physiquement,  les fit cacher pendant la nuit dans les forêts en leur ordonnant de prendre des javelots courts et de petites épées afin qu'ils ne dépassent pas les arbustes nains, de ne pas se tenir debout pour marcher, mais de progresser doucement (sous le couvert) genoux fléchis. A l'aube, les uns, à gauche rampaient dans la forêt  vers la colline. César, sur la droite faisait progresser l'armée en détournant sur lui-même les barbares. Ceux-ci se lancèrent pour combattre ceux qui les attaquaient de façon visible, et les autres sortirent de la forêt sans être vus et s'emparèrent de la colline ».

 
 
E /   DESCRIPTION  DE  L’OPPIDUM  DES  COTES,  ET  DE  CHANTURGUE.
        
(Les renseignements de ce chapitre sont tirés de Busset, d’Eychart, de l’étude géologique établie par Claude Delas [Cf. annexe 4 dans le volume Gergovie 2], et de nos  visites.)

Le plateau des côtes de Clermont est un massif tabulaire de deux kilomètres et demi de longueur, sur une largeur moyenne de cinq cents mètres, qui, avec son altitude de plus de six cents mètres, domine d’environ deux cents les villes de Clermont et de Montferrand.

Lui sont rattachées vers le nord, quelques collines, qui, à partir du puy de Var, descendent en moutonnant en direction de Cébazat : c’est ce que César appellera le Jugum.

Vers l’est, la colline de Chanturgue, à peine moins haute, lui est reliée par un col qui part d’une excroissance des Côtes, la hauteur de la Mouchette.   

Le plateau est formé d’un massif de déchets de l’oligocène moyen enrichis de retombées volcaniques et de calcaires, de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, surmonté d’une dalle en basalte formant, aux bords supérieurs de la montagne, une falaise d’une vingtaine de mètres de haut (voir Annexe 4, plaquette Gergovie 2). 

Trois sources formaient – parait-il - sur le sommet, de petits ruisselets que des barrages aménagés avaient transformé en réservoirs destinés à abreuver les hommes et les animaux.                   

Une source importante sortait sous la coulée basaltique au-dessus de Nohanent, sur la face occidentale. De part et d’autre de la Mouchette, sourdaient le ruisseau des Guelles, vers l’Est, et le ruisseau des Sagotiers, vers le Sud.

Une autre source a existé à proximité du puy de Var, elle est aujourd’hui captée, mais a peut-être été très importante à l’époque.

Des traces d’occupation très anciennes on été trouvées sur le plateau, qui couvrent, de façon continue, une période allant du paléolithique aux temps gallo-romains.
 
 L'oppidum des Cotes (d'après P. Eychart)

L

Le système de défense de cet oppidum était – d’après Maurice Busset, son inventeur - relativement complexe, et se serait rattaché aux installations qu’on peut voir dans certains pays méditerranéens, et dans plusieurs oppida du sud de la France : ceux de la Léquière de Favas dans la vallée de l’Alauzène, de Costa Cando, du Puech d’Auzon, de Saint Saturnin, ou du Ranc de l’Abel, dans le Gard, par exemple.

Un mur couronnait la bordure du plateau aux endroits oû la falaise de basalte, échancrée, offrait une moindre défense ; Le périmètre de l’enceinte totalisait sept kilomètres.

Sous cet abrupt, les pentes supérieures portent, par endroits, un système de murs parallèles à la bordure de l’oppidum, qui délimitent des terrasses de dix ou vingt mètres de large, et constituent deux ou trois, parfois quatre, gradins successifs.
              Ces murailles, de un à trois mètres de hauteur sur les faces Ouest et Nord, atteignaient quatre mètres sur la face Est, et paraissent y avoir été particulièrement soignées, étant par endroits renforcées par des contreforts.
              Coupant ces sortes de courtines, de longs murs épais (quatre à huit mètres d’épaisseur, dit Busset, un à deux mètres pour ceux que nous avons vus) descendaient en antennes vers le bas de la montagne, formant une espèce de carroyage évasé qui dépasserait par endroits les terrasses.
              Ces antennes ne subsistaient pas, du temps de Busset (dans les années vingt et trente), sur l’ensemble du périmètre ; Il y en avait seulement, d’après lui - et peut-être n’ont-elles existé que là - dans la partie Sud-Ouest, entre le ruisseau-sous-le-Tôt, qui descend sur Nohanent, et la pointe Sud, d’une part, et dans la partie Nord entre la porte menant à Blanzat et la porte Est au dessus du ruisseau des Guelles !  
               L’interprétation purement militaire des murs et terrasses vus aux  oppida méridionaux est aujourd’hui (voir l'annexe 5 dans la plaquette Gergovie 2).
 
                     Les portes d’accès à l’oppidum ne sont pas toutes recensées dans les ouvrages que j’ai consultés ; M. Yves Texier, dans sa thèse de Doctorat, (Université de Clermont, 1993) parle – après Eychart - de « sept chemins d’accès à l’oppidum » : Outre une porte sud-ouest, face à Durtol, qui a aujourd’hui disparu dans les excavations de la carrière, il devait en exister une au nord-ouest vers Nohanent, une autre sur la face nord en direction de Blanzat et du Jugum, à l’ouest du col de Bancillon qui sépare l’oppidum du Puy de Var,  une vers le milieu de la face sud-est à hauteur du col de Chanturgue et du ruisseau des Guelles, sans doute une à hauteur de ce que Eychart appelle la Plaine Sud, en direction de Trémonteix et de Clermont, par la vallée du ruisseau de Sagotiers.   Quant à la septième ?
 
Les côtes de Clermont aujourd’hui.
 

Le puy de Chanturgue, élément détaché des Côtes, et de même formation géologique, est surmonté d’une dalle de basalte de 20 à 30 mètres d’épaisseur, qui borde ses faces nord et sud de falaises verticales.

Le sommet, en forme de trapèze, occupe environ treize à quatorze  hectares.

Bastille avancée de l’oppidum des Côtes, Chanturgue avait certainement reçu des fortifications aux époques antérieures, particulièrement sur son coté Est, au-dessus de la Limagne.

Deux talus, l’un sur la pente de Chanturgue (à 45 m devant la porte ouest), et un autre sur les pentes de la Mouchette, au dessus de la villa qui y a été bâtie ces dernières années, sont encore visibles, et faisaient peut-être parte du système défensif de l’ensemble gaulois  Oppidum de Gergovie-Puy de Chanturgue.

Après s’être emparé de ce puy, César améliorera sa protection en renforçant les défenses de la face Ouest (face à l’oppidum), qui  n’en comportait peut-être que peu, et en réaménageant la porte sud, qu’Eychart appelle « porte principale droite » ; celle-ci servit peut-être à la capture de ce Puy, et participa éventuellement à la sortie des cohortes de la Treize de Sextius, au chapitre 49.

 Le Romain dit avoir logé deux légions dans le petit camp : la surface réduite de Chanturgue   (13 hectares) a dû l’amener à n’y faire monter que les éléments de combat des ces deux unités.

 

F /  COMPOSITION DU CORPS D’ARMEE DE CESAR.

César emmène six légions en Auvergne, en donne quatre à Labienus pour son expédition dans le Bassin Parisien, et laisse vraisemblablement à Sens une légion de jeunes recrues, à la place du supplémentum qu’il prétend y avoir déposé, et qu’il aura plus probablement utilisé pour compléter ses effectifs, diminués par les pertes de la campagne de -53, et du début de 52.

Les commentaires nomment à Gergovie, la Huit (B.G. VII, 47), la Dix (VII, 47), et la Treize (VII, 51), et précisent leur rôle dans la bataille.

Ils ne donnent aucune indication sur le numéro ou l’ancienneté des trois autres.

La plupart des historiens affectent à César les corps numéros : 8, 9, 10, 11,13, plus une troupe de jeunes, mais ce partage est trop défavorable à Labienus pour être acceptable : S’être approprié deux vieilles légions sur les trois que comportait son armée, trois unités de cinq ou six ans de service sur quatre, et n’avoir pris qu’une seule légion de recrues, mais envoyer son premier lieutenant avec une vieille légion, une de six ans de service et deux jeunes, (soit la moitié de son effectif en recrues non aguerries),  pour mener une campagne en pays instable, alors que lui-même n’aurait pas la possibilité de lui porter secours en cas de difficulté grave, cela ne lui eût  été pardonné, ni à Rome, ni par ses propres troupes, si Labienus avait subi un revers sanglant.

Non, la répartition  qui s’est imposée à César ne peut être que la suivante :

  • Sur les trois vieilles légions, deux à lui et une à Labienus ; (C’est donc la Neuf qui est partie à Gergovie avec la Huit, puisque la Sept est mentionnée à Lutèce).
  • Sur les quatre jeunes recrutées  en 53, une à Sens, deux à lui et une à Labienus ;
  • Et sur les quatre légions de cinq et six ans, deux pour lui ( la Dix et la Treize), et deux à Labienus  (la Onze et la Douze).

Le corps d’armée de César se trouvera donc réparti, le jour de la bataille, de la façon suivante :

  • A l’assaut des remparts Sud-Est de l’oppidum : la Huit et la  Neuf (1) ; 
  • En soutien éventuel avec César devant Chanturgue, la Dix ;
  • En réserve dans le petit camp avec Sextius, la Treize ;
  • En mission de diversion/couverture sur le Jugum, une jeune légion ;
  • Et de garde aux camps (ou à Montferrand seul ?), l’autre troupe de recrues récentes.

  • S’il avait, comme il le prétend, voulu ne conduire qu’un coup de main, une unique légion d’assaut aurait pu suffire, mais l’importance des pertes de cette unité deviendrait inexcusable, même en invoquant la désobéissance des légionnaires : le  proconsul aurait disposé de trois légions expérimentées (les Neuf, Dix et Treize) qui lui auraient permis de dégager la Huit : celle-ci, lancée dans un simple coup de main de va-et-vient, n’avait aucune raison de s’engager à fond, (surtout si elle avait été seule à donner l’assaut).
  • Il ne pouvait pas affecter plus de deux corps à cette attaque, à cause du terrain d’abord, qui n’autorise pas le déploiement, pour un assaut, de douze ou treize mille hommes devant la face sud-est de l’oppidum.  L’assaut d’une troisième légion par Nohanent est impensable, elle n’était pas vue de César, ne pouvait être soutenue et sa mise en place aurait supprimé l’effet de surprise indispensable à la réussite de son plan. En outre, il était obligé de conserver une réserve assez musclée pour parer  à toute éventualité : il était conscient des difficultés de l’opération, et des risques que comportait ce plan improvisé.
  • La deuxième légion d’assaut,  à gauche (ou derrière ?) la Huit, était donc la Neuf !  Son rang à l’ordre de bataille lui réservait cette seconde place d’honneur, compte tenu des missions dévolues aux autres unités dans le plan de manœuvre de César.

(1)  César ne précise pas le nombre de légions qui ont donné l’assaut, mais on comprendrait difficilement qu’il ait tenté ce coup de force avec seulement un sixième de l’effectif qu’il avait emmené en Auvergne ; c’était son effort principal, il y a donc affecté deux légions, le tiers de ses forces. Il parle d’ailleurs de « légiones » au pluriel (BG. VII, 51), quand il mentionne le recueil des troupes d’assaut par la Dix et la Treize.

G /   DEROULEMENT DE LA CAMPAGNE.

César veut punir les Arvernes et détruire Gergovie (Cf. A.Brenet : Gravissima Caerimonia, 2005).
Il s’installe dans la plaine, sur et autour d’une butte qui lui permet de loger tout ou partie de ses six légions : Montferrand.
Il se rend compte très vite qu’un assaut classique par la face qui semble la plus vulnérable, celle qui, au nord, fait face au Jugum, ne pourra réussir qu’au prix de pertes importantes.
A plusieurs reprises, nous dit Dion Cassius, il tente de prendre la ville (et sans doute aussi, d’après le texte, certaines des collines alentour, occupées par les Gaulois), mais en vain.   Il en arrive donc à la conclusion que seul un assaut par surprise peut lui livrer Gergovie. 

Le proconsul raconte avoir remarqué, placée entre lui et l’oppidum, une colline occupée par un poste gaulois peu important, et qui lui semblait vulnérable : la colline de Chanturgue.

Dion Cassius, par contre, explique cet épisode d’une manière qui peint d’une couleur fort différente l’ambiance dans laquelle se seraient trouvés les Romains à leur arrivée devant Gergovie : César, établi dans la plaine à Montferrand, était dominé par les hauteurs situées au nord-ouest (Chanturgue, Gergovie, Var, le Montchany et Le mont Juzet) d’où les Gaulois pouvaient observer tous ses mouvements vers l’oppidum, sans que lui-même puisse rien savoir de leurs projets, ni du départ de leurs actions. Ils avaient ainsi la possibilité de monter contre ses détachements des embuscades d’autant plus payantes qu’ils connaissaient d’avance, l’itinéraire, l’heure d’arrivée et l’effectif des colonnes romaines.        La prise de Chanturgue, constitua dès lors, pour César, non pas seulement - comme il le dit - une opportunité éventuellement intéressante, mais la condition indispensable à la poursuite de sa campagne, et même à son simple maintien en Auvergne.    En plus, cette capture privait la ville de son poste avancé sur la Limagne.

        Il s’en empare par une attaque de nuit (2), et renforce les défenses gallo-néolithiques de la colline par des ouvrages à la romaine, en particulier sur la face ouest, et peut-être au milieu du coté sud.   Il y installe deux légions (3). 
 
 
 
Les altitudes et l’explication de Dion Cassius
 
 
En plus de la garnison arverne à l’intérieur de l’enceinte de Gergovie, Vercingétorix avait réparti ses troupes sur l’esplanade nord de l’oppidum, et apparemment disposé les alliés, par cités, sur certaines terrasses placées sous la muraille du rebord de plateau, en particulier sur celle qui se trouve derrière la Mouchette, et sur « la Plaine Sud », au Sud-Ouest de celle-ci ; C’est peut-être là que Teutomatos se fera surprendre pendant sa sieste (BG, VII, 46).

Tous les jours, l’Arverne fait escarmoucher sa cavalerie autour de l’oppidum.

Certain jour, le Proconsul s’aperçoit que le puy de Var est inoccupé : C’est – nous dit-il - que Vercingétorix fait travailler, ce jour-là, ses troupes à creuser des retranchements au nord de l’oppidum, pour contrer une possible tentative romaine de s’emparer du puy de Var, comme ce vient d’être le cas pour Chanturgue (un grignotage des positions extérieures de Gergovie, finirait, dit-il, par supprimer aux Gaulois leurs possibilités de sortir et de fourrager).

Le proconsul décide de profiter de cette occasion, qui voit une partie des forces gauloises occupées sur la face nord de Gergovie, pour tenter de s’emparer de la ville.

(2) Ce qui n’était pas dans les habitudes de l’armée romaine, mais s’imposa sans doute au proconsul pour augmenter ses chances de réussite, l’opération nocturne garantissant la surprise et supprimant une contre-attaque éventuelle des forces de l’oppidum. Il est possible, également, que la mise en place seule ait eu lieu de nuit, et que l’action elle-même ait été déclenchée à l’aube comme le dira Polyen deux cents ans plus tard.

(3) Il est amusant de rapprocher de cet épisode, le texte de Polyen, incompréhensible si on y  recherche une description de l’attaque de l’oppidum lui-même, mais qui devient curieusement intéressant si  on essaie d’y voir la prise de Chanturgue (Cf. Annexe 2 de la plaquette Gergovie 2).     Ce passage doit faire référence à un autre texte que celui de César, car ce dernier ne dit pas comment fut pris Chanturgue, (peut-être celui de Tite Live, perdu depuis, en ce qu’il parle d’une ville installée sur plusieurs sommets, comme l'évoquera plus tard Dion Cassius).   Quoi qu’il en soit, Polyen décrit une manœuvre très plausible : César fait avancer de nuit par le sud de Chanturgue, un commando de légionnaires ayant l’ordre de se camoufler dans la végétation basse couvrant les flancs sud du Puy et le vallon des Sagotiers, pendant qu’il envoie d’autres troupes gesticuler dans le thalweg des Guelles (l’actuelle rue du Cheval), un boyau encore étroit de nos jours et dominé par les abrupts de la face nord de Chanturgue. Le coté sud est en effet le seul qui permettait à César d’espérer s’emparer du Puy : un assaut par la face ouest l’exposerait à une contre-attaque dans le dos menée depuis l’oppidum, l’attaque par Montferrand devrait s’effectuer sur une pente longue et exposée, contre les meilleures défenses de la colline face à la Limagne, et le nord est abrupt. Le coté sud, par contre, présente un passage relativement accessible, qu’Eychart a appelé la « porte principale droite » par référence au camp romain qui sera installé par César sur Chanturgue : L’actuel propriétaire emprunte parfois ce passage en tracteur. 

Pendant que les troupes camouflées dans le vallon des Sagotiers, s’apprêtent en silence à pénétrer dans Chanturgue, celles du ruisseau des Guelles commencent un simulacre d’attaque, dans lequel le méplat situé au nord-ouest du carrefour 502 joue sûrement un rôle important, qu’il ait été pris par les Romains  comme base de départ du simulacre d’assaut, ou occupé par les Gaulois sortis devant leur camp (dixit Polyen) parce que soucieux de s’opposer à une attaque apparemment dirigée contre la porte principale Ouest.

C’est alors que l’assaut mené par le commando du Sud surprend les Arvernes restés dans le camp gaulois, désorganise leur système de défense, les effraie et les oblige à fuir se réfugier dans Gergovie, d’autant plus facilement que César a sans doute pris la précaution de ne pas pousser son attaque trop loin en direction de l’entrée Ouest, de façon à ne pas fermer l’issue  qui permettrait aux défenseurs de s’échapper vers les Côtes.

Dans son recueil de ruses guerrières, il est normal que Polyen ait écarté la manœuvre montée par César pour s’emparer de la ville elle-même, puisqu’elle avait échoué, mais qu’il ait retenu le montage qui avait réussi, celui qui avait permis au proconsul de prendre Chanturgue.

Accessoirement, le succès de cette nouvelle ruse du proconsul, a dû inciter Vercingétorix à se méfier comme la peste des leurres du Romain, et le convaincre, quelques jours plus tard, de ne pas se lancer aveuglément dans le montage douteux que lui présentera César, avec ses gesticulations peu convaincantes au nord-ouest de l’oppidum.

Intéressant à Chanturgue, ce récit est incompréhensible si on essaie de l’appliquer à Merdogne, et à un des emplacements désignés officiellement comme camps romains.

 

H /  L’IDEE  DE  MANŒUVRE  DE  CESAR.

Il met sur pieds une opération à trois volets, qui devrait - pense-t-il - lui donner la victoire.

a)      Attirer vers le nord-ouest de l’oppidum l’attention des Gaulois, et geler de ce coté la majeure partie de leurs troupes, en leur faisant redouter une attaque sur le coté le plus vulnérable de la ville, celui qui fait face au Jugum, et en aspirant leur cavalerie au loin, en direction des rives nord du Bédat, au delà de Blanzat.

b)      Donner, depuis Chanturgue, l’assaut sur  la face Sud-est.

c)      Interdire, pendant l’attaque, le retour contre les troupes d’assaut, des éléments gaulois en position sur la face nord de l’oppidum.

 

I /   REPARTITION  DES  MISSIONS.

- a)  Les manœuvres d’intoxication (B.G. VII, 45).

- 1°/       Il lance, au milieu de la nuit, des escadrons parcourir à grand bruit, tous les environs, (et en particulier les alentours ouest et nord de la ville) pour faire croire à une mise en place nocturne d’unités d’attaque.
Il camouflera sans doute certains détachements de cavalerie sur des points intéressants pour la manœuvre du lendemain (dont, en priorité, la protection des deux corps chargés de la diversion de jour), et rameute probablement les autres à son camp.

- 2°/    Les charretiers et muletiers, montés sur les animaux de bât et de trait, coiffés de casques de cavalerie, et mêlés à un certain nombre de véritables cavaliers, sortiront à la pointe du jour, et, faisant le tour du Jugum, iront se positionner de l’autre coté du Bédat, au nord et à l’Ouest de Blanzat, suffisamment près pour inquiéter Vercingétorix, mais assez loin pour que celui-ci ne s’aperçoive pas qu’il s’agit de faux cavaliers, et pour qu’une intervention de la cavalerie gauloise entraîne cette dernière à une distance telle que les délais pour la récupérer soient très importants. Les cavaliers qui accompagnent cette cavalcade, escadronneront autour d’elle, en se rapprochant quelque peu  de la ville comme pour la reconnaître.

- 3°/        Après le lever du soleil, il envoie une légion traverser le jugum à hauteur de  Cébazat - sans se cacher aux yeux des défenseurs gaulois - puis progresser en direction de l’oppidum,  sur, ou probablement le long de la pente nord du jugum, pour enfin s'arrêter et se camoufler dans un creux boisé.
       Cette légion reçoit pour l’après-midi, une mission de couverture de l’action principale, en coordination avec les Héduens.
 
La bataille de Gergovie.

- b)    L’Assaut  (B.G.VII, 45). 

Constatant que le puy de Var et le col de Bancillon sont toujours inoccupés en début de matinée (4), le Proconsul prend la décision d’attaquer la ville. Il fait monter ses soldats (5), du grand dans le petit camp, et leur donne l’ordre de progresser sur la pente et sur le plateau « en formation dispersée » (la formule est du Pr. Texier), d’une manière dégagée, en camouflant les enseignes et les parties d’équipement trop voyantes, de façon à ne pas donner l’alerte aux guetteurs des Côtes ou du Puy de Var.

Il donne à ce moment ses ordres aux légats.

- c)    La mission de Couverture (B.G.VII, 45).

-1°/  Les Héduens partiront du bas de la rue du Cheval au moment où César lancera les légions d’assaut. Ils doivent, discrètement, sur la droite, en faisant le tour de Chanturgue par le nord, monter sans se faire repérer en direction du col de Bancillon (cote 549) qui sépare l’oppidum du puy de Var ; Là, ils attaqueront, en direction du nord-ouest, les Gaulois qui travaillent aux retranchements que fait creuser Vercingétorix, ou qui surveillent les mouvements des troupes de diversion

Ils seront soutenus dans cette opération, par l’action de flanc de la légion envoyée au Jugum.
La mission majeure de ces deux troupes est d’interdire aux Arvernes présents sur la face Nord de l’oppidum, une contre-attaque de flanc sur l’assaut de la face sud-est (6). 
 

-2°/   Lorsque l’arrivée de l’intervention héduenne sur le col de Bancillon lui sera connue (par les bruits de la bataille et ses guetteurs) – mais pas avant - la légion du Jugum doit monter attaquer, à droite du puy de Var et en direction du sud-ouest, le flanc des Gaulois déjà aux prises avec les Héduens.   La mission de ces deux troupes n’est pas – du moins dans un premier temps - d’assaut sur l’oppidum par la face nord, mais de fixation des forces gauloises de cette zone (7).

 

(4). Pour César, cela veut dire que le premier temps de la manœuvre semble avoir réussi : Les gaulois paraissent occupés, non seulement  par les travaux à l’ouest du puy de Var, mais certainement aussi par l’enquête sur les suites de la diversion de  nuit, et par la surveillance des troupes du Jugum et du nord de Blanzat.  En tout cas, ils ne semblent pas s’intéresser à Chanturgue : tout va bien !
Cependant - et la suite semble le montrer – c’est une imprudence de la part de César, de croire que Vercingétorix a cessé toute observation sur le petit camp et la face Sud-est de l’oppidum. Au minimum, il reste ses guetteurs du Puy de Var, et les sentinelles des alliés, qui, telles les troupes de Teutomatos, sont campés hors la ville,.
 
(5). On peut se poser la question de savoir si les deux légions d’assaut sont passées par le petit camp; J’ai longtemps pensé que la Neuf, partie plus tard, ayant progressé de Montferrand par le sud de Chanturgue, s’était rangée en formation de combat à hauteur de l’angle SW de ce Puy, attendant le signal de l’attaque, afin d’arriver sur son objectif en même temps que l’autre légion parvenait au sien. Cela aurait peut-être expliqué les 1500 (ou 1800) m. de distance pentue, et facilité le minutage des transferts de soldats par le petit camp.
Cependant, le début du ruisseau des Sagotiers est encaissé dans une ravine d’une vingtaine de mètres de profondeur que nous a montré JD Léoty, qui est visible sur un relevé cadastral, et sur certaines portions de ce ravin. Cette particularité topographique interdit une progression en ligne droite depuis l’angle sud-ouest de Chanturgue en direction de la « Plaine Sud » objectif probable de la Neuf.
Cette légion est donc vraisemblablement partie de Chanturgue et a gagné son objectif en longeant les pentes sud de la  Mouchette. Est-elle sortie avant la Huit, son itinéraire d’accès étant plus long, ou derrière, si cette dernière a refusé de céder la primauté à laquelle son ancienneté lui donnait droit ? Il faudrait le demander aux mânes du Divin Jules.
 
6).  César sait bien que ces fantassins héduens (leurs cavaliers ne peuvent être engagés dans ce terrain) n’ont pas la valeur militaire des légionnaires dans une bataille rangée, mais il compte sur leur pugnacité, et pense que leur arrivée soudaine sur le col de Bancillon créera une surprise telle, qu’une grande partie de la mission sera remplie par leur seule apparition. L’attaque en deuxième temps, de la légion du Jugum doit d’ailleurs concourir à neutraliser les forces gauloises de l’esplanade nord.
Au pire, (mais il s’est gardé de le leur dire) même si les Héduens subissaient des pertes sérieuses, ce serait de peu d’importance, si c’était le prix à payer pour que la mission d’interdiction fut remplie.
 
-(7).  César a probablement donné au légat commandant la légion du jugum (c’est une légion de jeunes) des ordres approchant ceux-ci :
        « Il doit s’arrêter, le matin, suffisamment loin de Gergovie pour ne pas inciter les Gaulois à l’attaquer (il serait rapidement
          tourné par leur cavalerie, et sa mission d’appui des Héduens ne pourrait être remplie), mais il doit simplement les inquiéter et immobiliser une partie de leurs troupes en surveillance, pendant l’approche des légions d’assaut. 
        « Sa mission initiale n’est pas de rentrer dans la ville, mais de fixer les Gaulois sur l’esplanade nord, pendant que la Huit    et la Neuf forceront l’oppidum lui-même, par le sud-est
        «  Il ne doit pas attaquer le premier, mais attendre, avant de démarrer, que les Héduens soient parvenus au col et aient   bien engagé le combat.
         « Il vaut mieux qu’il arrive en retard, même si les Héduens doivent en souffrir, plutôt que partir le premier et prendre sur lui toute la réaction gauloise.   De plus, son attaque de flanc obtiendra de meilleurs résultats, si les Arvernes sont déjà engagés à fond face au sud, contre les Héduens. Il lui faudra cependant prendre garde à ne pas laisser son flanc droit découvert.    Ultérieurement, si l’attaque des Huit et Neuf réussit, et que les Gaulois se débandent, il attaquera la porte Nord et occupera le quart Nord de la ville.
        «  Si, dans la matinée, les Gaulois venaient l’attaquer sur sa position du Jugum, il n’est pas question de faire Camerone, mais, au contraire, il devra mener un combat retardateur par échelons, sans se laisser encercler,  afin d’entraîner et immobiliser loin de l’oppidum, le maximum de forces gauloises. S’il est obligé de retraiter jusqu’à hauteur de  Cébazat (c’est-à-dire l’extrémité du Jugum), la cavalerie interviendra pour le soutenir. 
 
 
 
 
 
J /  LES  ARRIERE-PENSEES  DE  CESAR.
 
              César espère bien que Vercingétorix va mordre à l’hameçon de ses diversions : ses premières observations le confirment dans cette opinion. Il pense que l’attention des défenseurs est toute entière tournée vers les abords nord et nord-ouest de l’oppidum ; Il espère que, voyant immobile, pendant une partie de la matinée, une troupe de cavalerie (les muletiers et charretiers), aventurée aussi loin des camps romains, et apparemment sans soutien d’infanterie, les Gaulois vont se précipiter de l’autre coté du Bédat, dégarnissant les avancées nord de l’oppidum, où ne resteront qu’une partie des travailleurs qui renforcent les défenses de la porte nord et, au pire, la réserve qui surveille la légion arrêtée sur le Jugum. Les délais nécessaires à Vercingétorix, pour récupérer les troupes lancées dans cette curée, seront très longs. 
                 César entend profiter, à la fois de la surprise et de la rapidité de son assaut lancé assez tard, vers midi, et de l’absence d’une bonne partie des troupes gauloises, pour bousculer les défenseurs placés en avant de l’enceinte proprement dite  de l’oppidum.
Il compte ainsi  forcer les portes  et les remparts qui font face à Chanturgue avant – grâce à ses mesures de couverture - d’avoir reçu une contre-attaque sérieuse conduite à l’extérieur des murailles, et que des renforts importants ne soient venus soutenir les défenseurs des remparts.
             Il conserve la Dix dans sa main, en réserve, soit pour appuyer une des légions d’assaut, soit pour intervenir sur le flanc d’une contre attaque gauloise, si les Héduens n’arrivaient pas à contenir suffisamment longtemps les troupes du col de Bancillon, soit pour toute autre mission.
 
Contrairement à ce qu’il a écrit, il n’a pas du tout l’intention de mener un coup de main de va-et-vient, qui lui permettrait de quitter Gergovie la tête haute : il veut prendre la ville et punir les Arvernes.
Il a donc monté une manœuvre qui devrait - grâce aux facteurs surprise et rapidité, et grâce aussi à la naïveté des Gaulois - lui obtenir ce résultat.
 
 
 
 
 
K / LA   BATAILLE.

Au signal de César, la Huit et la Neuf, se précipitent sans bruit, et peut-être dans cet ordre, en direction de l’oppidum ; elles franchissent le mur édifié sur la  pente Est, et continuent vers les Côtes.

A leur suite (8),  le Romain fait sortir la Dix et la dispose sur le versant de Chanturgue, de chaque coté de la porte.
Depuis les défenses du petit camp,  il voit ses légionnaires disparaître derrière la Mouchette ;
Il peut aussi observer le haut de l’oppidum, le col de Bancillon et le puy de Var.
Par contre la Mouchette lui cache les premières défenses de la ville, et les deux  portes Sud-Est.
D’autre part, la pente et la végétation du thalweg des Guelles lui masquent la progression des Héduens sur sa droite : il ne pourra apercevoir ses auxiliaires que lorsqu’ils aborderont les dernières pentes du col de Bancillon.
Il ne voit pas davantage sa légion du Jugum, ni bien sûr les muletiers

Tout se passe au début selon ses prévisions : les légions arrivent aux premières défenses, les franchissent, investissent « la Plaine Sud », au Sud-Ouest de la Mouchette, et les autres terrasses de la pente, et bousculent les avant-postes gaulois (Teutomatos, VII, 46), puis  continuent vers les remparts proprement dits et les portes de l’oppidum.

Mais le premier effet de surprise passé, l’alerte est donnée et les renforts arrivent, de l’intérieur de la ville, mais aussi du puy de Var, cavalerie en tête (VII, 48).

La présence de cette cavalerie au milieu des renforts, voudrait dire que Vercingétorix n’a pas mordu à l’hameçon, et que ses troupes ne sont pas parties à la poursuite des muletiers 
L’Arverne, s’il s’est inquiété des gesticulations nocturnes de la cavalerie romaine, et de la balade des muletiers au nord du Bédat, n’a pas cru, le jour venu, que ces menaces, introuvable pour la première, et lointaine pour l’autre, soient imminentes: la face occidentale de Gergovie est pentue et des troupes montées y auraient été peu efficaces.

La légion du Jugum a certainement retenu son attention de façon plus aiguë, et il la fit surveiller de près, mais là aussi, l’immobilisme de ce détachement, et sa position éloignée (9) (donc les délais nécessaires à son éventuelle intervention : il lui fallait, non seulement s’approcher, mais aussi se ranger en bataille), l’incitèrent à ne pas bouger tant que la situation ne se serait pas clarifiée.

La manière énergique avec laquelle il obtenait l’obéissance de ses hommes, explique que ceux-ci soient restés à ses cotés, au lieu d’aller courir l’aventure, comme l’espérait César.

L’attaque des deux légions sur la face SE (10), loin de le surprendre, l’a éclairé sur la manœuvre romaine. Il a attendu d’être certain que les gesticulations du nord n’étaient qu’un leurre, a laissé une bonne surveillance vers le Jugum, puis a lancé ses troupes en contre-attaque.

 
                          Cependant, César ne change pas ses plans: il espère que les Héduens, en débouchant dans le col de Bancillon, vont endiguer, avec l’appui de la légion du Jugum, le flot des renforts qui en viennent, et obliger Vercingétorix à combattre sur deux fronts.  Il escompte aussi qu’une partie des Gaulois est quand même sortie à la poursuite de sa diversion montée.
Il attend, voit les Gaulois arriver de plus en plus nombreux, et réalise que ses légionnaires risquent de se trouver en situation délicate, obligés qu’ils sont de faire face à une contre-attaque de flanc, en même temps qu’ils conduisent un assaut difficile sur les fortifications. 
 
Le proconsul se rend compte qu’il a commis une erreur : Il a sous-estimé Vercingétorix.

Son orgueil lui a fait croire que ce dernier se laisserait prendre à un leurre grossier, comme ce fut le cas au début de l’année, lorsque son incursion dans les Cévennes avait disloqué la coalition gauloise et dégagé la route de Langres, ou quelques jours auparavant lors de la traversée de l’Allier, et de nouveau, si Polyen a raison, à la prise de Chanturgue.

Or le Gaulois a tiré des enseignements de ses échecs : il flaire maintenant les pièges de César, et refuse de s’y précipiter aveuglément ; Son autorité brutale a gardé ses soldats sur place, malgré leur réputation d’indiscipline : même la cavalerie est restée dans sa main !  Alerté peut-être dès les prémices de  l’attaque proprement dite, (par exemple lorsque ses guetteurs aperçoivent le débouché hors de Chanturgue des troupes d’assaut) il attend d’avoir évalué  l’importance de chaque volet de l’opération, puis, lorsqu’il est bien renseigné,  envoie des éléments  contre-attaquer les assaillants devant les fortifications, en même temps qu’il fait renforcer les troupe qui défendent les remparts. 

Le retard qu’il met à déclencher cette contre-offensive, est sans doute dû au délai qui lui a été nécessaire pour s’assurer que, du coté nord, il n’y avait qu’un leurre.   
Peut-être aussi a-t-il voulu camoufler sa réaction jusqu’au dernier moment.

Mais César est un tacticien froid ; il sait qu’une bataille se gagne dans le dernier quart d’heure : les Héduens et la légion du Jugum peuvent encore tout changer : il attend donc, et ne fait pas sonner la retraite.               

Il ne voit pas les combats sur les remparts sud-est, mais se rend compte, à cause des renforts gaulois qui ne cessent d’affluer du col de Bancillon, que la situation de la Huit et de la Neuf peut devenir critique.

Il fait alors sortir une partie de la Treize de Sextius, et la dispose sur les pentes sud-ouest de Chanturgue, face à l’ouest et à l’oppidum (VII, 49), avec deux missions possibles :

  • Soit créer une menace sur le flanc droit des Gaulois et éviter  qu’une  partie  d’entre  eux - qui apparaissent peut-être déjà au pied des murailles sud, mais César ne peut les voir depuis son emplacement – ne vienne assaillir le flanc gauche des légions d’assaut.
  • Soit recueillir les Romains sur les pentes de Chanturgue, et arrêter Vercingétorix avant Montferrand, si la journée tourne mal.

Lui-même avance jusqu’à la Mouchette, pour voir les affrontements devant les portes, et dispose la Dix sur les pentes de cette colline (VII, 49), afin qu’elle soit à même d’intervenir rapidement :

  • Soit en soutien des Huit et Neuf, pour forcer les portes, si la mission de couverture dévolue aux Héduens, et à la  légion du Jugum, débouche enfin et endigue le flot des renforts gaulois.
  • Soit en recueil, si l’affaire vire à la catastrophe.
        
                       Enfin (VII, 50), les Héduens arrivent !
Mais pas là où César les attend !  Ils débouchent dans le dos des légions d’assaut.
Ils ont mal orienté leur montée : au lieu de grimper au Nord-Ouest, vers le col de Bancillon (cote 549):
            - Ils ont été  probablement entraînés, en haut du raidillon, que constitue - encore aujourd’hui - la rue du Cheval, par la pente moindre du ruisseau des Guelles, ce qui  a infléchi leur progression vers l’Ouest,
            - Peut-être aussi ont-ils été attirés par les clameurs du combat, et ont-ils « marché au canon », croyant aller au soutien de la légion du Jugum : Au fond du vallon des Guelles, on n’est pas vu de l’oppidum, mais on n’en voit rien non plus.
 
 
                     César comprend que l’affaire est perdue : Non seulement Vercingétorix n’a pas mordu à l’hameçon, et a gardé toutes ses réserves, mais les Héduens ont manqué leur objectif, et viennent de déboucher dans le vide, laissant le champ libre à l’intervention en masse de ces mêmes réserves !  Deux volets de son plan de manœuvre viennent de capoter !
Voyant les Héduens arriver là où ils n’ont rien à faire, César se rend compte qu’il a échoué.
Il ne lui reste plus qu’à ramasser les morceaux. 

Les Héduens n’ont pas trahi (11) ; C’est César qui  a commis une deuxième erreur :

Il a confié un pan important de sa manœuvre - l’exécution d’une mission capitale de couverture, rendue difficile par le terrain (problèmes d’orientation à la sortie d’un fond peut-être à l’époque couvert de végétation) – à une troupe de supplétifs, sans expérience des opérations délicates, et à la valeur incertaine (12).

De plus, leur mission, outre les problèmes finaux d’orientation, comprenait une difficulté supplémentaire de minutage : S’ils arrivaient trop tôt, ils attiraient, sur la face sud-est de l’oppidum, l’attention des gaulois  avant que les troupes d’assaut n’aient atteint les portes de la ville, et s’ils étaient en retard, ils ne servaient plus  à rien. Ces contraintes ont dû compliquer encore la tâche qu’avaient à remplir les chefs Héduens.

Il faut aussi se rappeler qu’ils venaient d’arriver à Gergovie, que les derniers évènements survenus dans leur cité avaient dû quelque peu refroidir leur ardeur à donner leur vie pour la gloire du SPQR , et qu’ils n’avaient certainement pas reconnu le terrain, par manque de temps  peut-être, mais plutôt parce que César aura voulu conserver le maximum de secret vis-à-vis de cette troupe peu sûre, de sorte que leurs chefs n’auront éventuellement même pas eu l’occasion de repérer leur objectif depuis Chanturgue !

Enfin, il se peut que les ordres donnés par César à cette troupe étrangère aient contribué à leur erreur (voir ci-dessous chapitre M « Le mauvais plan ») 
 
 
 
(8) Deux légions occupaient Chanturgue, une ancienne - mettons la Huit – et une autre, sans doute une des deux moyennes la Dix ou la Treize – mettons la Treize. Afin de ne pas attirer l’attention des guetteurs gaulois en « surchargeant » Chanturgue juste avant midi, seule la Neuf a dû monter « en ordre dispersé », et la treize est restée dans ses guitounes. Ce n’est qu’après le départ des deux vieilles unités que César a fait avancer la Dix, qui avait dû attendre sur la pente Est de Chanturgue, que le dernier rang des légions d’assaut ait franchi la clavicule.

 (9) Cette légion s'est arrêtée assez loin de Gergovie, sinon Vercingétorix l’aurait fait attaquer.

(10) Par les transfuges, et par les renseignements obtenus durant la progression des Romains vers Gergovie, Vercingétorix connaissait la composition du corps d’armée de César, et lorsque la Huit et la Neuf se sont approchées de la ville, la vision des enseignes de ces deux vieilles troupes déployées pour l’attaque a renseigné le Gaulois sur le numéro des légions d’assaut ; Celui-ci a donc su tout de suite où allait se prononcer  l’effort principal de César.

(11)  Ils auraient attendu, pour ce faire, la défaite des Romains ! Retourner leur veste au milieu de six légions, qui risquaient, pendant leur ascension de la rue du cheval, d’avoir déjà remporté la victoire, eut été suicidaire (d’autant qu’ils avaient laissé dans leur camp de Montferrand, leurs bagages, et probablement des otages aux mains des Romains).

(12) Les Héduens fournissaient traditionnellement la cavalerie de César, mais le proconsul leur avait demandé, en plus, pour cette campagne (VII, 34), 10.000 fantassins, dont il comptait utiliser une partie en postes, pour assurer la sécurité de ses convois. Un certain nombre avait déserté derrière Litaviccos (VII, 40) et c’est à une fraction du reliquat – dont l’enthousiasme n’était certainement pas au plus haut - qu’il a confié  la  mission sur le col de Bancillon.        Ils ont peut-être pensé qu’il était préférable de ne pas arriver au bal les premiers, et qu’il valait mieux attendre un peu, afin de voir comment l’affaire allait tourner.

 
 
 
 
L /    LE    DECROCHAGE.

C'est alors - et à ce moment-là seulement - que César fait sonner la retraite.

Et il la fait sonner suffisamment fort pour que  le légat en place au Jugum l’entende, et ne lance pas sa jeune légion dans une attaque imprudente et isolée; Le détachement de cavalerie qu’il lui a probablement laissé quelque part en soutien, doit lui permettre de se replier sans trop de problèmes.
Mais le désengagement de la Huit et de la Neuf a dû être difficile : les combattants sont au corps à corps, et par endroits, les terrasses successives isolent certains détachements et entravent l’exécution des manœuvres bien connues de décrochage par échelons, et de soutien réciproque. Les Gaulois sont très nombreux, ils enveloppent les Romains, et l’avantage de leur position en surplomb augmente leur espoir de victoire, depuis qu’ils ont entendu sonner les tubae de la retraite : leur acharnement en est décuplé !
La nécessité d’emmener les blessés encombre les Romains, et le souci d’éviter que ce repli ne se transforme en déroute et ne débouche sur un massacre, oblige les officiers à payer de leur personne sur la ligne de contact,  tant qu’ils n’ont pas rejoint les troupes de recueil.

Le repli de la Neuf fut en outre rendu difficile par la présence, sur son chemin de retraite, du ravin des Sagotiers,  qui empêcha certains détachements de rejoindre directement le recueil installé par les cohortes de la Treize.

C’est sans doute pendant ce repli, que tomberont la majorité des 46 centurions perdus à cette bataille.       
La Dix et la Treize recueillent enfin les légions d’assaut, et arrêtent les Gaulois.
Vercingétorix, qui a sûrement, lui aussi, subi des pertes, et - en plus - se méfie des combats en plaine, rameute ses troupes (VII, 51).
 
                      César prétend qu’il lui offrira la bataille les deux ou trois jours suivants, et que, devant le refus du Gaulois d’accepter un combat loyal dans la plaine, il se décidera à partir.
En réalité il s’agit là des trois jours qui lui sont indispensables pour enterrer (ou incinérer) ses morts, laisser s’éteindre ceux qui sont trop gravement atteints, rendre transportables les autres blessés, réorganiser son armée, et replier sa logistique.
 
 

M /  Conclusion : LE  MAUVAIS PLAN

César, en arrivant dans la Limagne,  s’est rapidement aperçu qu’un assaut traditionnel de la ville de Gergovie risquait de se solder au mieux par des pertes très importantes, et que seule, une manœuvre incluant un assaut par surprise, pouvait lui donner la victoire à un coût acceptable.

Mais il a commis deux erreurs :

  1. Son orgueil lui a fait sous-estimer les capacités militaires de Vercingétorix, et l’aptitude de ce dernier à tirer les leçons des erreurs passées.
  2. Il a confié une mission importante de son plan de manœuvre - la couverture de son assaut – à une troupe de supplétifs à la valeur assez peu sûre, à l’instruction militaire insuffisante, et dont il se méfiait quelque peu, ce qui a certainement contribué à  empêcher ses chefs de remplir correctement la mission qui leur était confiée.

S’il a donné cette mission difficile à des auxiliaires, c’est probablement parce qu’il estimait que telle qu’il l’avait montée, elle risquait d’être meurtrière. Il a donc pensé qu’il valait mieux faire tuer des Héduens, que des citoyens romains. 

           Ses ordres ont d’ailleurs, certainement participé à l’échec de son plan :

  • Le fait que la légion du Jugum n’ait pas bougé, montre que César lui avait ordonné de ne s’ébranler qu’après le déclenchement de l’attaque héduenne : Celle-ci n’ayant pas eu lieu, le légat qui la commandait a attendu - Si ce dernier avait contrevenu aux ordres reçus, César n'eut pas manqué de lui faire porter le poids de son revers.
  • D’autre part, César avait probablement dit aux Héduens – pour motiver leur zèle - que la légion du Jugum déclencherait son attaque en même temps que les légions d’assaut, et que leur rôle était d’attaquer de revers les Gaulois déjà aux prises avec les légionnaires. 

Le retard avec lequel ils ont débouché de la rue du Cheval, marque sans doute leur souci de ne pas déboucher trop tôt sur le col de Bancillon, afin de ne pas supporter seuls la défense gauloise.

Les bruits qu’ils ont entendus, au sortir du boyau des Guelles, de la bataille menée par les légionnaires contre les renforts gaulois, a pu faire croire aux Héduens qu’il s’agissait de l’engagement de la légion du jugum, et ils ont « marché au canon ».

Pourquoi César, qui en général ne commettait pas d’erreurs tactiques, a-t-il adopté ce plan d’opérations générateur, en finale, d’une défaite ?

A l’évidence, il était pressé de regrouper son armée, à cause des nouvelles inquiétantes de la rébellion qui s’étendait à toute la Gaule, en particulier des tentatives de sécession des Héduens,  et il a très vite vu que prendre la ville serait une grosse entreprise, longue et coûteuse en hommes, si l’affaire était traitée de façon traditionnelle.

Partir sans avoir rien essayé, après s’être déplacé si loin, eût constitué un aveu de défaite, et la gesticulation qu’il prétend avoir commandée eût été considérée de la même manière, le ridicule en plus.

Par ailleurs, il était persuadé – sans doute avec raison - qu’une victoire à Gergovie règlerait la moitié, au moins, des  problèmes de la rébellion gauloise, ce pourquoi il a ordonné une véritable attaque, et non, comme il le dit, une simple démonstration.

Il lui fallait donc tenter quelque chose, mais il lui fallait le faire vite.

Il faut d’abord se souvenir que les troupes romaines, imbattables en terrain découvert, même contre un ennemi supérieur en nombre, redoutent les combats où la topographie donne à l’adversaire un avantage qui annule la supériorité de la légion : les attaques de points fortifiés, les franchissements en présence de l’ennemi, les embuscades, particulièrement en milieu difficile, etc.…

Gergovie est une place forte, dont les défenses sans doute réelles, (Polyen et Dion Cassius évoquent la puissance de ses remparts mais ils écrivent aux deuxième et troisième siècles et veulent peut-être minimiser la responsabilité de César) ont été encore valorisées par les travaux gaulois depuis l’arrivée des Romains à Montferrand, et César sait évaluer l'efficacité de telles  défenses, qui ne peuvent que lui coûter beaucoup de monde : Si l’on en croit Dion Cassius, il y a d’ailleurs déjà essuyé plusieurs revers.

Seule, la surprise - pense-t-il - peut pallier les avantages de la position forte de Gergovie.

Il avait, bien sûr, repéré le point faible de l’oppidum, la porte Nord, qui contrairement aux autres faces, n’était pas protégée par des pentes raides (les destructions de la carrière empêchent de se rendre compte aujourd’hui de l’aspect qu’avait la pointe Sud de la ville, mais ses abords semblent avoir difficilement permis le déploiement correct d’une troupe d’attaque).
Vercingétorix était, lui aussi, conscient de cette faiblesse, son activité autour du col de Bancillon le prouve.

Pour tirer profit de cette vulnérabilité, César aurait donc dû attaquer cette face de l’oppidum, mais outre que c’est là que l’attendait l’Arverne, la disposition du terrain rendait risquée une attaque massive du coté nord :

  • Le déploiement de la troupe d’assaut devant s’effectuer sur le Jugum, la surprise était impossible,
  • La largeur et le relief du jugum rendent malaisée la mise en bataille correcte d’une troupe d’assaut nombreuse, qui ne pourra présenter finalement, en première ligne, qu’un nombre restreint de légionnaires,
  • Une attaque sur la porte nord laisse le flanc droit des troupes d’assaut découvert et vulnérable aux charges de la cavalerie gauloise, et elle immobilisera en plus des forces de couverture du flanc gauche de la troupe attaquante, qui ne participeront pas réellement à l’assaut.
  • La ligne de communication avec le camp de Montferrand est longue, et la géographie impose presque une bataille à front renversé, ce qui rendra meurtrier le rapatriement des blessés vers le camp, et, en cas de défaite, problématique le repli.
  • Aucune action secondaire sur les autres faces de l’oppidum ne peut vraiment gêner Vercingétorix, sauf à en faire un deuxième effort principal, bien distinct du premier, ce qui aurait pour effet de diviser les forces romaines, et de rendre difficile leur soutien, en cas de revers d’une des deux attaques.

                 Pour pallier ces inconvénients, César va tenter un tour d’illusionniste

                 Il va essayer de  convaincre l’Arverne que l’attaque s’effectuera sur le point faible de Gergovie, la face Nord, et sur la muraille Nord-Ouest

C’est dans ce but qu’il envoie des éléments escadronner la nuit au Nord-ouest de la ville pour simuler une mise en place de troupes d’assaut, qu’il détache de la cavalerie sur les pentes du plateau de Lachaud pour attirer au loin la cavalerie ennemie, et qu’il dispose ouvertement un détachement d’attaque sur le Jugum, tandis qu’il camoufle le mieux possible ses véritables forces d’assaut, sur Chanturgue. Accessoirement il se prémunit, par le détachement  héduen, contre une intervention latérale de la fraction des troupes gauloises qui n’auraient pas mordu à ses leurres, et que Vercingétorix pourrait détacher en contre-attaque.       

                 Cela aurait pu réussir contre un chef naïf commandant une troupe indisciplinée.

                  Vercingétorix semble d’ailleurs être resté longtemps indécis en ce qui concerne les véritables intentions du Romain, mais les leçons reçues depuis l’hiver, et encore quelques jours plus tôt à Chanturgue – si Polyen a raison - l’ont incité à se méfier des manœuvres trop grossières du proconsul, et son autorité a gardé sa troupe en main.

Lorsque enfin, l’assaut débouchant de Chanturgue lui révèle le plan de son ennemi, il  laisse un détachement de garde face au Jugum, et contre-attaque les deux légions  romaines.

L’erreur topographique des Héduens lui donne alors, à moindre coût, le gain de la journée.

Qu’aurait dû faire César ?

Son idée de manœuvre était bonne, la menace pesant sur le point faible de la citadelle aurait pu convaincre le Gaulois, et lui faire négliger les autres directions dangereuses.

Mais pour que ce plan réussisse, il fallait immobiliser réellement les forces arvernes de l’esplanade Nord, et cela ne pouvait s’obtenir qu’en déclenchant une véritable attaque venant du jugum vers la porte nord, soutenue par l’action héduenne en direction du col de Bancillon, puis, une fois Vercingétorix englué dans cette défensive le dos à sa ville, déclencher l’assaut sur les portes Sud-Est : Quelque chose aurait sans doute lâché, la défense de la porte nord ou celle des remparts sud-est !

Mais César n’a pas osé ! D’une part, sa foi en son étoile et son orgueil ont conforté le mépris qu’il portait à ces «barbares», qu’il battait depuis six ans, et l’ont convaincu que n’importe quel tour de passe-passe ou explication spécieuse, suffirait à tromper aussi bien Vercingétorix que ses alliés héduens.

D’autre part, il a sans doute reculé devant le risque d’une défaite, si loin de ses bases.

En effet, il lui aurait fallu monter deux attaques principales convergentes, avec l’impossibilité - en cas de difficulté - de soutenir la troupe engagée sur le jugum, avec aussi le handicap, que César a évidemment saisi, que Vercingétorix, opérant « sur lignes intérieures » (13), possédait un avantage certain et pouvait réagir plus rapidement que lui.

Voyons de plus près ce qu’aurait pu être cette action (en conservant au besoin les leurres de la nuit et des pentes de Lachaud) :

Il y avait deux possibilités:

1° / Le coup de poker.

Lancer l’assaut sur la porte Nord avec une seule légion, qui ouvre la bataille (la Huit), soutenue quelques temps après par les Héduens, arrivant de la rue du Cheval en direction du col de Bancillon   et une fois cette action bien engagée, découpler deux légions sur les portes Sud-Est (la Neuf et la Treize), avec la Dix en réserve, une des jeunes de garde aux camps, et l’autre prête à être déployée en recueil de part ou d’autre de Chanturgue

Normalement, si les trois actions peuvent être coordonnées de façon précise (et on a vu que cela n’a pu se réaliser) (14), et si l’action de la Huit et celle des Héduens sont conduites  énergiquement, l’assaut sur la face sud-est de la ville doit réussir.

Mais si Vercingétorix garde ses troupes (dont la cavalerie) en main, l’engagement d’une seule légion contre les défenses renforcées de l’esplanade nord risque d'échouer ou même de déboucher sur la défaite et le massacre de cette troupe, obligée de se battre dans des conditions défavorables (ses flancs sont exposés), sur des fortifications mal reconnues, et sans que César puisse la soutenir, ni la recueillir facilement.

Et si la Huit est mise en déroute avant que les portes sud-est n’aient été forcées, César ne peut que replier la Neuf et la Treize, avec, en prévision, des pertes équivalentes pour les légions d’assaut Sud-Est, à ce qu’elles ont été dans la réalité.

2° / La solution moyenne.

Mettre deux légions d’assaut sur la porte Nord (la Huit et la Treize) (15), deux sur les remparts Sud-Est (la Neuf et la Dix), une jeune en recueil, partie sur les pentes de Chanturgue, partie à l’Est du Jugum, vers La-Croix-Bertrand, et l’autre à la garde des camps.

          Les faiblesses de ce plan sont :             

  • D’abord qu’il implique (comme d’ailleurs le précédent) deux commandements distincts : or Labienus n’était pas en Auvergne, et César a peut-être considéré qu’il ne disposait pas, sur place, d’un second capable de mener une action autonome de cette importance.
  • Ensuite l’absence de réserve, soit pour soutenir une attaque en difficulté, soit pour forcer le sort, au cas – très possible – où les assauts s’englueraient dans la résistance des Gaulois appuyés sur les fortifications de la Ville,
  • Enfin la fragilité des éventuels recueils confiés à des cohortes trop jeunes.

          En cas d’échec d’une de ces attaques, l’absence de soutien de la troupe malmenée y pourrait déclencher un sauve-qui-peut, qui se solderait par le massacre des fuyards.

L’autre troupe d’assaut n’aurait plus alors qu’à tenter une retraite difficile vers les camps, en souhaitant qu’ils soient encore, à son arrivée, entre des mains romaines. 
 
 
 
                   Et cependant, le plan du Proconsul – malgré ses faiblesses - n’était pas si mauvais que cela : il aurait pu réussir !

Si les Héduens étaient arrivés plus tôt et au bon endroit, les contre-attaques gauloises n’auraient peut-être pas déstabilisé les assauts sur les portes Sud-Est, et celles-ci auraient – qui sait ?- pu être forcées, par exemple avec l’appui de la Dix. 

 Les clameurs annonçant ce revers aux combattants, auraient alors incité les alliés à s’enfuir, et les Arvernes à voler au secours de leurs familles,  laissant la porte nord sans défense sérieuse :  La ville eût été prise.

 
 
 
(13) On parle de manœuvre sur lignes intérieures, lorsque le défenseur, placé au centre de la ligne de contact, peut roquer ses réserves d’un point attaqué à l’autre, avec des trajets plus courts que ceux qu’est obligé d’utiliser l’assaillant, qui doit emprunter un arc de circonférence plus long, parce que plus éloigné du centre.
C’est le genre de manœuvre qui a permis à Labienus, à Lutèce, de traverser la Seine à Chaillot avant que Camulogène, partant de Bercy, n’ait pu faire le tour du marais par la gare de l’Est, la Trinité, Saint Philippe du Roule et l’Etoile.

(14) Le seul endroit d’où pourrait se faire la coordination de ce plan, c’est le Puy de Var, et il est  entre les mains de l’Arverne.

 (15) Pour chacun de ces deux assauts, une vieille légion (la Huit ou la Neuf) et une d’ancienneté moyenne (la Dix ou la Treize). Comme l’affaire aurait dû s’engager d’abord sur la Porte Nord, la place d’honneur y revenait d’office à la plus vieille, la Huit.

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