Ce troisième fascicule est composé :
- d'une étude du Commandant REVEILLE sur CANTAYRAC
- d'un addendum n° 1 : portrait robot du site d'Uxellodunum par le même auteur
- d'un addendum n°2 : sites du Puy d'Issolud et de Capdenac
-1- Publication du Chef de Bataillon Réveille.
En Bas Quercy
CANTAYRAC
dernier Bastion de la résistance gauloise
Uxellodunum à Cantayrac
……. Où se situait cette place ? les théories les plus contradictoires ont été défendues et les savants discutent encore sur son emplacement.
Une des premières traductions des Commentaires, celle de Vascosan(1543) , penchait pour Capdenac, opinion que devait adopter Marlian et Blaise de Vigénère, puis le Vicomte de Caylus, Champollion- Figeac, L.Guirondet, de Beaumont, le lieutenant-colonel d’Aurelle de Montmorin, A. Boisse et le docteur Delclaux, D’autres tels que Malville et l’abbé Vaugier ont placé Uxellodunum à Luzerch, Nicolas Sanson à Cahors, le général Ch. Jordan à Najac. On a aussi proposé la Pistoule, Uzerches, Ussel, Lusignan, Issoudun et Puy l’Evêque !
Dès 1596, François Junius avait lancé l’hypothèse de Puy d’Issolu, voisin de Saint-Denis près de Martel, au nord de Gourdon (Lot). En raison des découvertes qui y ont été faites depuis, ainsi que de la similitude de nom, cette hypothèse semble être celle qui a rencontré le plus de faveur. M Albert Grenier, en particulier, en fait état dans son Manuel d’Archéologie gallo-romaine en signalant que c’est cet emplacement qui- depuis le XVI e siècle a surtout fixé l’attention.
Le commandant Réveille, ancien commandant permanent du camp militaire de Caylus ( ou de Cantayrac) présente une nouvelle hypothèse situant l’oppidum gaulois sur le terrain de ce camp à environ25 km au S.E. de Cahors. Son argumentation paraissant sérieuse, décision a été prise à la rédaction de la Revue Historique de la présenter sous la forme d’un récit, au mode personnel, fait au rédacteur en chef.
La Revue Historique de l’Armée n’a, bien entendu, pas qualité pour prendre parti ; elle ne fait que poser le problème, espérant toutefois que l’auteur trouvera, avec les appuis nécessaires à la vérification de son interprétation, la récompense de plusieurs années de persévérance.

Début juillet 1950…Alors que je suis commandant du camp militaire de Caylus – appelé aussi Cantayrac – je reçois une demande d’autorisation de visite du camp. Cette demande, qui émane du R.P. Noché, professeur de lettres à Amiens, vise plus précisément la source – tunnel de Saint-Alby qui coule au fond d’une vallée profonde, à l’extrémité ouest du terrain militaire.
Quelques jours, le 26 juillet 1950, je vais avec ma jeep chercher le R.P. Noché dans un village voisin et, accompagné d’un habitant, M.Bru, vénérable vieillard de soixante-dix-neuf ans, nous nous rendons à l’entrée de la source-tunnel.
C’est là que j’apprends le véritable but de cette visite.
Le R.P. Noché, auteur d’ouvrages sur Gergovie et Alésia, se révèle comme particulièrement intéressé et même passionné pour tout ce qui concerne la guerre des Gaules. L’un de ses amis, natif de Vaylats en Quercy, le R.P. Cavalié, également professeur de lettres, lui a fait part d’une curieuse légende « des mains coupées » rapportée par un compatriote, M. Bru, celui-là même qui nous accompagne, et il lui semble qu’il peut exister entre cette légende et la fin de la relation du siège d’Uxellodunum que l’on trouve dans les Commentaires de César sur la guerre des Gaules : « …pour les punir d’avoir osé résister César fit couper les mains de quinze cents défenseurs gaulois… » .
Le plateau de Cantayrac
Quant à la source-tunnel, le R.P. veut la visiter car il est aussi question, dans cette même relation de travaux souterrains entrepris par les Romains pour tarir une source qui alimentait les assiégés. M. Bru nous rapporte d’abord la légende du Rocher de Bernacus (1) , situé sur une partie dominante du camp. Il la tient de sa
grand’mère qui racontait souvent durant les longues veillées d’hiver, les soirs de « despeloucades ». Il a même le souvenir très précis du moment où, l’histoire devenant plus osée, l’aïeule disait aux filles de « faire leur prière et d’aller dormir »
Bernacus - ou Bornacous – était l’exécuteur des hautes œuvres de César. Le jour du châtiment des défenseurs étant arrivé, les mains tombaient les unes après les autres. Sous le coup de la rage et de la douleur, beaucoup de mutilés tombaient en syncope pour ne plus se réveiller, et le tas des cadavres grossissait toujours. Bernacus fatigué sans doute de voir couler tant de sang, arrêta le supplice et dit aux condamnés : « Gaulois, il ne me reste plus qu’un seul pansement à employer. Que le plus brave de vous s’avance. Ce sera le dernier pour aujourd’hui. »
Alors un vieux Gaulois à la moustache impressionnante, retroussée derrière ses oreilles s’avança et d’une voix forte s’écria : « Bernacus, me voici ! » Touché par cette bravoure, Bernacus répondit : « promets-moi de revenir demain à la même heure et au lieu de te couper les deux mains, je t’en laisserais une pour toi. »
Le lendemain à la même heure le Gaulois et ses compagnons répondirent au rendez-vous ; mais ce jour-là, le Gaulois avec un grand jeune homme à ses côtés, s’avança le premier et dit à Bernacus : "Je compte sur votre parole ; vous m’avez promis une main sauve. Je vous donne mes deux mains, mais laissez-en une à mon fils que voici."
Touché par ces franches paroles ou interdit, Bernacus répondit : « je vous donne la journée d’aujourd’hui pour rendre les honneurs à vos morts, et vous reviendrez demain. »
Le lendemain, même exactitude de la part de ces fiers Gaulois. Bernacus, n’y tenant plus après les avoir mis à l’épreuve, s’écria : « Rentrez dans vos foyers ; soyez nos amis et nous serons les vôtres. »
Voilà comment plusieurs centaines de gens, condamnés par César échappèrent à la mutilation. Comme il arrive dans toutes les légendes, Bernacus s’était épris d’une belle Gauloises ; en ces jours-là, elle lui rendait visite au camp ; mais le soir lorsqu’elle parmi les siens elle s’enveloppait d’un voile de deuil.
Un jour elle quitta Bernacus l’air joyeux, son chant de victoire semblait narguer davantage ses proches ; elle annonçait la bonne nouvelle ; c’était le jour où Bernacus devait faire grâce à ses compatriotes.
Et la légende se termine sur les jours heureux que Bernacus, uni à la belle gauloise, passa dans la région tout le reste de sa vie.
M. Bru ayant achevé son récit, le R.P. nous lit la traduction du VIIIème livre des Commentaires, concernant le siège d’Uxellodunum. Il est à noter que l’événement qui se situe en 51 avant J.C. soit un an après Alésia et la soumission de Vercingétorix, n’a pas été relaté par César lui-même mais par Hirtius, l’un de ses lieutenants. Témoin oculaire, Hirtius n’a peut-être pas été aussi précis dans son style que son maître, ce qui a d’ailleurs permis aux traducteurs de donner des interprétations différentes suivant les thèses qu’ils voulaient faire prévaloir. Mais son texte est cependant suffisamment clair pour qu’une honnête traduction, faite sans arrière-pensée, permette de tirer des conclusions parfaitement valables. En voici le résumé :
Après Alésia, César fit poursuivre un des lieutenants de Vercingétorix - Drappès qui s’était enfui avec quelques guerriers et auquel s’était joint un chef cadurque, Luctérius, jusqu’à une place forte qu’on appelait Uxellodunum. Située sur une hauteur en pays cadurque ( le Quercy actuel), elle était entourée presque complètement par une vallée où coulait un cours d’eau impossible à détourner. Elle était dominée par des hauteurs environnantes sur lesquelles le légat romain Caninius chargé de la poursuite fit installer avec ses deux légions, trois camps pour entreprendre le siège de la place.
Craignant de manquer de vivres, les Gaulois organisèrent dès les premiers jours, une opération de ravitaillement vers la Province ; elle fut malheureuse et se solda par le destruction de toutes les troupes qui y avait participé. Il ne resta plus dans la place forte que deux mille guerriers. Leur ravitaillement en vivres était suffisant ; quant au ravitaillement en eau, il pouvait se faire à la rivière et aussi à une abondante source qui jaillissait au pied du mur de la ville, du côté où le cours d’eau laissait libre, par une boucle, un espace (2) d’environ 90m.
Lorsque César arriva sur les lieux, toute la place forte avait été encerclée par des travaux de siège. Il décida de réduire les assiégés par la soif, en interdisant le cours d’eau avec des frondeurs et des archers. Mais il restait encore la source. César jugea possible d’en rendre l’accès dangereux en construisant sur un terrassement de 1, 80 m une tour de 10 étages (26,20m) où il installe des machines de guerre. Mais les Gaulois ripostèrent en faisant rouler, depuis leurs positions, des tonneaux de suif enflammé afin d’incendier les ouvrages romains.
En même temps faisait exécuter, à l’insu des gaulois, des travaux souterrains pour détourner la source, en coupant les veines qui l’alimentaient. Ces derniers travaux aboutirent : la source fut tarie du jour au lendemain à tel point que les Gaulois crurent que ce ne pouvait être l’œuvre des hommes mais bien celle des dieux. C’est la raison pour laquelle ils capitulèrent.
César pour les punir d’avoir oser résister, fit couper les mains de quinze cents défenseurs.
Ce qui m’a frappé au cours de cette lecture à haute voix, c’est le fait que cette source gauloise, qui alimentait les assiégés, avait été tarie à leur insu ; ce qui les a amenés à croire à une intervention divine.
En supposant le problème résolu, la source-tunnel est sans doute l’un des travaux souterrains entrepris par les romains. La place forte gauloise doit être sur le promontoire qui nous domine; la fameuse source se trouve donc sur l’autre versant, sa trace doit exister, même après deux mille ans, comme aussi celle du terrassement sur lequel César a fait établir la tour de dix étages .
En fait après une visite au « Rocher de Bernacus », après une prospection du terrain sur le promontoire et une descente de l’autre coté, nous ne découvrons absolument rien !
Mais cette "affaire" d’Uxellodunum m’a fort intéressé, et je ne puis m’empêcher de questionner les habitants, en particulier les plus âgés, au cours des reconnaissances que j’ai à poursuivre autour du camp pour la recherche de nouveaux cantonnements et de points d’eau.
Le R.P. Noché m’a signalé qu’à Bach (Lot) une femme très âgée, Mme Guiral, rapportait aussi la légende des mains coupées. Je vais la voir, elle ne connaît pas M. Bru et ne l’a jamais rencontré. Sa version, en patois bien entendu, est un peu différente ; elle la tient de sa grand’mère, né en 1806 et morte à la fin du siècle dernier. « C’est à ce rocher que Bernacus qui était, paraît-il, un bourreau de César, aurait coupé les mains à des guerriers gaulois. Sur deux mille condamné, cinq cents auraient échappé ou auraient été graciés par Bernacus parce qu’ils lui avaient fait avoir quelques filles qu’il voulait. Ceux à qui on avait coupé les mains n’osaient pas reparaître devant leurs femmes ou leurs familles ; ils allaient se noyer dans un lac situé dans la même vallée et qu’on appelle encore « lou lac dé los négodouyros « , en français le lac de la noyade. D’ailleurs, à cette époque-là, les gens étaient bien méchants. Pensez-donc, ils auraient voulu les faire souffrir davantage en perçant (en patois : trouaqua) l’étang et en asséchant le ruisseau. «
A Vaylats (lot) le vieux forgeron dit qu’au temps du tirage au sort pour le service militaire il fallait se rendre à minuit, une nuit sans lune, au rocher de Bernacus. Cette superstition pourrait être expliquée par la légende : protection accordée par les mânes des guerriers gaulois aux jeunes gens susceptibles de supporter pareille épreuve.
A propos de la chapelle détruite de St-Alby, qui se trouve à quelques centaines de mètres de la source-tunnel, certains ont entendu dire que les marchands de bestiaux, descendus d’Auvergne à l’occasion de foire importante il y a cent ans, n’oubliaient jamais, avant de repartir, d’aller sur les ruines pour réciter un pater et un requiem à l’intention de la Bernade (3), qui, par ses grâces et sa beauté, avait sauvé de la mort de nombreux guerriers dont beaucoup étaient de leurs parents.
A Belmont-Ste-Foy (Tarn et Garonne) je rencontre un ancien propriétaire de Cantayrac. C’est certainement grâce à lui qu’une première preuve ne va pas tarder à apparaître : celle de l’existence sur le plateau de Cantayrac de constructions gallo-romaines. M Léger Cournut me certifie en effet qu’il y a des « réporotious » puisque, jeune garçon, il se servait de tuiles cassées pour fabriquer des sifflets.
Je reprends donc mes recherches sur le promontoire et je trouve effectivement des morceaux de tuiles plates présentant le large rebord caractéristique de la tuile gallo-romaine, identiques à ceux que M.Albert Cavaillé, président de la Société archéologique du Tarn et Garonne, m’a montré à Laramière (lot) quelques jours auparavant. En abondance sur tout le terrain, ils se trouvent principalement sur de véritables tumuli que je dénombre au cours d’une première recherche à environ une quinzaine.
Interprétation d’après les recherches de l’auteur
Nous ne les avions pas remarqué lors de notre rapide prospection du 26 Juillet avec le R.P. Noché et M.Bru… !
Le dimanche 27 août 1950, nous entreprenons la fouille sommaire d’un de ces monticules, en accord avec M. le professeur Labrousse, directeur de la 10ème circonscription des Antiquités historiques.
C’est ainsi que sont mis à jour, remontant indéniablement à la période romaine, des vestiges de construction soignée, des clous de charpente en fer forgé, des fragments de revêtement de paroi en marbre des Pyrénées, des tessons de céramique ( dont le type pour l’un d’eux n’est plus fabriqué passé l’an 80 de
notre ère), une clef à panneton, un grand coutelas, des dents, une corne de cerf, etc…
Plusieurs autres monticules sont sommairement inventoriés ; ils apparaissent exempts de matériels. De forme circulaire (2,30m de diamètre) ils font penser soit à des tombes à incinération, soit à des fonds de cabanes gauloises. Un sondage est ensuite pratiqué à quelques mètres de la chapelle de Saint-Alby, il permet de découvrir des sépultures superposées, séparées par une dalle grossière, orientées nord-ouest, sud-est, sans aucun mobilier funéraire.
A fleur de terre et au hasard de promenades ou de cueillettes de champignons, je découvre une hache de pierre polie et un coûtre de charrue gauloise recouvert de calcite…
Objets trouvés au cours des différentes fouilles dont les deux boulets de fronde –en bas à gauche- provenant de la source gauloise
Mais, il faut bien le préciser, ces fouilles sont sommaires et leur résultat ne peut qu’être en rapport avec les moyens mis en œuvre, bien « minces », et n’ayant aucune commune mesure avec ceux habituellement appliqués dans des chantiers spécialisés.
Tumulus antérieur à l’époque gallo-romaine
Depuis que le problème d’Uxellodunum me passionne, je me suis bien entendu penché sur les photographies aériennes du camp dont je dispose et j’en ai entrepris l’interprétation stéréoscopique—chaque observation intéressante peut être contrôlée sur le terrain et c’est ainsi que s’ébauche puis se précise un tracé des remparts de l’oppidum gaulois, que des sondages ou « grattages » permettent chaque fois de vérifier.
Ces découvertes ne me donne pas entière satisfaction : la fameuse source que les Romains ont tarie est introuvable malgré de multiples incursions dans les taillis, les ronciers…
Muté sous d’autres cieux, j’abandonne par force mes recherches, avec l’espoir de les reprendre un jour, ce qui se présente début 1955.
Au cours de mon congé de fin de campagne, servi par la chance et les fidèles des premiers jours, la source est enfin retrouvée sur le versant opposé à la source-tunnel de Saint-Alby, enfouie dans un épais fourré. Le sondage, effectué aussitôt, fait apparaître dans le rocher une faille remplie de sable jaune et recouverte de tuf. Dans la couche archéologique, il est retrouvé plusieurs kilos de débris de poteries dont les plus caractéristiques sont reconnues par M. Larousse comme datant du premier siècle avant J.C., trois fusaïoles, un couteau ou grattoir dans le même état de conservation que la clé à panneton trouvée en 1951, une dent de cerf ou de renne, quelques ossements non identifiés, et surtout deux boulets de fronde, pierre ronde caractéristique, fait d’autant plus remarquable que l’on ne trouve aucun galet roulé dans la région.
Malgré ma mutation à Paris, j’accepte de continuer à assumer la responsabilité des recherches. Je reprends contact avec le R.P. Noché qui a quelque peu abandonné l’hypothèse de 1950, subjugué par une autre théorie. Reconquis surtout par la découverte de la source gauloise qu’il ignorait, troublé par les anomalies des autres thèses, il m’apporte dès cet instant la plus entière, la plus précieuse collaboration tant par son érudition et sa connaissance de l’œuvre de César que par sa bonté et sa délicatesse.
Grâce à lui je puis étudier les notes inédites de Victor Pernet, conducteur des fouilles de Napoléon III à Alésia (note du copiste – lire Alise Ste Reine), tous les comptes rendus des travaux de Georges Matherat sur Nointel et la deuxième campagne de César contre les Bellovaques ; études vérifiées sur place aussi bien à Alise Ste Reine qu’au Bois des Côtes.
Je puis aussi faire exécuter un nouveau jeu de photos aériennes en octobre 1956 et un spécialiste de l’interprétation, M. Mathieu confirme d’une manière magistrale tous les détails et l’ensemble qui me manquait (4).
Enfin au cours de l’été 1957, après avoir entrepris des sondages en différends endroits, je procède avec le R.P.Noché et deux éminents collaborateurs à la reconnaissance de la presque totalité des travaux de fortification des Romains et à la mesure des points importants.
Entrée de la source-tunnel de St-Alby
CONDITIONS REQUISES POUR UXELLODUNUM
Depuis bientôt huit ans que j’étudie le problème d’Uxellodunum et de son identification avec Cantayrac, j’ai eu le temps d’examiner à fond toutes les thèses soutenues et de les confronter avec le seul et unique élément de base, la relation d’Hirtius dans le texte latin.
Que ce soit Luzech, Cahors, Capdenac, Le Puy d’Issolu, Murcens, etc... , il y a toujours une contradiction qui interdit d’identifier le lieu avec celui qui a été décrit par le lieutenant de César, ou une impossibilité à reconstituer militairement le siège ainsi relaté.
Le film historique à grande mise en scène jouit de nos jours d’une certaine faveur. C’est ainsi que le siège d’Uxellodunum pourrait tenter un metteur en scène avec ses deux mille Gaulois assiégés, ses trente mille Romains assiégeants, les scènes de la soif, les combats furieux pour la source, les travaux de captation de César, l’incendie de la tour, la capitulation et le châtiment des « coupables »… sans oublier l’histoire de Bernacus et de la belle gauloise Bernade, ainsi que la grâce des guerriers obtenue par cette dernière… Mais le metteur en scène ne pourrait situer l’action dans aucun des emplacements signalés plus haut sans être obligé de commettre de graves erreurs et d’être en contradiction avec Hirtius que l’on pourrait irrévérencieusement appeler l’auteur du scénario. En particulier, certains épisodes militaires ne pourraient pratiquement pas être reconstitués sur place car les escarpements et les à pics de maints lieux retenus comme étant Uxellodunum ne pourraient s’y prêter…
Qu’il me soit donc permis, sans pousser le raisonnement dans le détail ce que je réserve aux objecteurs spécialisés, de reprendre le texte d’Hirtius pour en faire ressortir certaines particularités.
Ce qu’il faut noter en premier, à la lecture seule, c’est sa tournure d’esprit. On peut accuser l’auteur de procéder par retouche, de varier dans ses descriptions, d’avancer des affirmations trop absolues pour les corriger ensuite dans le sens de l’atténuation. Pour bien comprendre il faut tenir compte de tout son texte et ne pas s’appuyer sur un seul passage.
Comment se présente la place assiégée ?
Hirtius la décrit d’abord comme « défendue de tous côtés par des abrupts très prononcés » mais plus loin il corrige en écrivant « dont l’escalade, même en l’absence de tout défenseur, serait difficile pour des soldats portant leurs armes », et encore plus loin « en pente et peu commode pour la descente … et pénible pour la remontée ». Etait-ce bien de tous côtés que la place était entourée de ces pentes raides et abruptes ou difficiles ? Il ne semble pas puisque l’on trouve dans le texte que « en plusieurs endroits les assiégés disposaient de descentes faciles », et au chapitre 43 on voit César qui « ordonne aux cohortes de monter de tous cotés à l’assaut de la hauteur… ».
Ne tenant pas compte de ces retouches constantes, certains traducteurs ont employé des termes qui faussent littéralement l’esprit du texte..
La place était-elle entourée d’un fleuve ou d’une rivière ?
Là aussi des traducteurs ou interprétateurs ayant un but bien déterminé, ont écrit que le massif était entouré d’une rivière ou même d'un fleuve.
Or dans la phrase : flumen infimam vallem dividebat que totum poene montem cingebat le quae, féminin est le relatif de vallem et non de flumen, mot neutre. C’est donc la vallée encaissée qui entoure la hauteur et Hirtius a voulu souligner l’importance de cette vallée au détriment de ce qui coule.
Si le mot flumen devait être traduit par « fleuve » ou rivière et que ce soit l’élément essentiel, pourquoi ne pas donner le nom de ce fleuve ou rivière qui ne pourrait être, dans la région où se situe Uxellodunum, que le Lot ou à la rigueur la Dordogne ?
Des rivières de ce volume comme d’autres moins larges, la Saône, le Doubs, l’Oise, la
Selle porte un nom latin : Arar, Dubis, Sabis etc. Il faudrait donc attendre la mention du flumen Oltis dès le début de la description d’Uxellodunum et au minimum une notion sommaire de sa largeur, de ses berges, dont l’influence stratégique pour le déroulement des opérations de siège est indiscutable pour tout cours d’eau du type Lot est indiscutable. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les photos de Luzech ou de Capdenac. Le Lot, large d’au moins 100 mètres, attire l’attention avant la vallée qui est loin d’être profonde et encaissée.
Or lorsqu’il est question pour la première fois, dans le récit d’Hirtius, de l’oppidum d’Uxellodunum il n’est nullement fait mention de rivière, ni de pont et la notion de cours d’eau n’intervient que plus tard quand il s’agit d’expliquer l’événement tactique du siège : la privation d’eau.
Où se trouvait la source ?
Au chapitre 41 elle est située « du côté où la rivière quittait le pied du massif sur une longueur d’environ 300 pieds (90 m.).
Certaines traductions portent : « Dans la partie de la ville où la rivière, qui l’entourait par ailleurs, laissait un isthme d’environ trois cent pieds de large ». Très caractéristique, cette traduction ajoute à la notion d’isthme déjà fausse, « de la rivière qui entoure ». L’image d'un isthme, suggérée par le cas si curieux de Besançon et par les boucles du Lot, a dominé les esprits et a égaré traductions et recherches. S’il y avait eu un isthme, une disposition si caractéristique aurait frappé Hirtius, qui n’eut pas manqué d’en faire mention dans sa description générale du site ; or il n’en dit pas un mot alors : la description ne porte que sur la vallée entourant le massif, et accessoirement sur le cours d’eau. Négligeable dans l’ensemble du paysage, la boucle de la rivière n’attirera l’attention d’Hirtius que plus tard, au moment où il voudra préciser la position de la source, l’emplacement de la terrasse, de la tour et des combats. L’importance que la boucle n’avait pas à titre panoramique, elle la prendra soudain à titre tactique.

Gênées par ailleurs par la présence de l’eau à la racine du mont, les opérations contre la source bénéficièrent du fait que la rivière laissait justement en face une petite boucle, un terrain sec, où l’on put commodément installer la terrasse, la tour, les abris mobiles.
Ce secteur de 90 mètres joua un rôle tel, absorba tant d’efforts, qu’il était indispensable à Hirtius de le mentionner avec précision.
F Reveille
légende : vestiges du mur d’enceinte gaulois
La source était située à l’extérieur du mur d’enceinte de la place proprement dite, en contre-bas ( sub ipsius oppidi murum). Manifestement elle n’était pas rès loin ni à mi-pente ; autrement pourquoi cette référence précise au mur ? Cette source jaillissait vers l’extérieur ( prorumpebat). Ses abords ne furent à aucun moment à l’abri des projectiles de la tour une fois construite, mais ils échappaient, en raison de leur distance par rapport aux positions romaines du versant opposé, aux autres armes de jet.
La différence de niveau entre la source et le fond de la vallée devait être légèrement inférieure aux hauteurs additionnées de la terrasse et de la tour (turris superabat fontis fastigium). Or la tour de dix étages avait, on le sait par Vitruve (de Architectura, livre X ), 60 coudées, soit 26,50m. Hirtius attribue 6 pieds ou 9 pieds - soit 1,80 m ou 2,70 m - à la terrasse sur laquelle était placée la tour, soubassement de terre auquel il faut ajouter la hauteur inconnue de l’échafaudage de bois. Au total donc, une trentaine de mètres minimum, telle est la hauteur ou élévation que l’on doit trouver entre la source et le fond de la vallée.
Cette « explication de texte » n’a eu pour but que de souligner les données essentielles qu’Uxellodunum doit remplir et que l’on peut résumer ainsi pour juger si Cantayrac ou tout autre emplacement peut y correspondre :
n Massif aux pentes généralement raides et rocheuses, mais aussi pentes très aisées à descendre.
n Massif entouré en grande partie d’une vallée au fond de laquelle coule de l’eau.
n Source dont la situation par rapport à l’oppidum et à la vallée est parfaitement définie.
Mais il est d’autres données qui sont aussi indispensables :
Les travaux de captation de la source.
Le texte latin relatif aux travaux souterrains entrepris sur l’ordre de César pour tarir l’unique source des assiégés est celui qui se prête le plus à des interprétations diverses et même contradictoires.
Une seule chose est certaine, c’est que les travaux sont restés ignorés des Gaulois puisqu’ils ont cru à l’intervention divine lorsque l’eau a cessé de couler.
Où les travaux ont-ils été entrepris ? Combien y eut-il de galeries creusées ? Un seul court passage du texte pourrait donner quelques indications, mais c’est celui dont les mots demeurent incertains.
Il existe environ soixante-quinze manuscrits de copie des Commentaires (5) dont le texte, en ce qui concerne les travaux présente plusieurs variantes permettant de traduire : soit que les galeries ont été creusées à partir de l’emplacement de la tour, soit qu’elles furent dirigées vers la source sans que soit précisée leur origine. Le mot vinea, qui veut dire baraque-abris, semble résulter d’une erreur de copiste à la première transcription du texte d’Hirtius, erreur explicable étant donné l’abondance de ce terme dans le texte. Il faut vraisemblablement le remplacer par venae qui veut dire / veines, et qui se trouve d’ailleurs plus loin s’appliquant aux veines de la source.
Les travaux auraient été entrepris d’un lieu non précisé, invisible des assiégés, en direction des veines de la source. On ne peut supposer qu’ils ont été poursuivi dans le secteur agité de la terrasse de la tour, point de mire de tous les regards, où s’opposaient journellement les combattants. L’évacuation des terres n’aurait pas manqué d’attirer l’attention des assiégés. Ces travaux ont certainement dû avoir lieu ailleurs.
Les considérations militaires.
Il est relaté que les Gaulois font rouler des tonneaux enflammés remplis de suif et de poix sur les ouvrages romains et attaquent avec acharnement pour empêcher leurs adversaires d’éteindre les incendies qui s’allument partout. César ordonne alors à ses cohortes de partir à l’assaut de l’oppidum comme si l’on voulait s’emparer des remparts, ce qui a eu pour effet de faire rentrer les Gaulois dans leur enceinte et permet aux Romains de sauver leurs ouvrages.
Comment imaginer cette manœuvre de l’assaut simulé et sa réussite dans l’hypothèse d’un massif ceinturé de rochers à pic ou entourés d’une rivière difficile à franchir, comme le Lot, large de 100m ?
Aux chapitres du début est décrite la première opération en rase campagne : Drappès et Luctérius, les deux chefs gaulois qui se sont réfugiés à Uxellodunum décident d’entreprendre une sortie de nuit pour s’assurer du blé. Laissant sur place deux mille hommes, ils récoltent aux environs une grande quantité de céréales et s’installent à une distance de l’oppidum n’excédent pas 10 000 pas ( 14,480km) : non longius ab oppido decem millibus.
Luctérius et Drappès se partagent les rôles. Un premier convoi s’achemine vers Uxellodunum avec Luctérius qui, surpris par les sentinelles du camp et écrasé par Caninius, ne parvient pas dans la ville. Drappès de son côté, garde le camp situé à 12 000 pas ( 17.760 km) : in castris a millibus non amplius XII, camp qui précise Hirtius, se trouve sur les bord d’une rivière : castra eorum…ad ripas esse fluminis demissa. Mais Drappès ne réussit pas plus que Luctérius ; il est capturé par les Romains qui exterminent presque tous les Gaulois.
Cette opération doit se résoudre sur le terrain comme un problème de géométrie, à cela près que les distances ne sont pas en lignes droites. Il faut aussi pouvoir situer le camp de Drappès sur le bord d’une rivière et proche d’une région à blé distante de 15 km environ de la place forte. Il faut aussi pouvoir placer le lieu où Caninius défit le convoi de Luctérius à environ 18 km du camp de Drappès, et relativement proche des postes de veilleurs romains.
Autour de l’oppidum gaulois s’installèrent non seulement les tris camps de Caninius placés en altitude et à partir desquels il entreprit de construire le retranchement qui faisait le tour de la ville, mais encore ceux de Fabius, et enfin ceux de César lui-même, soit six légions et demie, toute la cavalerie – huit à dix mille hommes - l’infanterie germaine, les archers, les frondeurs, les valets d’armée.
On doit donc trouver sur le terrain des possibilités d’installation des trente à quarante mille hommes qui participèrent au siège.
LA SOLUTION DE CANTAYRAC
Ces différends « impératifs » étant posés, quelles sont les solutions apportées par Cantayrac ?
Contrairement aux autres sites proposés, celui-ci semble répondre à toutes les conditions requises.
On y trouve un massif aux pentes raides, rocheuses, avec du côté ouest une zone en pente douce vers le cours d’eau. Ce massif est aux trois quarts entouré par une dépression encaissée et très étroite. Au fond coule de l’eau dans un lit de plusieurs mètres, sans dérivation possible, guéable surtout à l’époque du siège (sans doute en juillet).
Il n’existe qu’une seule source. Exactement en face et au bas de la pente, la rivière, qui presque partout baigne la base du massif, s’en écarte sur 90m , formant une boucle de 35mètres. Cette source antique, aux poteries spécifiquement gauloises, jaillit bien vers l’extérieur, à 50 m au-dessous du mur d’enceinte ; elle n’a aucune protection de terrain en avant.
Verticalement, du niveau de la boucle au niveau de la source retrouvée, il y a environ 35 m. L’espace entre la source et les vestiges du rempart, sa situation en contre-bas et à l’extérieur, la distance ( 250 à 300 mètres) entre la source et les points de même niveau du versant opposé, la situation de la pente, bien en vue, en face des hauteurs occupées par l’armée romaine (res gerebatur exselso loco in constectu exercitus nostri ), tout répond ici aux détails du texte. L’accord apparaît saisissant à qui le lit posément sur place.
Un terrassement manifeste occupe une grande partie de la boucle. Haut de 1 à 2 mètres selon les points, parfaitement plat et horizontal, ses dimensions répondent à l’emplacement d’une tour, de ses mantelets protecteurs et à leurs mouvements (6)
S’il est permis d’être sourcilleux sur le chapitre de la source gauloise antique et de tenir singulièrement plus recevables les hypothèses qui en ont une à montrer, on ne saurait exiger d’un chercheur qu’il retrouve les travaux souterrains.
Les galeries romaines qui n’ont pas abouti se sont certainement effondrées ; comment reconnaître à celle qui a tari la source – pour autant qu’elle subsiste- des caractères spécifiquement romains ? Comment retrouver trace du cheminement des eaux souterraines ? Aussi bien, il n’est nullement question que le souterrain soit parvenu à la source. Dans une maison, pour priver d’eau les locataires des étages supérieurs, il suffit de la crevaison d’un tuyau de rez-de-chaussée, voire de la rue, à des centaines de mètre de là. A Cantayrac, le versant opposé à celui de la source retrouvée, présente, absolument invisible d’en haut, un tunnel situé à une vingtaine de mètres plus bas : c’est la source-tunnel de Saint-Alby, qui fut à l’origine de l’hypothèse de 1950. Ce tunnel, orienté justement dans la direction de la source gauloise et qui donne encore de l’eau aujourd’hui, devait exister voici deux mille ans : il était tentant pour César, et raisonnable, de l’utiliser, de le pousser plus loin, d’espérer que le pic d’un sapeur rencontrerait, percerait ou simplement élargirait une veines d’eau en relation avec la source gauloise.. les éboulis de terrr glaise observés à l’extrémité de ce souterrain de 105 m de long ont arrêté les investigations sommaires entreprises jusqu’à ce jour. D’autres travaux permettraient peut-être de voir si la solution qu’offre le souterrain est valable. C’est possible car elle est représentative du genre de travaux exécutés par les Romains.
A 1800 mètres de la source gauloise, sur le même versant, il y a deux autres tunnels ou grottes. Ont-il Servi à César ? Sont-ils son œuvre ?
Sur le plateau, à 800 mètres à l’Est de l’oppidum, une sorte de puits -dit le puits à la vigne- situé dans une zone fort extérieure à la muraille de la place, peut également représenter le résultat durable, l’utilisation postérieure d’un creusement commandé par César.
L’important, en cette question, est d’offrir un genre de solution sérieusement plausible, où soient sauvegardés à la fois le caractère insoupçonnable du travail, du côté des assiégés, et des vraisemblances hydrographiques.
A cet égard l’avantage va au site de Cantayrac.
Les pentes abruptes du massif proposé, à fortiori des abords accessibles, les proportions limitées des rivières, tout cadre avec la manoeuvre finale d’assaut esquissée de toutes les directions.
Précisons sur ce point, une notion qui dépasse le cas particulier. Si César n’a pas tenté d’assaut conter Uxellodunum, la raison n’est pas à chercher dans la puissance matérielle des moyens de défense, dimensions des enceintes, ou nombre de machines. Mais, « échaudé » lors de sa tentative manquée contre les murailles, sans défenseurs, de Gergovie au printemps de l’an 52, César s’était juré de ne pas la renouveler ; il avait décidé de s’en tenir à la tactique d’usure et d’attente ( campagne des Bellovaques), d’investissement et de siège par la faim (Alésia) ou par la soif (Uxellodunum). « Mon système, disait-il, est celui des médecins contre les maladies : la diète plutôt que le bistouri » (Frontin, Stratagèmes IV, 7 )
Si bien que de modestes remparts suffisaient à une place convenablement pourvue de défense naturelles pour être en fait à l’abri de tout assaut par les légionnaires. Voilà pourquoi il n’est pas nécessaire dans les sites qui prétendent à la gloire d’Uxellodunum de trouver des vestiges importants de murs antiques.
La description que César donne des murailles gauloises au chapitre 23 du livre n’est pas à généraliser ; cela est si vrai que presque nulle part en France les vestiges retrouvés ne vérifient les énormes dimensions (12 mètres d’épaisseur) indiquées dans ce texte comme celles de « tous les murs gaulois »
A Cantayrac le peu de terre de remblai que pouvait fournir le sol rocailleux de ce coin des Causses devait nécessairement disparaître avec l’érosion.
Les pièces de bois allaient servir de matériaux de construction aux maisons de la cité gallo-romaine, pendant les siècles de paix qui virent le démantèlement des villes. Des vestiges subsistent pourtant, en un certain nombre de points, et le tracé général est discernable pour plus de la moitié. Pas plus qu’en d’autres sites, leur absence partielle ou leurs modestes proportions ne peuvent constituer une objection majeure.
Sur la guerre en rase campagne menée contre Drappès et Luctérius, la thèse de Cantayrac n’est pas en reste. L’emplacement des routes antiques, l’ampleur du site et les accidents de terrains expliquent fort bien les mouvements des troupes, les distances ( 10 à 12 miles) le ravitaillement. La vallée des Hommes Morts et la région de Monteils, au lieu dit Roussal près de Caussade (T. et G.) centre de blé rendent compte de tout.
Les Romains entouraient leurs camps d’un retranchement comportant remblai en terre ou pierre, surmonté d’une palissade et fossé(coté ennemi)
Ci-dessus : restes d’un retranchement de ce type sur la croupe d’Aubrelong et coupe théorique.
Des camps romains on ne devait pas s’attendre non plus à retrouver beaucoup de traces dans un site livré depuis des siècles à la main des hommes. Le sol pierreux interdisait ici les travaux profonds que - à la différence des cas d’Alésia ou de Nointel - la situation militaire ne requérait pas. Les ouvrages ont certainement été exécutés en surface. En fait ce qui subsiste aux alentours de Cantayrac dépasse de beaucoup ce qu’on en voit ailleurs : aux abord de Gergovie, d’Alise, de Bourges (Avaricum), par exemple, il n’en demeure exactement rien. L’exploration des environs, guidée ou contrôlée par de magistrales photos aériennes, a permis, relativement aux emplacements et à la disposition tant des camps sur les hauteurs que des lignes de contrevallation, surtout dans les vallées et sur les pentes, des conclusions positives, multiples, cohérentes, en accord avec ce que l’on sait sur les façons de faire de la même armée l’année précédente, à Nointel comme à Alésia, où on n’a retrouvé ni arme ni vestiges qui soient l’écho d’un combat entre Romains et Gaulois
Emplacement supposé de la tour
Poux Nègre et carrière possible pour la tour
Si la légende « des mains coupées » est à l’origine des premières recherches sur le camp militaire de Cantayrac, peut-être n'est-il pas inutile d’ajouter quelques observations troublantes dans la toponymie de lieux-dits aux alentours, observations qui viennent dans une certaine mesure compléter les données plus scientifiques qui précèdent.
L’étang « de la noyade », déjà cité, est situé dans la parcelle répertoriée « les Fourches », survivance des Fourches caudines, où des Fourches patibulaires.
« La vallée des Hommes Morts » sépare le massif de Pech-Sec de celui du Pech-Vert . Peut –être garde-t-elle le souvenir de la sanglante défaite des ravitailleurs de Luctérius qui tentaient d'introduire du blé dans la place.
Le point culminant de la place au nord de Cantayrac est dénommé Arbrelong, Aubrelong ou Aubreleng sur toutes le cartes établies depuis 1670. En patois local on prononce Aoureloun. Or Aouré, parfois Obro, signifie : œuvre, ouvrage. N’y a--il pas une survivance de l’ouvrage romain entourant le camp des légions, dont l’interprétation aérienne fait apparaître les traces allongées sur toute la croupe ?
Plus curieuses encore sont certaines appellations : en arrière de ce qui fut le point fort de l’oppidum, vers l’emplacement présumé de la ville, M.L. Cournut montre « l’ôssemblado » , en français , « assemblée », « la place publique».
Dans le parcellaire de la commune de St Projet, l’étranglement de l’éperon de Cantayrac est appelé « Malpas »
- Dans le parcellaire de la commune de Loze, la source antique et le terrassement qui a supporté la tour de dix étages sont au lieu dit « Malaroute ».
- dans le parcellaire de la commune de Mouillac, la rive opposé à Malaroute se nomme « Malabro », à rapprocher du patois « Mal obro », mauvaise obro.
Ainsi pour une zone de 15 à 20 hectares, située sur le territoire de trois communes différentes, trois parcellaires ont gardé le souvenir de Malum, le mal.
Il est indéniable que l’occupation romaine fut forte; il est vraisemblable que le nom de Cantayrac, qui ne s’applique plus à un lieu habité, mais simplement au champ de tir et à un ruisseau, désignait à l’origine, sous sa forme latine de Cantariacum, le domaine d’un Cantariacus. Dailleurs dans un rayon de 10 km on rencontre une dizaine de nom en ac : Mouillac, Saillac …
Il faut noter aussi la densité des chemins qui convergent vers ce domaine, qui peut ne s’expliquer que par son occupation aux temps lointains. A proximité deux voies romaines unissaient à Rodez (Segodunum), capitale des Rutènes, le centre et le sud du pays cadurque. A moins de 5 km au nord e Cantayrac, sur les limites des communes de Vaylats, Bach, Varaire et Saillac passait la grande route de Cahors ( Dinona) à Rodez, dessinée sur la table de Peutinger ; à 8 km à l’est, se détachant de la précédente au voisinage de Beauregard, c’était la voie secondaire qui reliait le pays rutène au Bas-Quercy, particulièrement à l’importante station de Cos (Cosa) l’Aveyron.
Suivent des considérations générales sans relation avec Uxellodunum
Présentation des notes infra-paginales
1- En réalité le mot n’est connu qu’en patois. Il se prononce Bornacous, l’o étant un mélange de o et de a, avec accent tonique, le reste du nom, où domine le nac, se termine plutôt par ous que us.
2- Cette particularité du cours d’eau a été souvent traduite, à tort, par le mot isthme, terme qui à servi de base aux hypothèses de Luzech, Cahors, Capdenac, Murcens. Cette image d’un isthme a souvent dominé les esprits et égaré les recherches.
3- Ne faut-il pas rapprocher Bernade de Bernacus. Au fond c’est toujours la même légende, plus ou moins déformée
4- N.D.L.R. Avant la publication de cette relation, le rédacteur en chef de La Revue Historique de l’Armée a demandé au service de l’Interprétation photographique de l’armée de terre de lui donner ses observations sur les photographies aériennes du plateau de Cantayrac. Les interprétateurs n’avaient pas été mis au courant de ce qu’ils étaient susceptibles de trouver. Néanmoins, le calque qu’ils ont fourni présente de grandes analogies avec ceux que détenait l’auteur, provenant d’un autre service. En particulier les mêmes tracés de travaux, non conformes au parcellaire et dus vraisemblablement à la main de l’homme, s’y retrouvent.
5- Trente-trois à la Bibliothèque vaticane, vingt cinq à la Bibliothèque Nationale, dix-sept à la bibliothèque de Florence, et quelques autres répartis dans le monde. Le plus ancien date du IXè siècle soit dix siècles après l’établissement de l’original qui n’a jamais été retrouvé.
6- Trois sondages ont été effectués. Ils ont permis de constater que cette plate-forme était en terre rapportée ; on y découvre des morceaux de pierre calcaire érodée, semblables à ceux des bords du cours d’eau, n’ayant pas pu se former là où ils se trouvent.
Commandant F. REVEILLE
Extrait de la Revue Historique de l’Armée, n° 5- 1958
Rédaction : 231 bld St- Germain Paris VII
Note de C. Delas : Les allusions à Alésia par F. Réveille ne correspondent pas à nos points de vue d’une part, et d’autre part nous n’apportons pas notre caution aux photos dites vestiges du mur d’enceinte gaulois.
- 2 - Addendum n° 1
Le PORTRAIT-ROBOT du COMMANDANT REVEILLE
« …..Pour mieux présenter ce portrait-robot, à tirer des 41 exigences qu’impose le texte d’Hirtius, je vais essayer de le brosser en trois parties :
Tout d’abord, la position géographique, ensuite la description topographique et panoramique telle que l’a décrite Hirtius, observateur, piéton ou cavalier, enfin les données tactiques que le narrateur, officier de César, a cru bon de noter pour l’intelligence du déroulement du siège, données qui ajoutent d’excellents détails.
« La position géographique est difficile à préciser. Trois conditions cependant découlent du texte :
*- Uxellodunum est situé sans aucun doute dans les limites du Quercy - in finibus cadurcorum. Même si la frange du pays n’est pas déterminée avec précision dans les détails, la masse du territoire cadurque est fixée de façon certaine : il comprend en gros l’ancien diocèse de Cahors, c’est-à-dire l’actuel département du Lot, et le nord du Tarn et Garonne.
*- L’emplacement doit aussi se situer dans le Sud-est du pays cadurque près d’une voie conduisant vers la Province Narbonnaise : les Gaulois voulaient l’attaquer - Provinciam petere.
*- Le nom d’Uxellodunum n’est pas certain : il y a de nombreuses variantes dans les manuscrits dont certaines très importantes, telles Auxilio dunum, Vexellodunum, Velodunum. La conservation du nom n’est pas une exigence absolue pour l’identification d’un site.
« La description topographique et panoramique faite par Hirtius, donne neuf exigences.
*- Il mentionne en premier que le site se présente comme une hauteur naturellement bien fortifiée par des pentes très rocheuses - praeruptissimis saxis esse munitas.
*- Ensuite, pour les besoins du siège et autour de l’oppidum, il faut des terrains élevés où puissent s’établir les trois camps initiaux des deux légions de Caninius - tripartito cohortibus divisis trina exelcissimo moco castra fecit.
*- Plus tard, deux légions et demie de Fabius et deux légions de Calenus avec leur cavalerie participeront au siège. Au total on admet de 30 à 35.000 hommes assiégeant Uxellodunum, dont les positions et les cantonnements devront se situer sur le terrain.
*- Comment était cette hauteur ? une phrase très importante apporte plus de précision, il s’agit de Vallem quae totum paene montem cingebat, une vallée faisait presque tout le tour de la hauteur qui porte l’oppidum. C’est donc un promontoire, non un mamelon, mettons un éperon barré.
*- Dans cette vallée, une eau courante séparait les versants. La phrase complète si importante, est : Flumen infimam vallem dividebat quae totum paene montem cingebat.
La vallée qui entoure l’oppidum n’est donc pas une simple zone de basses terres, pas une plaine - planities - autour ou sur une partie du pourtour, comme à Alésia.
Pour le dessin on pourrait dire en gros, une vallée en V, étroite.
*- En outre, il est à noter que dans cette phrase qui se situe à huit chapitres du début, Hirtius emploie le mot Flumen pour la première fois.
Ce qui a frappé le narrateur, dès son arrivée, est le promontoire et la vallée étroite qui l’entoure, et non le flumen.
Le terme flumen s’applique en effet à toute espèce de cours d’eau, du fleuve au simple ruisseau. Il a gardé chez César son sens primitif très général : « de l’eau qui coule, qui fluit ».
*- Cette eau courante constitue une ceinture d’eau autour de presque toute la place forte - circuiti fluminis. Elle peut d’ailleurs être formée d’un seul cours d’eau ou de plusieurs, comme à Avaricum (Bourges), pourvu que ces cours d’eau confluent au pied des pentes du massif, et non au loin comme à Alise.
*- On verra plus loin que l’eau doit couler juste au bas des pentes - in infinis radicibus montis ferebatur. On saura aussi que le lit est peu profond et peu large.
*- Enfin, et c’est la dernière exigence panoramique, le flumen n’est apparu qu’au huitième chapitre et non pas lors du premier tour d’horizon, comme il a été dit précédemment ; de plus Hirtius n’a signalé, dans sa description générale, ni isthme, ni boucle de flumen comme César l’avait fait pour décrire Besançon.
« Le dessin est déjà largement ébauché. Ce sont maintenant les données tactiques qui vont permettre d’apporter des retouches précises en tel ou tel point, et qui le façonneront presque définitivement avec les vingt-neuf dernières exigences découlant de la narration détaillée du siège.
*- On sait déjà que le promontoire, l’éperon barré d’Uxellodunum avait des pentes très rocheuses. Toutefois il n’y avait pas de falaises continues puisque les pentes étaient seulement difficiles à gravir pour des hommes chargés de leurs armes - armatis accendere esset difficile - et non pas impossibles à escalader comme le seraient des falaises à pic.
Confirmation est donnée à l’occasion de la décision prise par César de priver d’eau les assiégés ; en effet, les pentes pour aller au cours d’eau se présentent comme des descentes difficiles et abruptes et des montées ardues - difficiles et praeruptus descensus et ascensus arduus. Praeruptus et Arduus sont donc synonymes dans la pensée d’Hirtius.
*- Il y a même, en certains endroits, des descentes très faciles - quibusdam locis facillimos descensus - à tel point que la pente moins accentuée exigeait alors, pour l’interdire, l’emploi de machines de guerre qui portaient plus loin, et atteignaient ainsi les porteurs d’eau que la faible déclivité rendait capable de courir.
*- Nous avons retenu que le fond de la vallée n’était pas large, sans terrain plat notable de manière continue, ni le long de la rive longeant le massif, car l’eau coule juste au pied des pentes - infimis radicibus montis ferebatur - ni le long de la rive opposée puisqu’on ne pouvait creuser de fossés de dérivation dans aucune direction - nullam in partem depressis fossis derivari posset.
Il s’agit bien d’une vallée étroite et encaissée dont le texte ne dit rien sur la profondeur, infimam vallem indiquant le fond de la vallée, sans plus.
*- Le profil des versants est bien défini du coté de l’oppidum. De l’autre coté, c’est-à-dire coté romain, on sait seulement :
- qu’il y a remontée du terrain,
- que Caninius a pu installer trois camps en terrain élevé,
- qu’il a été possible d’effectuer les travaux assurant le blocus de la place,
- qu’il était possible de sortir facilement des camps pour un simulacre d’assaut général de l’oppidum, phase de dégagement que nous verrons plus loin.
*- Un autre point particulier, celui de l’attaque de la tour par les Gaulois, précise que malgré la position désavantageuse, les soldats romains faisaient face à tout avec héroïsme, car cela se déroulait bien en vue des troupes, à tel point que les clameurs des deux camps sanctionnaient les actions des combattants.
Donc une vallée en V parait indispensable ; mais si le fond est peu large à hauteur de la source gauloise, comme nous le verrons plus loin, il n’est cependant pas possible, à partir du versant romain, de l’atteindre avec des machines de guerre, puisque César ne jugea possible d’interdire cette source que par un seul moyen, la tour de dix étages, moyen coûteux, pénible et dangereux, comme nous allons le voir.
*- Une autre exigence, très importante, donnée par le texte, est la situation de la source, ce qui complète la configuration de ses abords, et donc de notre dessin.
Cette source gauloise est unique - unum in locum.
Le site ne doit donc pas présenter plusieurs sources en activité qui seraient abordables par les assiégés.
*- Elle doit être importante du moins à l’époque de César - magnus fons aquae.
Insuffisante pour couvrir tous les besoins, puisqu’on était contraint d’aller s’approvisionner à l’eau courante du fond de la vallée, elle satisfaisait néanmoins les besoins fondamentaux indispensables ; ce qui permettait la poursuite de la résistance, puisque César décide de l’interdire par la construction d’une tour.
*- De nos jours le bassin de cette source doit normalement être asséché puisque les veines d’alimentation ont été coupées et détournées - cuniculis venae fontis intercisae sunt atque aversae. Une source encore en activité serait peu probante.
*- De plus elle jaillissait - prorumpebat - ce n’était donc pas un simple puits intarissable.
*- Elle se situait en contrebas du rempart de l’oppidum - sub murum ; donc plus bas et cependant pas trop loin, sans doute vers le haut de la pente et non pas au milieu.
*- Elle doit être impossible à interdire par des tirs d’archers ou de frondeurs, même après la progression des soldats romains sur la pente, protégés par leurs abris mobiles.
Cela suppose une assez grande distance, du ressort seulement de la portée des machines juchées sur la tour.
*- Autre détail pour le dessin, la pente devant la source doit être suffisamment ample pour permettre l’évolution des Gaulois qui descendent au pas de course – decurrunt - et tirent de loin sans danger - enimus sine periculo praeliantur. Ce combat se déroule en terrain élevé loco superiore, donc vers le milieu de la pente et non en bas.
Il se transforme en un corps à corps acharné après l’envoi des tonneaux enflammés qui atteignent la construction de la tour. Car il s’agit pour les Gaulois d’empêcher les Romains d’éteindre l’incendie des ouvrages - accerime proeliantur.
*- Cette description du combat confirme donc que la pente en cet endroit ne doit pas comporter d’à pics, pour deux raisons :
- La descente de la contre-attaque gauloise se fait au pas de course,
- les tonneaux doivent pouvoir rouler jusqu’à la plate-forme de la tour afin d’y mettre le feu, sans se briser en cours de route - provolvont.
*- Une autre condition très importante apparaît encore à propos de la source. Le bas de la pente en face de cette source doit comporter une zone de trois cents pieds environ, où le cours d’eau s’écarte des bases rocheuses du massif - ab ea parte quae fere pedum trecentorum intervallo fluminis circuiti vacabat. C’est le cours d’eau qui libère de son emprise les trois cents pieds (environ 90 mètres) ; la distance est donc à mesurer au niveau de l’eau.
Un isthme à la racine du promontoire, impliquerait des termes de resserrement - aditum angustum - comme à Namur et Avaricum, et surtout, on ne comprendrait pas pourquoi l’auteur n’aurait pas parlé dès le début, d’une caractéristique si remarquable dans la description topographique d’ensemble du site, comme c’est le cas pour Besançon.
« En complément des exigences concernant la situation de la source, apparaissent aussi celles concernant l’emplacement de la plate-forme et de la tour.
*- En face de la source - e regione ejus - doit exister un endroit susceptible de supporter une plate-forme de tour. On ne peut admettre un emplacement situé de flanc, qui ne serait propice que pour des tirs d’enfilade et qui contredirait le « en face » du texte - e regione.
*- De plus, la distance tour-source nécessite des machines de guerre.
*- Quant à la différence de niveau entre la base de la plate-forme et la source, elle ressort du texte avec quelques variantes dans les manuscrits dont les plus plausibles sont une plate-forme de 60 pieds, soit dix-huit mètres, et une tour de dix étages, donc soixante coudées d’après Vitruve, soit 26,50 m. Au total 44,50 m.
Les seuls vestiges qui paraissent susceptibles de subsister de nos jours, sont ceux du terre-plein d’égalisation du terrain sur lequel s’incrustait la plate-forme de bois qui a brûlé en partie et dont il ne peut rester grand-chose – magna flamma exstitit ; opera flamma comprehensa partim restiguunt partim interscindunt. »
« Tous ces détails sur la tour et la source sont, à notre avis, des exigences impératives.
*- Il en est d’autres non moins importantes : le tarissement de la source a été provoqué par des travaux souterrains qui se sont amorcés « dans une zone sans danger et sans que l’ennemi puisse le soupçonner » – sine periculo sine suspicione hostium. On peut donc éliminer la zone de bataille entre la source et les abords de la plate-forme car c’était le secteur le plus dangereux, sur lequel les Gaulois avaient les yeux braqués, et où ils jouissaient d’une position idéale pour repérer la sortie massive des déblais, et surtout l’écoulement de l’eau dans les ouvrages romains.
Ils auraient alors, dans le premier cas fait une contre-mine, comme à Avaricum (Bourges), dans le second, jugé le détournement de l’eau comme l’œuvre des Romains et non celle des Dieux
– non hominum consilio sed deorum voluntate factum putarent.
Un point de départ des souterrains dans le dos des Gaulois, acteurs très attentifs pour la défense de leur source, donc sur l’autre versant du massif, pourrait mieux rendre compte du caractère insoupçonnable et insoupçonné.
*- Une autre donnée tactique est à prendre en considération, c’est le simulacre d’assaut général. Comme le dit le commentateur anglais Rice Holmes, les assiégés se seraient moqués d’une vaine tentative d’assaut, si les assaillants avaient eu à gravir des pentes en falaises continues autour de la place, ou auraient été bloqués au bas d’à pics, loin des remparts.
« Ce simulacre d’assaut romain ordonné par César, implique d’autres exigences, notamment la possibilité d’une exécution rapide, car il s’agit de permettre l’extinction de l’incendie allumé sur la plate-forme. Il en découle un pourtour pas trop vaste pour envoyer les ordres très vite, et la traversée de l’eau courante, du Flumen, en de multiples points tout autour de la place.
*- Le cours d’eau est donc guéable.
*- A partir de cela on peut aussi se faire une idée de l’étendue de l’oppidum. On sait en effet que deux mille guerriers ont été laissés dans la place au moment du départ pour le ravitaillement. La défense ayant été efficace, sans (malgré l’absence de) falaise de tous côtés, comme nous l’avons vu, même si on ajoute aux deux mille guerriers un certain nombre d’habitants, il ne faut pas une étendue trop grande comme le seraient 50 hectares et au-delà, ni une étendue trop petite au point que des milliers de gens ne puissent y contenir.
*- La place comportait, dit le texte des remparts – moenia et murus. Ils ont pu laisser des traces, mais il n’est pas requis d’en trouver des vestiges considérables, témoin le cas d’Alésia et celui de Gergovie, où l’on n’a retrouvé les fondations qu’en des zones très restreintes.
*- En face et tout autour une ligne de blocus a été édifiée, c’est la contrevallation. La nécessité de son édification implique qu’il n’y ait pas eu de moyens de blocage plus économiques, et plus partiels comme la fermeture d’un col ou d’un isthme. Il fallait bloquer partout parce qu’on pouvait passer partout pour descendre ou pour monter. Elle est susceptible d’avoir laissé des traces de la même manière que les camps romains.
« Enfin, de la narration de l’affaire des ravitailleurs, découlent d’autres exigences.
*- Le lieu où les Gaulois ont installé leur camp de base doit être situé à dix milles de la place soit 14,500 Km. – considunt Drappes et Lucterius non longius ab oppido decem milibus,
Au bord d’un cours d’eau - castra eorum…. relictis locis superioribus ad ripas esse fluminis demissa,
Et au pied des hauteurs – signo dato loca superiora capiuntur.
*- Pour la bataille des ravitailleurs de Lucterius, surpris par les Romains au moment où ils vont pénétrer dans l’oppidum, on doit disposer d’un emplacement étroit et boisé – silvestribus augustique itineribus – situé à douze mille du camp de base de Drappès, soit 18 Km. environ, et du coté opposé à la place par rapport à ce camp – partem copiarum esse in castris a milibus non amplius duodecim - Lucterius avait sans doute emprunté un itinéraire détourné.
……………………………….. »
- 3- Addendum n° 2
Les deux sites les plus connus réclamant Uxellodunum.
Ci-après 2 C.R. de visites sur le site de PUY D’ISSOLUD et de CAPDENAC parfaitement analysés dans le livre des RR.PP déjà cité. L’un est le préféré des officiels de l’Université ; l’autre est le chou-chou de certains.
Les autres sites analysés par les Pères n’ont pas retenu notre attention, étant déjà sortis de l’Histoire.
3-1 SITE de PUY D’ISSOLUD
Uxellodunum versus Puy d’Issolud 16 avril 2008, par C. Delas
Dans le cadre de nos enquêtes sur Uxellodunum , avec Georges Donat au retour de Cantayrac nous avons fait un crochet par Vayrac dont la colline du Puy d’Issolud juste à l’Ouest, est réputée officiellement par l’Université pour être le site d’Uxellodunum en se fondant sur une interprétation du Bellum Gallicum de Jules César.
Nous sommes arrivés par Martel, Les 4 Chemins, Vayrac. A Vayrac le centre d’information étant fermé, nous avons toqué à la porte de la Mairie. Apparemment Uxellodunum n’est pas une de leurs préoccupations.
Réduits à nos propres moyens et carte du Père Itard en main, nous nous dirigeons vers le site : une colline énorme en forme de Gara ou Butte témoin avec des pentes abruptes (des falaises calcaires à pic du Jurassique inférieur)
C’est là et c’est bien ce que dit Hirtius au Chap VIII §32 : une place remarquablement défendue par la nature.
Mais on est sorti des Causses et Puy est un mot auvergnat !
Comme pour la limite Ouest du pays des Rèmes vers Soissons, peut se poser la question de la limite Est du pays des Cadurques avec les Arvernes. Si c’est les Causses, alors on est sur la frontière. Comme les Arvernes sont les dominants, il est normal qu’ils aient les bonnes terres y compris la forteresse du Puy d’Issolud. De plus c’est là, sur la Sourdoire, que passe la limite du diocèse de Cahors. La seule modification qu’a subie ce diocèse a été faite par Napoléon vers 1803 pour satisfaire les protestants de Montauban qui ne voulaient pas être sous l’autorité de l’évêque de Cahors, les Cadurques étant plutôt catholiques.
La rue du Puy d’Issolud nous amène en pente douce jusqu’au pied de cette colline à Rouxou/ Roujou. La vue sur la Vallée de la Dordogne est superbe. Ce carrefour de la route est sur les éboulis de la colline qui bordent la vieille vallée de ladite rivière. Le substrat invisible est le Toarcien argileux qui donne de superbes prairies en surface. Au loin en avant de la Dordogne, en ces jours de pluies, méandrent quelques ruisseaux dont la Sourdoire.
Est-ce là la vallée encaissée dont le cours d'eau qui coule au fond ne peut être dérivé ?