Ce second volet expose le déroulement du siège, et décrit les vestiges que l'on peut voir à Cantayrac. III / LA CAMPAGNE D’UXELLODUNUM A CANTAYRAC.
Il s’agit là d’une interprétation du livre VIII de la guerre des Gaules, tirée - avant tout - de la lecture du livre des RRPP Noché et Itard, inventeurs, avec le colonel Réveille, du site de Cantayrac, mais également de discussions menées aussi bien avec le RP Itard lui-même et les géologues Claude Delas et Georges Donat, qu’avec les autres participants, en particulier le professeur Yves Texier, lors des visites effectuées sur le site de Cantayrac, Marc Terrasson.
1 / Le déroulement des opérations.
Après la victoire remportée par le légat Fabius sur les troupes de Dumnacos entre Doué-la-Fontaine et Murs-Erigné - et non au Ponts de Cé comme on l'écrit habituellement - (B.G. VIII, 29), le Senon Drappès et le Cadurque Luctérios s’enfuient, en direction de la Province, (peut-être pour y continuer une guerre d’embuscades loin de l’armée du proconsul), avec une troupe de 2000 hommes - ou 5.000 d’après Maurice Rat. Les deux Jésuites approuvent ce dernier, et il est probable que le mélange des deux troupes, plus les recrutements qu’a dû lever Luctérios en arrivant dans le Quercy, (Orose [Histoires VI, 20], écrit que le Cadurque a recruté des guerriers sur son fief), arrivent à ce dernier total. Mais, apprenant que C. Caninius est à leurs trousses (VIII, 30) et craignant, soit d’être rattrapés en rase campagne, soit d’être pris en tenaille entre celui-ci et les garnisons d’Aquitaine, ils se réfugient dans Uxellodunum (VIII, 32).
Le choix de cette place est-il dû au hasard ? à une savante comparaison des capacités des différents oppida de la région ? à un refus des Cadurques d’accueillir les rebelles dans une place forte « municipale » ? ou au fait qu’il s’agissait d’un des fiefs de la famille de Luctérios, ainsi que le précise Hirtius ?
Quoi qu’il en soit, les caractéristiques de ce site en faisaient une place parfaitement adaptée aux besoins des fugitifs : un hameau fortifié (ou une grosse maison forte avec ses dépendances) occupé en permanence, fourni en eau, abritant en temps normal une population limitée, mais susceptible de loger la troupe des deux rebelles sur son promontoire, à l’Est des habitations.
Sa position, à l’écart des grandes routes de l’époque (voir la carte N° 4 ci-après), en faisait un refuge discret pour ces fuyards : l’axe principal de la région, la route de Cahors à Rodez, qui fut empruntée plus tard par une voie romaine, passe à cinq kilomètres au nord de l’oppidum. Deux chemins reliaient Uxellodunum à cette route, l’un par la combe de Cahors et le Pech Sec, l’autre entre l’oppidum et Jamblusse. En outre, des cheminements secondaires permettaient les liaisons extérieures et les ravitaillements. Enfin, des fortifications – ajoutées aux difficultés imposées par les rudes grimpettes des pentes, au-dessus des deux rivières encaissées sur les faces nord et Sud - le défendaient suffisamment pour que Caninius - et après lui César - ait jugé imprudent d’en tenter l’assaut. A – « Grand-route » de Cahors à Rodez (voie romaine par la suite) B (?) – Chemin de Vaylats à Caylus ( ?) C – Chemin de Cahors.
Cependant, tel que défini par les inventeurs, l’oppidum est petit (20 à 25 hectares), et il ne semble pas qu’il ait pu contenir, à l’intérieur de ses remparts, les milliers d’hommes des deux fuyards avec leurs animaux et leurs bagages.
Claude Delas propose une explication qui serre sans doute de près la vérité. Pour lui, Uxellodunum était, non un oppidum d’intérêt régional du pays cadurque, mais un repaire à l’écart des grands chemins, la maison forte d’un seigneur local un peu brigand à l’occasion (parent ou vassal de Luctérios), placée à l’extrémité ouest de l’éperon, à ce que les inventeurs ont appelé la « Citadelle » au dessus du confluent ; Les défenses destinées à abriter la gens dudit seigneur, étaient assez légèrement construites et n’enserraient qu’une surface réduite, limitée à l’Est au méridien 395 (voir carte N° 5 ci-après).
A l’arrivée des troupes de Drappès et Luctérios, la limite Est l’oppidum fut reportée plus loin, de façon à englober le surplus de population, et les bêtes qu’on ne pouvait plus laisser à l’extérieur. Le maître des lieux fut peut-être d’ailleurs incité à loger les nouveaux arrivants à l’extérieur de la surface restreinte de l’oppidum initial, par deux autres considérations : - D’abord parce que lui-même et ses clients n’ont pas été très chauds pour accueillir ces brigands dans leur citadelle et leurs chaumières, où leurs femmes, filles et biens, auraient été « à portée de main » de ces maraudeurs. Luctérios ne put qu’appuyer cette position. - Ensuite, par l’obligation d’occuper la cote 305 afin de ne pas la laisser aux Romains, si ces derniers arrivaient, et décidaient ultérieurement de donner l’assaut : sa position dominant l’oppidum, la rendait très dangereuse aux mains de l’ennemi (voir cartes 5 et 6).
Uxellodunum et son promontoire - Carte N° 5 - L’ensellement 294 fut laissé en glacis, séparant les défenses gauloises des éventuelles installations romaines. Le nouveau rempart fut construit en hâte, et sans doute sans l’appoint de maçons qualifiés : troncs d’arbres et branches entrelacées avec bourrage intérieur en pierrailles et terre.
C. Caninius rejoint les fugitifs et, se rendant compte qu’avec deux légions il ne peut ni enlever la place de vive force, ni l’investir entièrement, il se contente de s’installer en trois camps, situés « en position très élevés», puis il entame la construction d’une contrevallation (VIII, 33). Ces camps sont : Aubrelong [1] camp principal, un camp [N° 2] barrant, à Cournoulas, le promontoire de l’oppidum en direction de Jamblusse, et – selon nous – un emplacement sur le Pech-Sec [3]. Les deux premiers sont quasi obligatoires, le Pech-Sec (qui avait en outre l’avantage de barrer un vieux chemin venant de Cahors) est le plus probable : Un emplacement sur les plateaux Sud aurait été très isolé.
Ce sont vraisemblablement ces plateaux dominant au sud le Poux Nègre, que se verra ultérieurement affecter Fabius, avec en plus, la mission de verrouiller la Combe de Cahors. Voyant commencer des travaux de contrevallation, les habitants et Luctérios, évoquant le souvenir d’Alésia, redoutent la famine et décident d’aller chercher du ravitaillement pendant qu’ils peuvent encore sortir.
Les deux chefs laissent 2000 de leurs guerriers dans la place, et descendent vers la plaine de Caussade, pour y ramasser des blés (VIII, 34). Profitant de l’éloignement des campements romains, ils réussissent certainement à introduire de nuit plusieurs convois dans l’oppidum, avant que les légionnaires ne se rendent compte de ces ravitaillements, puisqu’Hirtius dit qu’à l’arrivée de César, les habitants auront des vivres en quantité suffisante pour soutenir un long siège (VIII, 40). Pendant cette période, les Romains sont l’objet de harcèlements de la part des Cadurques de la région, peut-être justement pour créer des diversions au moment de l’entrée des convois, et/ou pour retarder les travaux (VIII, 34).
Cependant, Caninius finit par être informé et réagit avec efficacité : il monte et réussit une embuscade sur le dernier convoi (mauvaise coordination gauloise? trahison ? ou plus probablement à notre avis, confiance excessive, les réussites précédentes ayant fait négliger les précautions indispensables ?) : les marchandises sont saisies, les soldats gaulois – d’après Hirtius - massacrés, et Luctérios s’enfuit (VIII, 35).
Caninius, apprend que Drappès est resté, avec d’autres convoyeurs, à Roussal sur les bords de la Lère à 15 Km. (Il y a une obscurité dans le texte concernant la distance entre le camp et le bivouac de Drappès : dix, ou douze milles, 15 ou 18 kilomètres ?). Il répartit une légion à la garde des trois camps, et avec la seconde, fond sur le campement du Senon, le fait prisonnier, et – toujours d’après Hirtius - massacre ses hommes (VIII,36). En réalité, une partie des Gaulois a dû s’enfuir et rejoindre ultérieurement l’oppidum.
C. Fabius arrive le lendemain avec deux légions et demi, et Caninius lui attribue un secteur d’investissement, très probablement sur les plateaux dominant au sud le Poux Nègre. Profitant de la diminution de la garnison gauloise et de l’augmentation de leurs effectifs qui, d’une part leur permettent de disposer de main d’œuvre, et d’autre part les débarrassent des harcèlements extérieurs, les deux légats s’attaquent énergiquement à la contrevallation (VIII, 37).
César arrive quelque temps après, avec sa cavalerie, tandis que le légat Q. Calenus le suit à marches normales avec deux légions. Le proconsul est pressé d’en finir : cette campagne devrait être la dernière de son mandat, qui légalement, se termine en mars 50, même si l’accord de Lucques, passé avec Pompée, lui laisse jusqu’à la fin de l’année suivante. Cette bataille va finir par mobiliser à Uxellodunum, la moitié de l’armée romaine en Gaule. Voyant terminée la contrevallation, et apprenant que les Gaulois disposent d’un important ravitaillement, le proconsul, malgré sa hâte, élimine la solution de l’assaut, et décide de poursuivre le siège en essayant de réduire la place par la soif.
En temps normal les puits (dont peut-être l’aven proche de la « Citadelle ») et les deux sources (dont la fontaine de Saint Alby) devaient suffire aux besoins de la population, sous réserve d’abreuver au passage de la rivière, les bêtes qu’on rentrait le soir intra muros. Ce n’est qu’à la suite des mesures prises par César, et à cause du surcroît de population entraîné par la présence des guerriers survivants de l’armée des fuyards, que les ressources en eau s’avérèrent insuffisantes, d’autant que les troupeaux et la cavalerie devaient maintenant être abreuvés à l’intérieur des remparts.
Les Romains interdisent, grâce à leurs archers, leurs frondeurs et leur artillerie, les accès habituels à la rivière, au bas des pentes relativement douces situées à l’extrémité ouest du promontoire (au dessus du « Pont du père », à proximité du confluent et près de l’actuelle entrée NW, au nord de la « Citadelle »). Aux yeux des Romains, il ne reste aux Gaulois (VIII, 40) qu source qui jaillit en dessous du rempart Sud-Est. La source tarie. Ne pouvant empêcher les assiégés d’utiliser cette source, trop éloignée de ses postes de tir, il décide de construire, dans la boucle du Poux Nègre d’environ 90 m. de diamètre, qui se trouve juste en dessous, une plate-forme de 20 mètres d’épaisseur, surmontée d’une tour de dix étages, qui placera ses tireurs au niveau de l’objectif, et du haut de laquelle il pourront, grâce à leurs balistes, interdire – de jour - aux habitants, l’accès à l’eau ; il protège les ouvriers par des mantelets qu’il pousse sur les pentes, au-dessus du chantier. (VIII, 41).
Parallèlement, hors de vue des assiégés, et à leur insu (VIII, 41), César tente de faire creuser des tunnels (Hirtius parle de Cuniculos, au pluriel) en divers endroits des pentes du plateau, et des trous
dans le lit des rivières, pour essayer, en captant les eaux souterraines, d’assécher la source à laquelle il voit s’abreuver les défenseurs.
César n’était pas certain que ces fouilles allaient donner un résultat décisif, sinon il n’aurait pas entrepris le labeur dantesque d’ériger une tour de dix étages, qui, de plus, lui a coûté des morts et des blessés : Il est difficile de croire qu’il a sciemment sacrifié des légionnaires, dans le seul but d’empêcher les Gaulois de s’intéresser à des ouvrages qui risquaient de s’avérer inopérants. Orose place ces travaux de mine à l’abri de la plateforme, c'est-à-dire directement sous la source gauloise, mais il n’a sans doute jamais vu le terrain, et il écrivait au cinquième siècle. A cause de cette affirmation, cet auteur est à l’origine, semble-t-il, du succès du site de Capdenac. Ce sont peut-être les traces de ces travaux que l’on voit aux deux excavations de la chapelle de Saint-Alby et à la résurgence appelée « Fontaine des Chartreux », au pied du Pech-Sec. Le siège - Carte N° 7 - En traits gras, ce qu'on voit à Cantayrac.
Les galeries de mine ou les puits qu’il fait entreprendre sur les plateaux, à l’est de l’oppidum, ne donnent probablement rien, le calcaire étant trop dur. Seules les tentatives dans le cours des rivières et sur les failles permettent d’espérer un résultat : en particulier, il fait agrandir les suintements de la faille de Saint-Alby, pour tenter d’attaquer, à environ 200 mètres de l’entrée, l’alimentation des eaux de la source du rempart sud.
Les Gaulois essaient de détruire la tour, dont les tirs les empêchent d’accéder, durant la journée, à la source Sud. Pour ce faire, ils lancent des tonneaux enflammés sur la pente descendant sous la fontaine, et parviennent à incendier à la fois la tour et la plate-forme qui la soutient.
Puis, par les tirs qu’ils effectuent depuis le ressaut qu’on voit encore entre la source et la boucle du ruisseau (VIII, 42), ils empêchent les légionnaires d’éteindre l’incendie
Nota Orose semble dire (VI, 25) qu’un remblai a été construit pour protéger les travaux et les travailleurs, et que lors de l’attaque avec les tonneaux, les Gaulois entreprirent la démolition de cette défense (VI, 27). C’est possible ! Hirtius parle seulement de protections mobiles (vineas). Ce qui parait probable, c’est que les superstructures de la plate-forme, sur laquelle était construite la tour, étant en bois, le feu s’est propagé aussi bien à la tour elle-même qu’aux poutres du soubassement qui soutenaient l’édifice. Au passage, les tonneaux durent aussi démolir quelques mantelets.
César fait alors donner l’ordre à toutes les troupes de siège, de simuler un assaut généralisé en l’accompagnant de grandes clameurs (VIII, 43). Les Gaulois sont obligés de relâcher leur pression sur la tour, et de courir aux remparts. L’effectif guerrier diminué par la défaite des deux rebelles, l’extension de l’oppidum jusqu’à la cote 305, et le caractère rustique d’une partie des fortifications obligeait les survivants, en cas d’attaque, à cette présence sur le périmètre défensif. L’arrêt des tirs gaulois sur la tour permit aux Romains d’éteindre l’incendie.
La résistance se prolonge jusqu’au jour où les affouillements conduits notamment dans la faille de la fontaine de Saint-Alby, parviennent à supprimer la pression interne des eaux alimentant la source Sud, dont le débit diminue, puis s’éteint. En même temps sans doute, les puits s’assèchent également.
Seul un système karstique, et de petites dimensions, peut expliquer le dénouement de ce siège. Dans un autre terrain, il eût été impossible - comme on nous le raconte pour d’autres sites qui se réclament d’Uxellodunum - de persuader des légionnaires d’aller, 200 mètres sous terre, percer par en dessous, une énorme poche d’eau qui ne pouvait, s’ils réussissaient, que les noyer sous une cataracte.
Les excavations pratiquées dans les cours d’eau, éventuellement sur les plateaux, et l’agrandissement des suintements/fissures au fond de la fontaine de Saint-Alby et peut-être ailleurs, ont touché la réserve alimentant la source de la pente sud, et ont progressivement vidé ce « réservoir » de la « pression d’Archimède » qui y régnait. Le résultat fut sans doute lent et se fit peut-être attendre plusieurs jours, malgré ce que pourrait laisser penser le raccourci du texte.
Les Cadurques, ignorant ces travaux, voient, dans ce (ou ces ?) tarissement(s), la preuve que leurs dieux les ont abandonnés : ils se rendent (VIII, 43).
César fait couper les mains des défenseurs dont plusieurs vont, d’après la légende, se suicider dans le lac des Noyades; Drappès se laisse mourir de faim en prison, et Luctérios est livré aux Romains par l’Arverne chez lequel il s’était réfugié (VIII, 44).
2 / Quelques questions et des réponses possibles.
a) Pourquoi César n’a-t-il pas donné l’assaut ?
L’oppidum est petit (entre quinze et vingt hectares, trente cinq environ après l’arrivée de Luctérios), il est doté de défenses naturelles, mais il ne s’agit pas là d’une citadelle d’aspect inexpugnable. L’abrupt des pentes ne présente pas de rochers à pic (sauf au Sud-Est de la cote 305, à un endroit qui ne défend que l’intervalle entre l’oppidum agrandi et les positions romaines) et n’a rien à voir avec la difficulté des pentes qui entouraient par endroits Alésia. Puisque le Romain était pressé, un assaut aurait dû régler le problème, grâce aux effectifs dont il disposait (six légions et demi, soit plus de 30.000 hommes bien entraînés) contre une poignée de défenseurs, en majorité des amateurs. Une attaque d’Uxellodunum « à la Russe », avec renouvellement des vagues d’assaut, eût fini par avoir raison de la défense. Une telle décision eût de plus, éliminé les maladies qui décimaient inévitablement, comme à l’époque moderne, les troupes de siège. Le périmètre fortifié – même avec l’extension destinée à loger les supplétifs de Drappès et Luctérios - ne donne pas une ligne très longue, et la seule difficulté, à Cantayrac, pour conduire une attaque généralisée, est de trouver un point d’où on puisse avoir une vue d’ensemble de la bataille, afin de faire donner les réserves aux endroits et aux moments nécessaires. Il est vrai cependant que les barèmes de la poliorcétique sont gros consommateurs d’effectifs : Vauban, plus tard, considèrera que pour réduire une petite place bien protégée (siège puis assaut) de 500 défenseurs, il fallait 20.000 hommes (40 pour 1). Les proportions diminuent ensuite à mesure que croît l’importance de la place, mais restent tout de même importantes : une grosse place (3000 h.) aurait encore demandé du 15 ou 20 pour 1, ce qui totalise quand même de 50 à 60.000 soldats. Uxellodunum, avec ses 2 à 3000 guerriers restant, eût nécessité, d’après ces calculs, environ 50.000 assaillants.
Un assaut avec un effectif moindre eût donc occasionné des pertes importantes, et César, outre qu’il avait des comptes à rendre au Sénat et au peuple romain, veillait à économiser ses légionnaires, (dont il entretenait d’ailleurs une partie à ses frais). Il avait déjà perdu beaucoup de monde l’année précédente à Gergovie et Alésia, ses effectifs n’avaient sans doute pas été complètement refaits par le supplémentum de l’hiver 52/51, et les débuts de la campagne de 51 les avaient encore diminués De plus, il sentait venir un affrontement avec Pompée, et allait avoir besoin de toutes ses troupes, qui, en cas de guerre civile, ne lui seraient pas recomplétées : Il ne pouvait donc, ni les gaspiller inutilement, ni déclencher un sentiment de révolte en les sacrifiant dans un combat sans portée stratégique, alors qu’il existait peut-être une solution moins sanglante! Le souvenir de Gergovie a sans doute pesé sur sa décision. Là aussi il était en présence d’un oppidum qui paraissait accessible, plus grand certes que celui-ci, mais il avait mis en œuvre des mesures destinées à éloigner les défenseurs arvernes : il a donné l’assaut et a subi le plus grave échec de sa carrière.
Car l’armée romaine n’était entraînée que pour le combat en bataille rangée. Les légionnaires, comme la plupart des soldats des armées de l’antiquité, combattaient seulement « dans le rang » : les embuscades, les franchissements en présence de l’ennemi, les assauts de points défendus par un obstacle, ou les attaques de places fortes, en rompant les alignements et isolant les combattants, supprimait les avantages de l'entrainement, apeurait les légionnaires et entraînait des paniques. Les Romains se sont toujours méfiés de ces cas incertains et les ont en général évités : - soit en se retirant : César (BG VII, 19) devant les défenses du camp gaulois, durant le siège d’Avaricum, Labienus (BG, VII, 58) à son arrivée devant le marais nord de Lutèce, - soit en montant une manœuvre pour en éliminer les inconvénients : Labiénus pour traverser la Seine à Lutèce (VII, 60), César au franchissement de l’Allier (VII, 35), et plus tard avant l’assaut de Gergovie (VII, 45), - soit encore en choisissant une solution différente, lorsque César, à la bataille de l’Aisne, n’envoie que ses auxiliaires et sa cavalerie contre les Belges sur les gués (BG, II, 10), puis lors de leur retraite (II, 11), ou lorsqu’il attend que Vercingétorix ait quitté l’Ain, après l’embuscade de cavalerie de Crotenay, pour franchir cette rivière (VII, 68), - ou encore lorsqu’il préfère la solution du siège, devant Alésia.
C’est aussi le choix qu’il a fait ici, à Uxellodunum. b) Pourquoi y a-t-il deux mesures (10 et 12 milles) mentionnées pour la distance du camp de Drappès (VIII, 35 et 36) ?
L’explication traditionnelle est que l’oppidum était situé entre l’embuscade et le camp de Drappès, ce qui situerait le traquenard en gros dans la vallée des Hommes Morts (ruisseau de Saint-Alby, voir carte du siège N° 7). Cependant cette explication n’est pas satisfaisante : il a fallu une raison pour inciter Luctérios à faire le tour de l’oppidum, en venant du Sud où paraissent se trouver, à l’époque, les possibilités d’emblavures ?
- Peut-être les chemins d’accès par le Pech-Vert étaient-ils plus aisément praticables de nuit, pour des animaux bâtés, que les sentiers directs arrivant par Malabro ? Où encore les itinéraires arrivant par le Nord étaient-ils mieux camouflés et plus discrets que ceux du Sud, trop découverts ? Mais en dehors de l’inconvénient de défiler avec une caravane entre les deux camps ennemis d’Aubrelong et du Pech-Sec, le début de contrevallation déjà entamée devait relier entre eux les trois camps, et gêner les passages par le Nord. - Peut-être aussi cette localisation pourrait-elle signifier que Caninius a placé son troisième camp au sud du Poux Nègre ? Mais dans ce cas, Lucterios serait rentré directement par le Pech-Sec et la « Citadelle », et la distance aurait été de nouveau de dix milles. - Une autre explication plus plausible pourrait être que la distance a été calculée dans le récit, la première fois pour Luctérios, à partir de l’oppidum, et la seconde à compter du camp d’Aubrelong, PC de Caninius où se déroula l’« interrogatoire » des prisonniers, et d’où partit, en faisant le tour de l’oppidum, la légion d’intervention. - En 1952, le lieutenant Bertrand Frédefon, adjoint au commandant du camp de Caylus et membre de la société archéologique du Tarn et Garonne, donne une quatrième explication, plus originale : ce n’est pas XII milles qu’il faudrait lire au chapitre 36, mais VII, suite à des erreurs de copistes. Et il explique - pourquoi pas, après tout ? - en début de nuit, le départ, d’un point de rassemblement situé à 15 kilomètres (dix milles) de l’oppidum, d’un convoi avec Luctérios, tandis que Drappes, soit parce qu’il a attendu le reste des livraisons, soit à cause du temps d’écoulement nécessaire à ce convoi pour entrer dans l’oppidum proprement dit, part plus tard et, à l’aube, s’installe à 10 kilomètres (sept milles) d’Uxellodunum, dans un endroit camouflé, à coté d’une rivière, pour attendre la nuit suivante.
- Enfin, Hirtius, s’il y est venu, n’est sûrement arrivé à Uxellodunum qu’avec César. Son récit est parfois confus, avec des obscurités et des redites, et moins précis peut-être dans la partie précédant le bouclage de la ville, que dans son récit de la phase finale du siège. S’il avait été témoin de toutes les péripéties de cette campagne, nous pourrions, qui sait ? déduire plus facilement l’endroit où s’est déroulée l’embuscade, et l’emplacement du camp de Drappès.
c) Pourquoi la source n’a-t-elle pas été incluse dans les remparts, puisqu’elle semble avoir été si importante pour les besoins de l’oppidum ?
Même l’agrandissement de l’oppidum vers l’Est, à l’arrivée de la troupe des fuyards, a laissé la source tarie à l’extérieur du rempart. Il y a quatre raisons qui peuvent expliquer que l’on n’ait pas jugé utile de faire passer le rempart sous la source. - D’abord elle n’était – en temps normal - utilisée que de jour, et aucun ennemi ne pouvait se camoufler sur la pente, à proximité. - La source se situe à la crête militaire de cette partie du versant, et la construction d’un mur sur une pente aussi prononcée que celle qui se trouve en dessous, aurait posé des problèmes de solidité peu faciles à surmonter. - Une telle solution de surcroît, aurait nécessité l’évacuation à travers le mur de l’eau sortant de cette fontaine, dont le débit variait avec la saison, créant ainsi un point de fragilité dans une muraille déjà malaisée à construire solidement. - Enfin, la situation de ce point d’eau, même hors les murs, le rendait inaccessible aux entreprises hostiles des ennemis que pouvaient craindre les occupants d’Uxellodunum : Ceux-ci se situaient plus dans la gamme des brigands de grands chemins, que des armées régulières. La preuve en est que César lui-même, avec six légions, n’a pu en interdire l’accès (et rien ne prouve qu’il y soit parvenu), qu’en hissant sur une tour de taille extravagante - qui fut d’ailleurs en partie incendiée par les défenseurs - des armes lourdes, en service seulement dans les légions.. d) Un flumen ou deux flumina ?
Hirtius écrit, (VIII, 40) - du moins la traduction de Constans - qu’une « rivière coulait au milieu d’une vallée profonde qui entourait presque complètement la montagne… » Certains ne veulent y voir qu’un seul flumen, formant donc un méandre, à l’intérieur duquel serait situé Uxellodunum. Or, dans cette province du Quercy, qui abrite obligatoirement Uxellodunum, tous les méandres un tant soit peu importants, présentent au moins une rive intérieure basse, incompatible avec la description donnée par Hirtius au chapitre 40. Comme le fait remarquer le chef de bataillon Réveille dans son portrait-robot (Cf. Chapitre VIII), c’est la vallée qui entoure l’oppidum et non une rivière. Hirtius écrit qu’un cours d’eau « divisait (flumen infimam vallem dividebat) une vallée profonde qui entourait .. ; » A Cantayrac, nous voyons deux ruisseaux, ceux de Cantayrac et du Poux Nègre, qui forment la Lère après leur confluent, et dont les vallées (celle du Poux Nègre est très encaissée) entourent de près, sur trois côtés, la croupe qui abrite Uxellodunum. Hirtius a écrit le livre Huit de la Guerre des Gaules, après les Ides de Mars, et avant sa propre mort (avril 43), en s’appuyant sur les rapports des légats, et peut-être sur ses propres souvenirs. Mais rien ne prouve qu’il soit venu à Uxellodunum. La tradition en fait un secrétaire du proconsul, mais sa nomination ultérieure comme consul en 44, lui donne un rang plus élevé dans la suite de César, que celui d’un simple employé de bureau : peut-être était-il quelque chose comme son chef d’état-major ? Si c’est le cas, sa mission devait être soit d’assurer le soutien du reste de l’armée (cinq légions), soit de diriger la logistique et les déplacements des troupes du Quercy. Si donc il a accompagné le proconsul, il est probablement arrivé à Uxellodunum avec le dernier contingent, et n’a, par conséquent, assisté qu’à la dernière phase de la bataille. Ses occupations, en outre, ont dû lui laisser peu de loisirs pour aller faire le tour des popotes, et examiner en détail la topographie des lieux et des vallées. Il faut remarquer d’ailleurs que, vu de la croupe d’Aubrelong, probablement camp principal du siège, l’oppidum semble entouré par une seule vallée, et qu’on peut facilement croire que celle-ci appartient à un seul flumen. Sans compter que les Latins (comme beaucoup de peuples, et encore aujourd’hui au fond de certaines provinces françaises), désignaient par un nom de baptême unique, une rivière et les affluents qui, près de sa source, formaient le cours d’eau : - Voyez les sources de la Loire, et demandez aux paysans du coin quelle est la véritable source du fleuve, parmi les ruisselets qui sortent du massif du Gerbier des Joncs ! - Et regardez cette rivière, qui ne s’appelle aujourd’hui la Lère (et encore, « Morte ») qu’à partir du moulin de la Veyrière, mais qui, il y a deux mille ans portait peut-être ce nom à partir des sources de Crouzelles, du Poux Blanc, aussi bien que de celles du ruisseau de Saint-Alby.
IV / ALORS, FAUT-IL PLACER UXELLODUNUM A CANTAYRAC ?
(Claude Delas et Marc Terrasson) Tout d’abord il faut noter que, pour identifier le site d’Uxellodunum, il faudra s'appuyer sur un maximum de points correspondant au portrait robot, plutôt que sur des vestiges de constructions militaires datables de la conquête. En effet, depuis deux mille ans, l’érosion, la sédimentation, le pourrissement de tout ce qui était aménagé en bois, les changements politiques, les catastrophes et les travaux humains, n’ont pu que faire disparaître les constructions cadurques de l’époque, et les travaux romains.
A / Que retrouve-t-on sur le terrain, qui réponde au texte d’Hirtius ? (Cf. ci-après la carte des vestiges N° 9)
-1°/ Les sources et traces de fouilles : la fontaine de Saint-Alby (H), avec son souterrain et les coups de pioche qu’on distingue sur ses parois, la source tarie (G) sur le versant Sud, les trous, fourfouls, puits et avens, dont peut-être un puits comblé au dessus de la source tarie (Lorsque les veines d’eau eurent été asséchées, ces ouvertures, qui ne constituaient plus qu’un danger pour bêtes et gens, durent, au cours des siècles suivants, être bouchées, si elles ne s’étaient pas colmatées toutes seules.. L’aven (N), par contre, que les dix-sept mètres de sa cavité rendaient difficilement comblable, avait une ouverture suffisamment étroite pour avoir pu être facilement couverte). Avec, aussi, le système des résurgences, dont celles du moulin de la Veyrière (L).
-2°/ L’emplacement de la tour (E) dans le méandre du Poux – ou Pous - Nègre, (Pous vient de Doux, en patois local = résurgence ou fourfoul) juste en dessous de la source, dans une configuration et avec des altitudes qui confirment la description d’Hirtius, ainsi que les restes d’une carrière à proximité, sur la rive sud du ruisseau, d’où ont probablement été extraites la terre et les pierres qui ont servi d’assise à la plate-forme.
-3°/ L’emplacement du pont du Père (R), sur le poux Nègre. En avril 2008, le RP Itard nous a montré, entre la citadelle et l’aven, l’emplacement – bien visible dans les années 50, lorsque les inventeurs ont découvert le site - d’une porte de l’oppidum, d’où un chemin descendait vers le Poux Nègre, qu’il franchissait par un gué, au milieu duquel se trouvait une aiguille rocheuse plantée au centre de la rivière. Celle-ci faisait pile pour installer un pont à hauteur d’un ressaut de la rive gauche, où aboutit un chemin (S) qui monte sur le plateau de Malabro, et rejoignait la vieille route de Cahors. (Voir Carte N° 8). Cette aiguille rocheuse a disparu, sans doute descellée par le courant et perdue dans les alluvions et les dépôts du lit. On peut voir également, au-dessus du passage, les vestiges (W) de ce qui a pu être un petit castellum - plutôt poste de guet. Ce passage pourrait marquer le chemin pris nocturnement par Drappès et Luctérios pour introduire les convois de blé dans l’oppidum, les bêtes étant soit déchargées sur la rive gauche du Poux, et les sacs remontés à dos jusqu'à la ville, soit traversées à gué, peut-être à vide afin de ne pas mouiller la récolte, puis rechargées sur la rive droite pour la grimpette. De toutes façons, cette traversée de nuit, les récriminations des bêtes, et les jurons des muletiers, ont pu faire suffisamment de bruit pour alerter des patrouilles romaines battant l'estrade dans le coin (le plateau de Malabro et le castellum repéré sur la rive gauche, n’étaient probablement pas encore occupés), et déclencher, ultérieurement, à distance des renforts possibles de l’oppidum, une embuscade sur le convoi suivant. Les vestiges, non datables, de ce passage aménagé militent sans doute en faveur d'une occupation du site, plus importante que n'ont pu en apporter les deux villas gallo-romaines (P), dont les ruines dominent la source tarie.
Ce pont, pour être encore partiellement visible dans les années 50, a probablement été installé (ou remis en état ?) par les ermites, dont on voit, juste en aval de la tour, les traces (T) du bief qu’ils avaient construit pour y placer un moulin, et plus haut de petites terrasses de culture qui parsèment les berges basses du Poux Nègre. Nota. Un ermitage, occupé par des Chartreux catalans, s’est installé vers le XVI° siècle dans la vallée du Poux Nègre. Il a dû en partir peu de temps avant que l’armée ne loue le terrain pour en faire un champ de tir. Il dépendait des moines installés à La Chapelle Livron, lieu de pèlerinage dont l'origine remonte au Moyen Âge.
- 4°/ Des vestiges de fortifications gauloises à la pointe sud-ouest du promontoire, ce que les inventeurs du site ont appelé « la Citadelle » (J), murs qui semblent trop importants pour n’être que des restes de travaux agricoles ou de constructions civiles. D’après le RP Itard, leur aspect plat aurait étonné des archéologues venus examiner le site : D’habitude, les ruines sont de hauteurs différentes, mais celles-ci sont d’altitude uniforme comme si elles avaient été volontairement arasées. Ils en avaient déduit qu’après la reddition, la ville avait été détruite, et la population survivante déportée (à Mirabel, pense le Père Itard). La démolition dut être facile pour les maisons individuelles en bois (une allumette de l'époque a fait l’affaire), et pour les murailles à parements appareillés de pierres sèches avec remplissage, mais demanda pour la « Citadelle », maçonnée à mortier, un travail plus important, qui fut abandonné lorsqu’il ne resta plus que des moignons de murs. Hirtius ne parle pas de cette suppression de l’oppidum, César ne raconte rien non plus de la destruction d’Alésia, mais Florus dit qu’il l’a incendiée. C’était sans doute, à l’époque, chose si naturelle, qu’Hirtius n’a pas jugé nécessaire de la mentionner.
Par contre, nous n’avons trouvé aucune trace identifiable des défenses qui devaient ceindre l’oppidum sur les faces Nord, Est et Sud. Cette disparition, après 2000 ans, des empreintes de remparts peut être attribuée à la nature rocheuse de la colline, qui interdit le creusement de fossés, mais permet la construction rapide de murs comportant deux parements et un remplissage, sur lesquels il était facile d’élever un parapet en bois.
Les Romains, pour leurs propres fortifications, ont parfois utilisé cette technique. La perte de ces vestiges peut, de plus, être due, au long des siècles, au remploi des pierres utilisables, après l’écroulement des murs, dans la construction des fermes et villages d’alentour, et l’édification des clôtures en pierres sèches que l’on voit encore sur toutes les collines, naguère destinées à enclore les troupeaux ou protéger les cultures.
Les inventeurs ont déclaré avoir repéré des traces de ces défenses gauloises, mais n’ont malheureusement pas déterminé avec précision les emplacements de ces trouvailles. Si l’on admet que les faces Nord et Sud, déjà défendues par la raideur des pentes, ont pu n’avoir besoin que de clôtures relativement légères, le coté Est, seul accès carrossable et presque de niveau, a obligatoirement porté un barrage sérieux de l’éperon de Cantayrac.
L’oppidum du Commandant Réveille -- EF = Limite de l'oppidum agrandi, selon le RP Itard -
Carte N° 10 CD = limite probable de cette extension de l'oppidum -
AB = Contrevallation ? Rempart Ouest du camp romain de Cournoulas ?
La fortification orientale de l’oppidum. Les inventeurs, dans l’article du Lnt-Col Réveille (Revue Historique des Armées, N° 3, 1958), ou dans le livre des RR PP Itard et Noché, placent un camp romain sur la cote 305 (appelée 304 dans le livre des RR PP jésuites). Cette hypothèse limite une surface sur laquelle il semble que n’aient pas pu tenir la troupe de Drappès et Luctérios avec leurs animaux de selle et de bât, (comme le signale Hirtius), en plus de la population normale de la place forte, de leurs troupeaux et bêtes de somme, et de certains habitants des alentours venus s’y réfugier C’est le tracé délimité par un trait hachuré noir appelé rempart dans le croquis N° 10, ci-dessus. Il donne une contrevallation indiquée en rouge sur le même croquis. Le Père Itard pense que l’oppidum, après l’arrivée de Drappes et de Luctérios a été poussé jusqu’à la ligne EF, marquée par un double virage en manivelle de la route centrale. Nous n’avons trouvé aucune trace validant cette hypothèse, qui a par ailleurs le défaut de mettre la limite orientale de l’oppidum agrandi, sous la surveillance et le « commandement » de la cote 305. Nous pensons que cette limite orientale fut poussée jusqu’aux environs de la ligne CD (où nous n’avons d’ailleurs rien vu de significatif), et que les Romains construisirent de l’autre coté de l’ensellement 294, un « rempart » ( ?) AB, dont les vestiges sont visibles, et qui peut être soit la contrevallation, soit la limite occidentale du camp barrant le promontoire.
Si l’hypothèse de Claude Delas est exacte, la disparition, au cours des siècles, de l’extension en bois de la fortification orientale, se fit sans qu’il soit besoin d’y voir la main du conquérant.
5°/ Les constructions romaines : - La contrevallation. Les inventeurs du site, qui ont eu l’occasion de passer du temps sur le terrain, à une époque où le bulldozer n’était pas encore très répandu, ont repéré des restes de castella en divers endroits des pentes extérieures des vallées entourant l’oppidum, notamment à des emplacements proches de pentes douces descendant vers la rivière (voir croquis page 388 de l‘ouvrage cité, et carte N° 6 des débuts du siège) Ils parlent également de vestiges du vallum visibles sur les pentes extérieures des ruisseaux, et d’autres, repérables sur photos aériennes. En avril 2008, le RP Itard nous a montré l’emplacement d’un castellum (O), (Carte n° 7) bien identifiable dans les années 50, mais arasé aujourd’hui par les travaux routiers et l’endiguement du marais proche du confluent. Cet endroit est tactiquement bien placé pour contrôler une des entrées de l’oppidum, et le carrefour de chemins situé entre le Pech-Sec et la croupe d’Aubrelong. Il nous a parlé aussi d’un second castellum (W) qu’il nous a indiqué au dessus du pont dans le Poux Nègre sous Malabro, dont nous avons retrouvé le possible emplacement, parfaitement placé pour contrôler le passage.
Il faut noter que la taille de ces ouvrages les range plutôt dans la catégorie des postes de guet (bien que nous ne sachions pas grand-chose sur les dimensions réelles des castella, pas plus que sur l’emploi précis qu’en faisaient les Romains), ce qui impliquerait une utilisation de la contrevallation, davantage comme ligne d’alerte que comme fortification d’interdiction.
Les traces du siège. Carte N° 11 -
- Les camps.
Quelle a été la ventilation des cohortes entre les trois camps, à l’arrivée des deux premières légions ? - 10 cohortes à Aubrelong, 6 sur le promontoire et 4 au Pech-sec ? - ou 9, 6, 5 ? Ou encore 8, 6, 6 ? Une autre ? Difficile de trancher ! Peut-être la première ?
A mesure de nos recherches nous nous sommes aperçus que, d’une part, les camps repérés étaient plus éloignés de l’oppidum que nous ne le prévoyions, d’autre part que les castella, parsemant la contrevallation étaient d’une taille réduite qui en faisait des postes de surveillance et d’alerte, plus que des garnisons d’intervention. Nous pensons donc qu’il a existé, entre les camps et la contrevallation, des postes intermédiaires où étaient placées des troupes d’alerte, chargées d’intervenir sur tout incident se produisant sur la ligne d’investissement : tentatives de franchissement, abreuvoirs, harcèlement, etc.… Les détachements chargés de ces missions étaient sans doute relevés régulièrement, la tenue d’une alerte permanente usant assez vite la troupe.
Le tracé du camp du Pech-Sec, qui est pour nous un des trois camps de Caninius, a été bien décrit par les inventeurs, avec un bastion – très repérable encore aujourd’hui - dominant le moulin de la Veyrière, qui contrôle le coude de la Lère Morte et le chemin qui court au fond du vallon. L’agger de ce camp, dont on voit encore des vestiges, en particulier au dessus de la Veyrière (F), épouse de près les contours du sommet de la colline sur laquelle il est construit. Les Romains ont peut-être utilisé le tracé d’un ancien rempart préceltique : Le R.P. Itard nous a dit avoir vu , dans la partie nord du Pech-Sec, des vestiges de cabanes ligures, restes d’un hameau néolithique qui avait pu vouloir se protéger par des fortifications édifiées sur le rebord du plateau. Installé, à l’arrivée de Caninius, dans une situation exposée avec un effectif inférieur à une légion, son commandant a sans doute voulu tirer parti au maximum de la topographie et des restes des époques antérieures, pour étayer ses défenses, ce qui expliquerait le tracé irrégulier de ce camp. Sa garnison fut éventuellement renforcée après l’arrivée de César - peut être par l’installation, là et au Pech Vert, d’une légion de Q. Calenus.
Du camp d’Aubrelong, très probablement camp principal jusqu’à l’arrivée de César et sans doute après, nous avons vu deux agger sous forme de murs importants : - L’un, au nord du château, (A) repéré sur 300 à 400 mètres, présente une base de deux mètres de large. Il ferme vers le nord en direction de Varaire, le promontoire d’Aubrelong, et s'infléchit à l'Ouest pour suivre la courbe de niveau. L’autre, sur le versant sud, face à l’oppidum, (B) montre une orientation NW-SE. Mal placé pour n’être qu’un simple Brachium, il ne peut appartenir à la ligne d’investissement : La contrevallation - pour rendre efficace du coté nord les interdictions de sortie et d’accès à l’eau - a dû être tracée le long de la rive droite et peu au-dessus du ruisseau de Cantayrac. Ce mur pouvait constituer le rempart Sud-Ouest du camp d’Aubrelong, dans sa partie méridionale; à l'Est, il s'infléchit également suivant la courbe de niveau. Ce camp principal aurait présenté, d’après les inventeurs, une forme irrégulière et une surface inhabituelle à cette époque ; Il faut considérer qu’il a sans doute été, même après l’arrivée du proconsul, le poste de commandement du corps d’armée romain, en raison de sa position dominante et des facilités qu’il offrait aux liaisons avec l’arrière, par rapport aux autres cantonnements. Ce camp initial de Caninius, piqueté au début pour un effectif d’environ une légion, aurait subi des agrandissements et pu, au moment de la reddition, compter deux unités ou plus, et abriter en outre, l’état-major de César et les services. Cependant le terrain – et la situation tactique après l’arrivée de César - n’imposent pas un agrandissement du camp obligeant à en tordre le tracé au point où l’ont porté les inventeurs : Il était plus facile, et davantage dans les habitudes de l’armée romaine, soit de l'agrandir par un ou plusieurs cotés, soit d’installer un camp voisin – à périmètre régulier - jouxtant au besoin le premier.
Le camp du Promontoire. Ce fut certainement, après l’installation de la base de Caninius à Aubrelong, l’emplacement piqueté en priorité, car sa mission allait être d’isoler l’oppidum des routes principales, et de ne laisser aux défenseurs – provisoirement - que les sentiers muletiers de l’Ouest pour leurs liaisons et leur ravitaillement. Son tracé exact, n’est pas connu. Les inventeurs avaient opté pour un oppidum de petites dimensions, et un camp romain placé sur la colline 305, très proche de l’oppidum. Aucun vestige ne nous est apparu, sur ce mouvement de terrain, pouvoir être attribué avec certitude à une fortification de camp romain. L’autre hypothèse, d’un oppidum agrandi, après l’arrivée de Drappes et Luctérios, jusqu’à englober la cote 305 - hypothèse plus plausible - donne un camp romain bâti sur le mouvement de terrain du Cusoulet / Cournoulas, séparé des fortifications gauloises par l’ensellement 294, naguère réceptacle de la DTAT (Direction Technique de l'Armée de Terre).
Nous avons trouvé, sur les pentes Sud-ouest du Cusoulet, dans un bois à végétation ancienne, un talus (D), de trois mètres de large environ à la base, et d’un peu plus d’un mètre de haut, perpendiculaire à l’axe du promontoire et situé en haut d’une dénivelée d’environ trois à cinq mètres d’altitude. Nous y avons repéré trois protubérances espacées d’environ 70 mètres, qui auraient pu servir de socle à des tours, surveillant le glacis le séparant de l’oppidum gaulois.
Ce talus peut représenter les restes d’un vallum de camp romain, dont les palissades auraient bien entendu disparu. Sa position sur la partie basse de la pente pourrait marquer la volonté romaine de placer le camp le plus près possible de l’oppidum, pour remplacer, à cet endroit, la contrevallation et en diminuer ainsi les travaux. Ce talus pourrait être plus probablement un reste de la contrevallation elle-même, le mur sud-ouest du camp aurait alors été situé plus haut sur la pente, et aurait, soit disparu, râpé au bull pour dégager le réceptacle de mortiers du Cusoulet, soit été camouflé dans les bois à proximité d’une des ruines proches de la cote 307, suivant la situation de ce camp. Un mur (C1) identique à celui qu’on peut voir à l’Est d’Aubrelong, situé comme celui-ci à 70 mètres environ à l’ouest du vieux chemin de Vaylats à Caylus, a été trouvé à proximité de la cote 307, entre les trois chemins parallèles qui courent le long de la croupe de Cantayrac. Large de plus d’un mètre quarante, formé de deux parements avec un remplissage central, il peut difficilement être qualifié, vu son importance, de mur agricole. Il disparaît à proximité de la construction dont on voit les restes au bord du chemin qui mène à la fontaine de Saint-Alby, puis reparaît de l’autre coté de la route sur plus de 100 mètres. Ses pierres ont probablement servi à la construction des deux ruines que l’on voit à proximité. C’est peut-être le mur Est du camp romain qui fermait le promontoire. Le vieux chemin de Vaylats à Caylus qui le longe comme il borde le camp d’Aubrelong, aurait alors pu servir de voie de desserte entre les deux camps, peut-être aussi avec le camp implanté le plus à l’Est sur les plateaux sud du Poux nègre. Mais ce peut être aussi le mur occidental du même camp, qui chevaucherait alors la cote 307, (comme d’ailleurs le camp d’Aubrelong entoure la crête 317 qui portera plus tard le Château), au lieu d’être étalé sur la pente sommitale occidentale vers l'oppidum. Une recherche en mars 2010 nous a montré 350 à 400 mètres à l’est, un autre mur (C2), orienté à 03°, large d’1,80m environ, qui pourrait être le reste de la défense orientale de ce camp. Cela signifierait que les camps romains étaient plus éloignés de l’oppidum que nous ne le jugions tout d’abord et englobaient – parfois ? - la crête, au lieu de s’installer (toujours) sur la pente faisant face à l’ennemi, comme le préconisent beaucoup d’historiens. La forme trapézoïdale de ce camp, pour inhabituelle qu’elle soit dans la castramétation romaine, peut traduire le souci d’adapter à la pente du terrain, le périmètre défensif de cette installation.
Cette position détruit l’hypothèse émise sur une voie de desserte derrière les camps d’Aubrelong et de Cournoulas, mais rien n’affirme que ce vieux chemin de Vaylats à Caylus fût antérieur à la conquête.
Cette position en crête du camp de Cournoulas rend obligatoire une contrevallation proche de l'oppidum (peut-être le talus (D) découvert sur le bas du Cusoulet), renforce aussi l’hypothèse sur l’occupation de la cote 305 par les troupes de Luctérios, et, vu l'exiguïté des castella vus par nous ou repérés par les inventeurs, fait bien de ces derniers de simples "postes de surveillance".
Accessoirement, cela rend inutile toute recherche de traces de camps sur les crêtes militaires des plateaux de Malabro ou de la Donne : ils devaient être tracés au sommet, sur des terres un peu meilleures que celles des pentes, là où le travail des paysans pendant des siècles a nivelé les talus et comblé les fossés, et là où les bulls ont permis plus tard, de construire des champs de tir avec tranchées bétonnées et dispositifs de manipulation des cibles.
On n'a guère de chance d'y retrouver quoi que ce soit
Comment s’est installé Fabius avec ses deux légions et demie ? Un seul camp ? Plusieurs ? L’étendue du terrain situé au sud de l’oppidum, et les nécessaires liaisons avec les implantations de Caninius ont pu l’inciter à diviser ses troupes en plusieurs camps. L’un aurait été installé au Pech-de-la-Donne, en face du camp de Cournoulas et un autre à Malabro, celui-ci avec pour mission supplémentaire de contrôler les carrefours de chemins situés au bas de la Combe de Cahors, sous et à l’ouest de la Citadelle. Enfin un camp a pu être construit à Roumégous pour abriter les troupes qui – sûrement par rotation – construisirent et occupèrent la tour.
-6° / Les murs du chef de bataillon Boyer. Le CB Boyer nous a montré des murs ressemblant à ceux d’Aubrelong, situés au S.E de Jamblusse, près de la cote 359, cinq cent mètres à l’Ouest du mas de Gardou. Camouflés aujourd’hui au milieu des bois, ce sont des murs d’un à deux mètres de haut, de construction irrégulière et au tracé quelque peu ondulant. Sans doute trop importants pour être de simples clôtures agricoles, ils sont difficilement interprétables. Cependant, un vieux berger du Mas de Gardou, à qui L’A / C Bissay parlait de ces vestiges, lui a expliqué que les paysans, lorsqu’ils « décailloutaient » leurs champs, construisaient parfois des murs à parements et remplissage de petites pierres, afin de retrouver plus facilement les belles pierres, s’ils avaient ultérieurement l’intention de les utiliser pour leurs constructions. Murs romains, moins épais cependant que ceux d'Aubrelong ou de Cournoulas ? Représentant alors le camp des dernières troupes arrivées avec le proconsul, et/ou une implantation logistique à proximité d’une route conduisant vers la Province? Malgré la présence de deux points d’eau à proximité de ces murs, cela semblerait donner un camp très excentré par rapport au supposé PC d’Aubrelong – bien que nous ne sachions pas grand-chose de l’établissement des cantonnements romains de campagne, et guère plus de la logistique de l’armée romaine en opérations. Le ravitaillement du corps d’armée, dans cette région pauvre du Quercy, a probablement nécessité un recours à la Province, et l’immobilisation d’effectifs de réquisitions et d’escorte des convois relativement importants. César a pu affecter ce qui était un ancien camp celte (ou proto-celte) à une des légions de Calenus avec mission de rechercher et d’acheminer les ravitaillements. Hirtius ne dit mot sur l’emploi de ces deux légions, et les effectifs des deux légats déjà sur place devaient suffire à assurer le siège.. Alors, base logistique du corps d’armée ? Ou murs visigotiques ? Celtiques ? Préceltiques ? comme s’interrogent Claude Delas et Georges Donat ?
Peut-être - mais sans justification plausible pour l’une ou l’autre de ces hypothèses.
7°/ Le paysage de Roussal, emplacement possible du bivouac de Drappès, zone comportant de l’eau et du pâturage, suffisamment dégagée pour donner un (faux) sentiment de sécurité, sise à petite distance d’emblavures probables à l’époque, et qui parait correspondre à ce que pourraient choisir des guerriers amateurs gaulois, attendant paisiblement la nuit suivante : - soit pour charger le convoi vide, et le renvoyer, - soit pour profiter de l’obscurité prochaine afin de pénétrer dans l’oppidum, et persuadés être à l’abri d’une surprise grâce aux dix ou quinze kilomètres qui les séparent des camps romains (les distances mentionnées par Hirtius). Bien entendu, aucune trace (ni preuve) ne subsiste de ce qui ne fut qu’une halte temporaire.
V / FINALEMENT, QUE VOIT-ON A CANTAYRAC ? Les éléments qui militent POUR y situer Uxellodunum La position en Quercy Le terrain karstique, les failles et les preuves d’enfoncement des cours d’eau Les traces de travaux dans la fontaine de St-Alby, La position défilée de cette fontaine par rapport à l’oppidum La source tarie et les traces de son ancienne activité La terrasse artificielle de la tour, sa position et les mensurations de César Les traces d’extraction de terre sur la colline à proximité La présence de praerupta et l’absence de falaises sur les pentes de l’oppidum, La concordance du profil de la pente sous la source, avec le récit de l’incendie de la tour La présence d’une rivière baignant la majeure partie des pieds de l’Oppidum. Les arguments CONTRE ou NEUTRES Aucun vestige des murailles ou défenses de l’oppidum, en dehors de la « citadelle ». Aucun tracé « réglementaire » complet et évident des camps romains
Les éléments « MUETS » qui peuvent servir l’hypothèse La légende et la toponymie, qui citent le ruisseau des Hommes Morts et le Lac des Noyades
Les quatre restes des murs épais d’Aubrelong et de Cournoulas et leur situation par rapport à ce qu’aurait pu être l’emplacement de deux des trois camps de Caninius.
(Les murs du mas de Gardou sont plus difficiles à interpréter) L’existence, au bas du Cusoulet, d’un « vallum » ( ?) tactiquement bien placé pour avoir fait partie de la contrevallation. La position tactique des traces de castella déclarés par les inventeurs ou vus par nous Les vestiges du Pech-Sec
Le niveau rasé des ruines de la « Citadelle » Le « Pont du Père » et les traces de chemins d’accès de part et d’autre du Poux nègre
Les terres du Roussal, dont la situation par rapport à Cantayrac justifie le bivouac de Drappès, contrairement à ce qu’on nous présente par exemple à Puy d’Issolud.
La présence au sud, de terres d’emblavures, à des distances concordant avec le récit
En conclusion, de tous les sites proposés pour Uxellodunum, le promontoire de Cantayrac est l’emplacement qui correspond le mieux au récit d’Hirtius, et à ce que nous pouvons imaginer de l’ultime bataille des derniers soubresauts de la Guerre
VI/ LE CAMP MILITAIRE DE CAYLUS
Le champ de tir de Cantayrac est utilisé depuis 1886 comme terrain de manoeuvre et champ de tir d’infanterie. A cette époque les terrains sont loués et correspondent au croquis ci-après qui restera grosso modo valable jusqu’à la seconde guerre mondiale. Les trois pas de tir orientés vers l’ouest (Cf. carte page 30), transforment depuis la fin du XIX°, l’oppidum et les camps du sud en réceptacles pour toutes sortes de projectiles, zones périodiquement nettoyées et désobusées pour éviter les accidents, avec des moyens dont l’efficacité s’est accrue depuis 1945, et qui font disparaître, d’année en année, les traces des implantations anciennes.
En 1908 et 1909 des études furent conduites pour en faire, par achat de terrains, un camp de manœuvre et de tir pour une division. Si on le reconnaissait apte à la manœuvre de l’infanterie et aux écoles à feu d’artillerie, les cavaliers n’en voulaient pas, parce que le terrain caillouteux blesserait les chevaux, et que «les très nombreux murs qui clôturent tous les champs », empêcheraient les évolutions de cette arme. Dans son rapport du 14-12-1909, la commission du colonel de Villaret évaluait à 10 M3 par hectare de terres labourées, et à 5 M3 par hectare de bois, le volume de pierres à enlever.
En 1912, est faite une étude des chemins à déclasser si on achète les terrains prévus. Il y en a trois pour la partie qui nous intéresse : - le N° 3, le vieux chemin de Cahors, qui, à l’ouest du Pech Sec, au fond du thalweg, passe devant la résurgence de la Veyrière, et file au sud vers Mouillac et le moulin de Broze. - le N° 4, qui, venant de Vaylats, passe derrière Aubrelong, à l’est du mur du camp romain, passe à la citerne de la cote 307, le long du mur du camp de Cournoulas, puis franchit le Poux Nègre vers le Poux Blanc, avant de rejoindre les Espagots et Caylus. - Enfin le N° 35, venant de Bach, qui passe derrière Jamblusse, et descend, à l’intérieur du camp actuel sur les Espagots et Caylus. Les chemins à déclasser - Carte N° 12-
En 1912, une inspection dirigée par un général du Génie, tranche – pour des raisons militaires et d’adduction d’eau - entre deux camps défendus, l’un par les députés du Lot, dans ce département, et l’autre à Caylus dans le Lot-et-Garonne, qui est « choisi sans hésitations » ; En décembre 1912, une étude géologique et hydrologique écrit :
« …le Dragon, les Pous blanc et nègre offrent un caractère d’intermittence bien défini. Les deux dernières sources sont situées dans le flanc du ruisseau appelé le Pous nègre et qui, prenant naissance dans le lac des Consuls, se jette dans l ruisseau de Cantayrac, avant d’arriver au moulin de la Verrière. Pendant les pluies d’hiver, le Pous Nègre commence à couler en jaillissant d’un rocher (Pous, en patois du pays, Doux en réalité, veut dire résurgence, source) ; l’eau est limpide. Si les pluies sont plus abondantes, le Pous Blanc, situé 650 m. en amont, jaillit à son tour. Si ces deux puits ne peuvent suffire à écouler les eaux, elles jaillissent en amont du ruisseau, en divers points de son lit ».
En 1913, le ministre fait savoir qu’il a de l’argent et qu’on lui envoie d’urgence les résultats des études pour l’achat de terrains à Caylus. M. de Mongie, secrétaire d’état à la marine marchande, et élu lotois, intervient alors, affirme que le terrain du Lot est meilleur, et prie le ministre d’arrêter les procédures d’achat qu’il vient de prescrire. Le ministre ordonne l’arrêt des achats, puis la guerre survient, et on pense à autre chose.
En 1927, le général commandant le 17° C.A. de Toulouse se plaint de n’avoir dans sa région qu’un seul petit camp, Caylus, qui ne peut offrir que 640 places d’hommes et 60 de chevaux, à 6 Km des terrains de manœuvre et du champ de tir de Cantayrac (qui ne dispose que de trois axes de tir) sur des terrains dont la location aux propriétaires est revenue, pour 1927, à 25.000 francs. A cette date, seules cinq parcelles semblent avoir été achetées, et doivent correspondre au camp bâti de l’époque. Le champ de tir de Cantayrac au début du XX° siècle – Les capitales de tir. Carte N° 13.
Les achats se sont étendus sur plusieurs décennies : Presque toutes les parcelles du Tarn et Garonne (25) ont été achetées par expropriation, durant les années 1923, 1945, 1967, 1970, et 1972, à raison de cinq par an. Une seule a été vendue à l’armée, à titre amiable, en 1984. Par contre, douze parcelles du Lot, au nord du ruisseau de Cantayrac, ont fait l’objet de ventes amiables en 1968 (une), 1969 (trois), et 1970 (huit), et deux seulement ont été l’objet d’une expropriation en 1970. La surface du camp se monte aujourd’hui à environ 5000 hectares dont quinze cents dans le Lot. Les travaux d’aménagement des champs de tir, en général constitués de terrassements, ne se retrouvent que rarement dans la mémoire écrite du Service du Génie. D’abord parce que ces travaux sont souvent confiés aux unités du Génie passant au camp, qui en profitent pour instruire leurs personnels, et ne perdent pas de temps à en tracer des descriptions détaillées, ensuite parce que l’intérêt porté à ces installations (qui évoluent avec les armes qui les utilisent) disparaît dès qu’elles sont remplacées par des ouvrages adaptés aux nouveaux armements. Les alentours de l’oppidum, qui ont fait l’objet d’aménagements multiples depuis 1886, présentent un aspect qui ne rappelle sans doute que de loin, celui qu’ils pouvaient avoir à l’arrivée de Luctérios.
VII / LE CADASTRE NAPOLEON.
Tracé avant la location et l’utilisation du terrain par l’armée (apparemment vers 1836), ce cadastre présente une particularité assez curieuse dans un terrain apparemment aussi stérile: Le promontoire de Cantayrac est partagé en un très grand nombre de petites parcelles à tracé orthogonal - comme d’ailleurs la zone située à l’est, au sud de Jamblusse - et parcouru par des chemins rectilignes et parallèles qu’on dirait tirés au cordeau. On se croirait dans un hortillonnage à la terre grasse, et non sur une croupe caillouteuse parcourue de bancs de rochers. C’est monsieur Cavaillé, membre de la société archéologique du Tarn et Garonne, qui, en 1952, nous donne probablement l’explication de cette curiosité:
« En 1738, le seigneur de Saint-Projet cède Cantayrac aux communautés de Sailhagol, Saint-Projet et Loze. Elles devaient exploiter les bois et utiliser les pacages en commun, et il reste encore le souvenir d'un troupeau communal, d'un berger unique, "lou pastourel"; des pratiques d'entre aide et même des procédés de coupe calqués sur les anciennes règles établies par le seigneur de Saint-Projet étaient encore en usage avant la guerre. Mais les usages communautaires n'ont jamais été bien ancrés chez nous; très vite, les paysans riches se taillèrent des "devèzes" dans le communal, aux endroits les plus commodes pour eux; le seigneur lui-même reprit en "devès" d'autres portions, et les vendit à des particuliers pour se faire quelque argent et entretenir son formidable château. A la révolution, tout fut à nouveau mis en commun pour être partagé immédiatement; on fit de Cantayrac mille trois cent cinquante lots qui furent tirés au sort entre tous les habitants de la commune, y compris les enfants à naître dans les trois mois. On traça alors des chemins parallèles, chacun clôtura son lot d'une murette de pierres sèches, et les environs immédiats des villages furent souvent défrichés. Mais Saint-Alby, au fond des bois, était resté à l'écart de ces aventures: les chemins parallèles y sont à peine tracés, les lots de son territoire ne furent jamais clôturés: tel il était depuis un millénaire, tel il restera jusqu'à nos jours. » (Bulletin archéologique de Tarn et Garonne, tome LXXIX – année 1952 – pages 52-54).
Le promontoire de Cantayrac - Carte N° 14 -
La différence d’orientation des parcelles situées de part et d’autre du vieux chemin de Vaylats à Caylus, et visible sur la carte au 1/25.000°, marque le souci des métreurs d’adapter la distribution des terres à la topographie des zones parcellisées. Seules une partie des parcelles situées à l’est de ce chemin fut enclose et exploitée, parce que la terre y était plus fertile que la caillasse du promontoire de Cantayrac.
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