Cette étude comprend quatre parties :
- Un préambule géographique sur le Vivarais permettant d'appréhender la partie des Cévennes concernée par cet évènement de la Guerre des Gaules.
- L'étude, proprement dite, de cette incursion de César.
et trois annexes :
- l'une concernant les Vellaves,
- la seconde les péages médiévaux de l'itinéraire,
- la dernière donnant le texte de l'inventeur de l'hypothèse présentée ici.
1 / Préambule LE VIVARAIS
(C’est le nom moderne de ce qui s’appelait l’Helvie, du temps de la conquête). la plaine au nord de Villeneuve de Berg, ancienne ferme d'Olivier de Serres et de ses muriers : nous y avons mis le Camp de César et, en points noirs, son trajet proposé
Quelques données
-1 / Les Helviens ; Ils font partie de l’hégémonie Arverne, avec les Vellaves, les Gabales, les Ruthènes, et les Cadurques jusqu’à la défaite de Bituit, le chef des Arvernes, devant le consul Flavius en -121 (l'Helvie avait été le lieu de rassemblement de la coalition gauloise). Les Helviens passent ensuite à l’alliance romaine, et sont inclus dans la Province, dont ils forment le glacis, avec les Allobroges et les Volques Arécomices. Après la conquête, leur capitale Alba sera peu à peu supplantée par Viviers, mieux placée sur les voies de circulation et les courants commerciaux, avec l’émergence de Lyon, et la construction des voies romaines d’Antonin sur la rive droite du Rhône, puis de la voie d’Agrippa sur la rive gauche. Au Moyen age, le Vivarais passe au royaume de Provence, puis au Dauphiné. A cette date, il devient une tête de pont du Dauphiné (plus tard de l’Empire) sur la rive droite du Rhône, et sa limite occidentale devient frontière entre la France et les terres d’Empire. Bien que le Roi de France ait acquis de Raymond VII de Toulouse, dès 1229, la possession du Languedoc et du Vivarais, la pénétration de l’autorité royale ne commença qu’en 1284, par l’association de l’Abbé de Mazan avec le Roi de France, pour la création d’une bastide à responsabilité et direction communes, sur les terres abbatiales de la Grange de Berg. Les rois de France trancheront souvent, en faveur de leurs sujets, les différents qui opposent ceux-ci aux Vivarois. Les conflits mal réglés – à leur avis - de leurs féodaux avec le Roi, les évêques et les seigneurs français, expliquent en partie la conversion au protestantisme de nombre des populations du Vivarais, lors de la Réforme. La frontière occidentale du Vivarais, et donc du territoire helvien (Mézenc, Pradelles et le cours supérieur de l’Allier), empiète sur le versant ouest des Cévennes. Il faut la rechercher sur la limite du département de l’Ardèche.
- 2 / Monuments préhistoriques. Les parties basses du Vivarais ont été occupées très tôt, mais il y a peu de traces connues de ces implantations. - L’oppidum de Chaulène (commune de Sceautres) domine la plaine d’Alba, des traces d’occupation y sont relevées entre le milieu du VIII° et celui du VII° siècle avant notre ère.
- Les deux enceintes fortifiées de Jastres Nord et de Jastres Sud, (Claude Lefebvre - Oppida Helvica, Paris, de Broccard, 2006), datées du premier siècle avant notre ère, offrent des murailles qui les apparentent aux oppida tardifs du Languedoc et de Provence. Elles sont construites au bord de la falaise dominant à l’est le cours de l’Ardèche, à la hauteur de Saint-Didier sous Aubenas. Leur utilisation exclusive comme refuges, et l’impossibilité d’y installer – faute d’eau – un habitat permanent, les range dans la catégorie des refuges plutôt que dans celle des Oppida. La position occidentale de ce promontoire calcaire à pendage Est, est sans appel : il ne peut y avoir de sources autre que des eaux de pluies mais le sol est naturellement fuyard. - Jastres-Sud (766.000 / 3257.600), appelé aujourd’hui « Le camp de César » appartient à la catégorie des forteresses « appui sur à pic ou sur abrupt », 12 hectares, forme quadrangulaire, remparts linéaires d’un kilomètre de long (951 m), sans tours - comme c’était la règle aux deuxième et premier siècle avant notre ère. Son enceinte est faite de deux parements en pierres brutes non retouchées, remplis d’un comblement, avec deux portes frontales dans les murs nord et sud, portes charretières simples, sans bastion. N’a pas reçu d’habitat permanent, en particulier faute d’eau (fin du II° siècle – début du I° siècle avant J.C.). Les archéologues excluent qu’on puisse y voir l’enceinte d’un camp romain de la conquête, ou de la période suivante. - Jastres-nord, (766.300 / 3259.000) construit 1000 à 1200 mètres au nord du précédent, est un site défensif à éperon barré, bordé à l’ouest par une falaise, à l’est par un abrupt, et fermé au sud par un rempart de 269 m. de long. D’une surface de 7 hectares, il présente trois remaniements successifs, qui s’étalent du deuxième siècle avant notre ère (état 1), à la fin du premier siècle (entre -20 et -10). Son enceinte est aujourd’hui étayée par des tours disposées à intervalle régulier, rectangulaires peu débordantes ou presque carrées, et rondes très détachées de la muraille mais pas tangentes. Le rempart, à l’origine mur linéaire de 4,60 m de large (état 1), qui fermait une surface de 5 à 6 Ha, fut remplacé par un mur de 3,50 m, à deux parements avec blocage de pierres, et sans doute trois tours pleines servant de contreforts (état 2 vers 80 / 70 avant J.C.). Il a ensuite été doublé à l’extérieur (pour atteindre 6 m. d’épaisseur) par un mur à mortier, avec blocage également à mortier, et renforcé par la construction de tours creuses alternativement rondes et rectangulaires (état 3). La porte, à l’origine, simple porte charretière, a été réaménagée, à l’état 2, avec un mur de forme arquée, formant chicane. A notre avis, M. Claude Lefebvre qui a fouillé ces deux fortifications, baptise à tort « clavicule » cette protection de la porte, qui n’est visiblement qu’une défense visant à mettre les vantaux à l’abri d’une attaque directe au bélier.
Oppidum en éperon barré de Jastre nord ; la porte est cachée à gauche; La route de César passe plus au nord
Dans la partie orientale de la muraille qui longe le ravin, on peut deviner une poterne à recouvrement. Dans son état moyen (état 2), cet ouvrage rappelle les fortifications protohistoriques de la Gaule méridionale, mais s’en distingue par la présence de tours pleines, abandonnées dans cette région depuis la fin du II° siècle. L’existence de tours creuses rondes dans l’état 3, traduit une influence romaine. Si Jastres Sud n’a pu être qu’une fortification refuge, Jastres Nord, dans sa configuration 3, montre le souci d’afficher une volonté de puissance, mais n’a jamais pu – faute d’eau – recevoir un habitat nombreux et permanent. Certains oppida du midi, un temps abandonnés, ont été réoccupés à l’époque de la conquête. D’autres ont été construits (Vic-Cioutat, près d’Alès) après la défaite de Bituit devant le consul Flavius. Les vagabondages des Cimbres entre 109 et 102, l’hostilité des cités libres envers celles qui avaient fait allégeance à Rome, et les sanctions dont Pompée frappa les Volques et les Helviens au profit des Massaliotes, ont créé un climat d’insécurité qui a pu inciter les cités de cette région à réorganiser leurs défenses. Pour finir, en 52, les Gabales, agissant sur injonction de Vercingétorix (BG, VII, 64, 65) vinrent attaquer les Helviens : ceux-ci y perdirent leurs principaux chefs, et furent obligés de se réfugier à l’abri de leurs remparts : la construction de la muraille « 3 » semble concomitante de ces évènements ..
- 3 / Les Itinéraires du Vivarais central.
Dans la région qui nous occupe, plusieurs itinéraires anciens permettaient de joindre la Province romaine au pays arverne.
1° / Un axe Nord-Sud très ancien, joignant le Languedoc à l’Ile de France (Nîmes au Puy en ce qui nous intéresse) suivait, en gros, le tracé de la RN 106 jusqu’à Alès, puis de la D 906 par Genolhac, Villefort, La Bastide-Saint-Laurent, et Langogne, enfin la D 122, par Pradelles, Costaros, et Le Puy ( Saint Paulien ancien Brussium ou Ruessium, 5km au nord). Il borde le Vivarais sur sa limite occidentale entre Genolhac et Pradelles. Cette voie, appelée dans sa partie Sud, « la Régordane », fut de tous temps très utilisée.
2° / Un second reliait le Rhône à l’Allier depuis Le Pouzin ou Baix, par Privas et le col de l’Arénier (c’est la RN 104), puis par Gourdon et la D122, la Fayolle, Mézilhac, Lachamp-Raphaël, et Bourlatier. Enfin, dans le pays vellave, il empruntait : - Soit la D138 par le Gerbier des Joncs, les Estables, le Monastier-sur-Gazeille, puis Le Puy et Brioude. - Soit la suite de la D122, par Le Béage, le Monastier et Le Puy (cette branche parait plus tardive que la précédente, et liée à la création de la voie romaine dite d'Antonin). C’est cet itinéraire Est-Ouest qui sera l’objet de graves différents entre les évêques du Puy et les seigneurs du Valentinois, et nécessitera - entre autres interventions - une ordonnance de Louis VII en 1146.
3° / Un autre joignait, par la bordure des Cévennes, Alès à Barjac ; une branche continuait vers le Nord le long du Rhône, tandis qu’un embranchement se dirigeait vers Alba et le bassin d’Aubenas. Mais l’existence de cette route qui, à partir d’Aubenas, suivait le tracé de la D 104 vers le nord par Vesseaux et la Grange Madame, et vers le sud par la vallée de l’Ardèche et Alès, n’est attestée qu’à partir de la conquête.
4° / Le plateau du Coiron, peu peuplé à cette époque, est parcouru par des chemins qui se rejoignent sur la crête de Frayssenet en venant d’Aubenas par Lussas, de la région d’Alba / Villeneuve-de-Berg par Montbrun et Mirabel, et de Montélimar par Saint-Martin et Sceautres. La région Taverne-Freyssenet dessert, au nord, Privas par Cheylus, et à l’ouest, Mézilhac puis le Velay, par l’Escrinet.
Croquis N° 1
2 / L'Etude
L’INCURSION DE CESAR DANS LES CEVENNES
Hiver 53/52. (B.G.VII, 6 à 9)
I / Le texte de César (Traduction Constans)
VII, 1 à 5. (Résumé) - Les Gaulois, pensant César immobilisé en Italie par les troubles nés de l’assassinat de Clodius, décident de se débarrasser des Romains pendant son absence. Quelques cités se lient par le serment majeur prononcé devant les étendards. La rébellion commence chez les Carnutes, qui massacrent les Romains présents à Orléans ; Ils sont bientôt rejoints par les Arvernes, qui, emmenés par Vercingétorix, entraînent les Sénons, les Parisii, et d’autres cités. Ce dernier envoie Luctérios rallier les Rutènes et part débaucher les Bituriges.
VII, 6. Quand la nouvelle de ces évènements parvint en Italie à César, celui-ci, voyant que désormais la situation intérieure, grâce à la fermeté de Pompée, s’était améliorée, partit pour la Gaule transalpine. Une fois arrivé, il se trouva dans un grand embarras : comment parviendrait-il à rejoindre son armée ? Si, en effet, il appelait les légions dans la Province, il voyait qu’elles devraient, en chemin, livrer bataille sans lui ; s’il allait vers elles, il se rendait compte que, dans les circonstances présentes, il ne pouvait sans imprudence confier sa vie à ceux-là même qui paraissaient tranquilles.
VII, 7. Cependant Luctérios le Cadurque, qui avait été envoyé chez les Rutènes, les gagne aux Arvernes. Il pousse chez les Nitiobroges et chez les Gabales, reçoit de chaque peuple des otages et ayant réuni une forte troupe, entreprend d’envahir la Province, en direction de Narbonne. A cette nouvelle, César pensa qu’il devait, de préférence à tout autre plan, partir pour Narbonne. Il arrive, il rassure les courages ébranlés, place des détachements chez les Rutènes de la Province, chez les Volques Arécomiques, chez les Tolosates et autour de Narbonne, toutes régions qui confinaient au territoire ennemi ; il ordonne qu’une partie des troupes de la province et les renforts qu’il a amenés d’Italie se concentrent chez les Helviens, qui touchent aux Arvernes.
VII, 8. Après avoir pris ces dispositions, comme déjà Luctérios arrêtait son mouvement et même reculait, parce qu’il trouvait dangereux de s’aventurer au milieu de nos détachements, César part chez les Helviens. Les Cévennes qui forment barrière entre les Helviens et les Arvernes, étaient en cette saison, à l’époque la plus rude de l’année, couvertes d’une neige très haute qui interdisait le passage : néanmoins, les soldats fendent et écartent la neige sur une profondeur de six pieds, et le chemin ainsi frayé au prix des plus grandes fatigues pour les hommes, on débouche dans le pays des Arvernes. Cette arrivée inattendue les frappe de stupeur, car ils se croyaient protégés par les Cévennes comme par un rempart, et jamais à cette époque de l’année, on n’avait vu personne, fût-ce un voyageur isolé, pouvoir en pratiquer les sentiers ; alors César ordonne à ses cavaliers de rayonner le plus loin possible en terrorisant l’ennemi le plus qu’ils peuvent. Rapidement, par la rumeur publique, par des messagers, Vercingétorix apprend ce qui se passe ; tous les Arvernes, au comble de l’émotion, l’entourent, le pressent : qu’il pense à défendre leurs biens qu’il ne laisse pas l’ennemi les piller entièrement, surtout quand – il le voyait bien – tout le poids de la guerre était pour eux. Cédant à leurs prières, il lève le camp et quitte le pays des Bituriges pour se rendre chez les Arvernes. VII, 9. Mais César ne resta que deux jours sur place : il avait prévu que Vercingétorix agirait effectivement de la sorte ; sous prétexte d’aller chercher du renfort et de la cavalerie, il quitte l’armée, laissant le commandement des troupes au jeune Brutus : il lui recommande de faire des incursions de cavalerie de tous côtés, et de les pousser le plus loin possible ; quant à lui, il tâchera de n’être pas absent plus de trois jours ; Les choses ainsi réglées il se dirige à marches forcées vers Vienne, au grand étonnement de son escorte. Il y trouve de la cavalerie fraîche, qu’il y avait envoyée un certain temps auparavant et ne cessant de marcher ni jour ni nuit, se dirige, à travers le pays des Héduens, vers celui des Lingons, où deux légions hivernaient : il voulait, au cas où les Héduens iraient jusqu’à tramer quelque plan contre sa vie, en prévenir par sa rapidité, l’exécution. Une fois arrivé, il envoie des ordres aux autres légions et les concentre toutes sur un seul point avant que les Arvernes aient pu apprendre qu’il était là. …..
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Après les batailles de Gergovie et de Lutèce, et le ralliement des Héduens à la rébellion, Vercingétorix demande aux cités de lui fournir de la cavalerie. ..
VII, 64. ….Ces mesures prises, il ordonne aux Héduens et aux Ségusiaves, qui sont à la frontière de la Province, de mettre sur pied dix mille fantassins ; il y joint huit cents cavaliers. Il confie cette troupe au frère d’Eporédorix, et lui commande d’attaquer les Allobroges. De l’autre côté, il lance les Gabales et les tribus arvernes de la frontière contre les Helviens, et envoie les Rutènes et les Cadurques ravager le pays des Volques Arécomiques…..
VII, 65. …. Les Helviens livrent spontanément bataille à leurs voisins et sont battus ; Ayant perdu le chef de leur cité, Caïus Valérius Domnotaurus, fils de Caburus et un très grand nombre d’autres, ils sont contraints de se réfugier dans leurs villes à l’abri de leurs remparts. …
II / - Réflexions sur le récit de César.
Après avoir réglé, de concert avec Pompée, les affaires de Rome qui étaient assez complexes, César rejoint la Transalpine. A cause de la rébellion des cités de la Gaule Celtique, il hésite sur le parti à prendre: - rejoindre Langres avec le seul supplémentum de l’année, - ou rappeler vers la Province les légions qui hivernent en Gaule du nord ? L’annonce de la descente de Luctérios (que l’on retrouvera quelques mois plus tard à Uxellodunum) vers la Narbonnaise, lève son indécision et l’oblige à parer au plus pressé : Il prescrit de lever de la cavalerie et de la rassembler à Vienne. Puis il se rend à Narbonne et Toulouse ; de là, il reprend en main les troupes d’occupation du Languedoc, et y met de l’ordre, plaçant des garnisons (ou les renforçant quand elles existent) sur les points menacés par le Cadurque. En même temps, il ordonne aux renforts qu’il a ramenés d’Italie d’aller l’attendre chez les Helviens, et envoie un contingent tiré des forces de la Narbonnaise rejoindre ces troupes. L’emplacement de cette concentration, choisi pour placer les Gaulois dans le doute quant à ses intentions futures, devait – dans son esprit – arrêter les opérations en cours jusqu’à ce que les révoltés soient fixés sur ses décisions : Le volume des troupes qu’il a rassemblées dans le Vivarais, lui permet en effet maintenant, soit de remonter en sûreté la vallée du Rhône, soit de tomber sur Luctérios si ce dernier se lance vers la Province. Lorsqu’il apprend que le Cadurque, perplexe, a stoppé sa progression (et même peut-être reculé quelque peu), le proconsul vole chez les Helviens, franchit les Cévennes malgré la neige, et débouche chez les Arvernes (En réalité chez les Vellaves, clients des Arvernes, mais César les confond, peut-être volontairement, et certains de ses cavaliers sont probablement, de là, passés en pays réellement arverne). Dès son arrivée, il lance des raids de terreur avec sa cavalerie, le plus loin possible dans le pays « arverno-vellave », massacrant, incendiant, et prenant sûrement soin de faire savoir qu’il dirige en personne cette opération. A l’annonce de ces ravages, les Arvernes pressent Vercingétorix d’abandonner sa campagne en pays biturige pour rentrer défendre leur familles et leurs biens : ce qu’il est obligé d’accepter. Ceci laisse à penser que les relations Arvernes-Bituriges étaient inamicales, quasi guerrières. Au bout de quarante-huit heures, César, avec quelques gardes du corps, quitte son détachement, annonçant qu’il va revenir sous trois jours avec des troupes fraîches, et, sans s’arrêter en pays helvien, file sur Vienne, y ramasse la cavalerie qu’il y avait convoquée, et galope jusqu’à Langres. Il reprend alors le commandement de l’armée, et entame la campagne de 52.
II / - Remarques.
1°/ - César, venant de l’Aquitaine, n’est pas monté directement de Narbonne ou de Nîmes vers le Nord et le pays arverne, par la Régordane et l’axe Sud-Nord (voir chapitre 3, du préambule : Le Vivarais). Il s’est dirigé vers la vallée du Rhône comme s’il visait la Province ou ce qui sera la Bourgogne, et a rejoint les troupes qu’il avait envoyées en Helvie. En disparaissant soudain dans le bas Vivarais, il laissait toute la Gaule dans l'incertitude sur ses intentions. Une installation dans la région d’Alba, lui permettait de traiter directement avec les chefs helviens, de maintenir des liaisons faciles avec la Province, d’installer son camp de base dans une zone assez riche, peut-être de se faire livrer des otages, de recruter guides, animaux de bât et travailleurs, et d’organiser ses ravitaillements ultérieurs.
N.B. Les relations entre César et les Helviens sont anciennes; Caburus est citoyen romain, son fils Procillus (B.G. I-47) a été choisi pour l' entreprise périlleuse d'être l'interprète des Romains auprès d'Arioviste, avec les malheurs que rapporte César ; il en deviendra d'ailleurs son ami et traducteur préféré celto-germano-latin . Un autre de ses fils sera tué en moins 52 dans l'attaque des gens de Vercingétorix contre les Helviens où je comprend que le premier de la tribu était Caburus. Donc, de notre avis, César qui a choisi le territoire Helvien comme lieu de rassemblement de sa diversion, ne peut pas avoir fait s'installer ses troupes, d'ailleurs peu aguerries, très loin d'Alba : le triangle sud d' Alba , St Jean le Centenier au nord, Villedieu à l'ouest semble le plus propice, et pour fixer les idées je (Claude Delas) mettrais sa tente personnelle sur le domaine d'Olivier de Serres et de ses mûriers, juste au nord de Villeneuve sur Berg (Sur le croquis cela est symbolisé par X). Mettre la concentration romaine à Lussas, est oublier qu'une armée, surtout avec de la cavalerie, a besoin d'eau qui y était rare (observation de géologue).
2°/ - César n’avait pour but que d’opérer un simulacre d’invasion et n’a certainement franchi la crête des Cévennes qu’avec un détachement relativement léger et restreint d’infanterie et de cavalerie. Les raids, dès que le proconsul fût arrivé sur le versant ouest, ont été menés par les cavaliers, les fantassins paraissant n’assurer – outre des ravages sur les habitats proches du camp d’opération - que les missions de sûreté rapprochée et de recueil.
3°/ - Son départ au bout de deux jours est un coup de poker : Les délais sont trop courts pour qu’il ait déjà appris ce que va décider Vercingétorix, mais il espère que la nouvelle de son arrivée à la limite du pays arverne, amplifiée par l’annonce des massacres dont il a donné l’ordre, va focaliser sur cette région l’attention de la Gaule, ramener les troupes arvernes au secours de leur patrie, obliger Luctérios à abandonner son invasion de la Narbonnaise pour couvrir le pays cadurque, et relâcher la surveillance héduenne sur la route Vienne-Langres. De plus, l’annonce – dont il espère qu’elle va se répandre – de son intention de renforcer sa troupe, va accroître les craintes des Arvernes.
4°/ - Mais ce but ne peut être atteint que s’il commande en personne cette expédition (si ce n’est pas lui qui la commande, la menace qu’elle représente devient secondaire, et la Gaule entière va chercher César sur la route de Langres, ou dans la région de Toulouse) : C’est pourquoi, en partant, il annonce son retour imminent avec des renforts et de la cavalerie. Il ne met même pas Brutus au courant de son projet réel, sachant inévitables les indiscrétions de la part d’un chef inexpérimenté, commandant une troupe incluant des’indigènes (valets, guides, muletiers, commerçants…) pas toujours acquis à la cause romaine.
5°/ - Il est persuadé que les résultats qu’il espère seront obtenus par l’annonce de son arrivée en Auvergne, jointe à l’inexpérience de Vercingétorix, et au peu de temps qu’a eu ce dernier pour asseoir son autorité sur les autres cités. Par-dessus tout, le Proconsul a une haute idée de sa supériorité de Romain sur les Barbares de la Gaule, et plus encore confiance en son génie personnel. Enfin, César est un joueur.
Pour la première fois, il va berner Vercingétorix . (Il n’est pas certain que Vercingétorix ait été dupe de cette manœuvre : Dix - ou onze ? - légions étaient immobilisées en quartier d’hiver dans la Gaule du nord, et César, isolé dans une région à la fidélité douteuse, avec un détachement forcément réduit, sans possibilité de maintenir une chaîne de communications solide avec la Province, n’avait pas la capacité d’entreprendre une action d’envergure contre le Massif Central. Mais l’Arverne a été obligé de céder à la pression de ses hommes, inquiets pour leur famille, et a dû abandonner sa campagne d’intimidation chez les Bituriges). Il renouvellera ce succès quelque temps plus tard, à la traversée de l’Allier sur la route de Gergovie ainsi qu' à la prise de Chanturgue (voir Gergovie 1) , mais la présomption excessive qu’il tirera de ces réussites, lui fera sous-estimer le chef arverne, ce qui lui vaudra la défaite de Gergovie, et plus tard, avant Alésia, l’échec subi à l’embuscade de Crotenay.
6°/ - Que devient Brutus ? César n’en dit rien, sans doute parce que les aventures de son détachement n’ont aucune influence sur la suite de la campagne. Tout ce qu’on sait, c’est que les renforts conduits par César, dont une partie au moins avait peut-être passé les Cévennes (le reste devait attendre en pays helvien), se retrouveront un peu plus tard – aux dires du proconsul – de garde à Agedincum, pendant les batailles de Lutèce et de Gergovie. Quant à Brutus lui-même, il n’est pas mort à Lanarce d’une congestion pulmonaire, comme le prétendait une tradition locale rapportée par le père de madame Mermet à l’auberge du col de la Chavade : On le retrouvera au siège de Marseille en 49, à Pharsale du coté de Pompée en 48, et enfin aux Ides de mars.
7°/ - La sécurité du corps laissé sur le versant ouest des Cévennes, dépendait de quatre facteurs : - Les mesures de sûreté appliquées aux bivouacs et lors des raids. - L’effectif des détachements de razzia en pays arverne, qui pouvait varier en fonction de la distance des interventions, et qui alla sans doute croissant à mesure que les jours passaient. - Les limites, géographiques et surtout de durée, à ne pas dépasser pour ces raids. Sur ces trois points, le proconsul avait certainement laissé des consignes précises. - La quatrième donnée, il l’a gardée pour lui : C’était, en fonction de l’effectif de Brutus, et compte tenu des délais nécessaires aux Gaulois pour monter une manœuvre sérieuse contre lui, l’estimation du nombre de jours pendant lesquels le détachement romain serait à l’abri d’une réaction dangereuse des Arvernes.
César a certainement pris des dispositions pour qu’avant cette date, Brutus ait rejoint les troupes qu’il avait laissées dans le bas Vivarais, mais que son repli s’effectue de façon que la nouvelle ne s’en répande qu’après que lui-même fût arrivé à Langres.
8°/ - Le proconsul, après avoir franchi la crête des Cévennes, a probablement établi un camp d’opérations sur leurs pentes occidentales, probablement encore chez les Helviens. Il a sûrement évité de s’enfoncer avec toute sa colonne au cœur du pays ennemi, et a sans doute choisi un emplacement susceptible d’assurer sa liaison avec Alba. Il insiste par deux fois sur le fait que les destructions qu’il ordonne sont effectuées par des raids de cavalerie. L’infanterie ne semble donc pas avoir participé aux dévastations, ce qui renforce l’hypothèse d’une base opérationnelle en pays helvien, ou chez les Vellaves mais relativement proche de la frontière helvienne.
9°/ - César annonce son retour dans trois jours : on peut en déduire que la distance, depuis la région d’Alba jusqu’à son camp d’opération, a été d’environ trois jours de route pour un détachement normal. Maintenant que la route a été dégagée – et il a dû prendre des dispositions pour que les Helviens la maintiennent ouverte afin d’assurer le passage de ses ravitaillements - une journée doit suffire pour descendre avec une faible escorte de cavaliers, jusqu’à Alba, et deux jours pour remonter en personne, le détachement de renfort pouvant, lui, en mettre trois ; soit cinquante à soixante-dix kilomètres.
10°/ - Le corps emmené à l’attaque du pays arverne était une troupe légère, de fantassins et de cavaliers, composée du Supplémentum, de son escorte personnelle à cheval et de quelques renforts, les uns levés à l’est du Rhône, les autres envoyés de la Narbonnaise (Il ne ramassera qu’en passant , lorsqu’il redescendra , la levée de cavalerie recrutée dans la Province, qu’il avait convoquée à Vienne). Il n’a emmené ni chariots, ni matériel lourd, et sa logistique était transportée sur des bêtes de bât. Il n’a pas coupé droit dans la montagne, il a emprunté une route connue, sur laquelle des guides helviens l’ont conduit : Ses difficultés n’ont pas été de trouver un itinéraire, mais de dégager la neige d’un chemin connu déjà aménagé. Les fermes et hameaux isolés de la région devaient maintenir quelques chemins de liaison pendant les périodes douces de la mauvaise saison. Le gros du travail de déblaiement de la neige a pu être limité aux endroits difficiles (congères) et au passage du, ou des cols de la crête. Ailleurs, le travail a pu être plus rapide.
III / Les Itinéraires possibles pour César
A / Deux trajets principaux sont en général retenus pour cette expédition de 52. (D’autres tracés ont été proposés, au sud de l’Ardèche, par les pentes méridionales du Tanargue et le col de Meyrand, et plus au nord, par Lamastre, Saint-Agrève et Saint-Julien- Chapteuil : ils sont moins convaincants).
1°) – L’itinéraire officiel (A) par la vallée de la Fontolière et le col de Pal. C’est le chemin adopté par tous les bons auteurs : Constans, Jullian, et la majorité des érudits locaux (Aymard, A. Boudon-Lashermes…). Il part de Lussas, passe par Saint Privas, Ucel, Pont-la Beaume, Chirols, un tracé proche de la RN 536, Montpezat, le col de Pal (1195 m), puis rejoint Le Puy (en fait, à l’époque Le Puy n’existait pas ou était un simple endroit sacré, la capitale des Vellaves était Ruessium- Ptolémée- ou Revessium- Peutinger-, une simple querelle d’orthographe, aujourd’hui St Paulien à 25 km au NNE), soit par Saint-Cirgues-en-Montagne et Arlempdes, Puis le grand chemin N° 1 (voir croquis ci-dessus), soit par le Béage et le Monastier. C’était, parait-il, la route de Massilia vers le centre de la Gaule, décrite par Ptolémée et Strabon (Géographie, IV, 1). Mais cette version est très souvent récusée, la route du col de Pal, n’ayant été ouverte qu’après la conquête, au deuxième siècle.
2°) – L’itinéraire de Charles Griffith (B) par la vallée de L’Ardèche. Il part d’Aubenas, et suit en gros la nationale 102 par Pont-de-Labeaume, Thueyts, le col de la Chavade (1266 m), puis Lanarce et Pradelles vers l’Allier. C’est une route fleurie, très agréable à parcourir avec une bande d’amis.
Ces deux itinéraires – comme ceux du Nord ou du Sud - ont l’inconvénient d’emprunter des fonds de vallée, ce qu’évitaient les voies anciennes à cause des crues violentes des rivières de montagne, des marécages de plaine, et des nombreux ouvrages nécessaires au franchissement du cours d’eau lui-même et des affluents qui coupaient ses pentes (la route moderne qui suit le premier de ces tracés, compte environ 30 à 40 ponceaux, ponts ou buses, entre Pont-de-Labeaume et le col de Pal ; la R .N. 102 qui emprunte le second, en voit une bonne quarantaine entre le même bourg et le col de la Chavade).
Croquis N° 2
De plus, ces deux trajets présentent, dans les kilomètres qui précèdent les cols, une pente sévère que refusaient les voies antiques et qui aurait, avec la neige, posé à César des problèmes difficilement solubles.
L’itinéraire (A) affiche une pente générale de 5,5 % entre Chirols (334 m) et le col de Pal (1195m), et celui de Charles G., (le B) court à 3,5 % entre Pont-de-la-Baume (296 m) et le col de la Chavade (1266 m), avec un raidillon terminal à l’ouest de Le Château (719 m) qui avoisine les 5,75 %.
Les routes antiques passaient en général par les plateaux et les crêtes, et esquivaient - chaque fois qu’elles le pouvaient - les rivières, leurs franchissements, les pentes pour y accéder, les ravinements de leurs versants, et leurs bas-fonds marécageux, inondés en période de crues.
César ne parle pas de pentes raides infranchissables, le chemin qu’il a suivi était une voie majeure à l’époque, et donc d’un parcours aisé en bonne saison. Les difficultés qu’il mentionne ne sont dues qu’à la neige (six pieds d’épaisseur, 1m, 75 environ).
B / L’itinéraire de Victor Agier (Itinéraire C, sur le croquis ci-dessous).
Au cours de ses recherches sur les batailles de l’année 52, le général Dominique Merle a vraisemblablement retrouvé le véritable tracé qu’a emprunté le proconsul.
Il fut découvert et décrit, dans les années trente, par un érudit du Vivarais, Victor Agier. (Le passage à travers les Cévennes par César, Revue du Vivarais N°3 et 4, Mars-Avril 1936, texte en annexe). Ce chemin passe par les crêtes et les plateaux, et présente une pente continue, sans à-coups, qui donne, entre Saint-Jean-le-Centenier (314 m) et Bourlatier (1371 m), une pente générale de 1,6 % pour 69 Km. En particulier il ne comporte pas, dans les approches des cols, de ces raidillons si difficiles à franchir sur chemin enneigé. Victor Agier indique trois itinéraires possibles partant du Rhône (Baïx, Meysse et Viviers), qui se rejoignent sur le plateau de Coiron, ou vers le col de l’Escrinet. Les deux premiers s’engagent trop nettement au nord de Montélimar pour répondre au souci de discrétion dont César voulait certainement entourer sa manœuvre ; Le troisième est plus plausible. On peut penser que c’est pour les mêmes raisons de sécurité, et dans le double but de raccourcir sa ligne logistique et conserver secrets le but et l’importance de son expédition, que le Romain, en revenant de l’Aquitaine, n’a pas emprunté la « Régordane » trop parcourue, et surveillée. Il a préféré entrer en pays helvien par le Sud et regrouper les bagages lourds et les troupes qu’il n’emmenait pas en raid, dans une base située entre Alba et Jastres-sud.
Croquis Numéro 3
César a pu emprunter l'une ou l'autre des routes possibles pour traverser le plateau du Coiron jusqu’au col de l’Escrinet. Ensuite il a certainement suivi, jusqu’au Gerbier des Joncs, la ligne de crête qui sépare le bassin de l’Ardèche de celui de l’Eyrieux.
Trois chemins sont plausibles, au départ de la région Alba-LaVilledieu, pour traverser le plateau du Coiron. :
- La première branche part de Lussas (passant à côté du « camp de César », l’enceinte fortifiée de Jastres-sud), puis par Saint-Laurent-sur-Coiron et Pra-Maillet, rejoint le col de l’Escrinet. - La seconde se dirige du Pradel vers Mirabel, rejoint Freyssenet, et le col de l’Escrinet par la Prade ; - La troisième, à l’Est, part d’Alba puis, par Taverne, rejoint Freyssenet et l’Escrinet.
C’est peut-être le chemin de Mirabel qui était le plus important, M. P. Y. Lafont ( Châteaux, Pouvoirs et Habitats en Vivarais, X°-XII° siècle - Thèse de doctorat Art et Archéologie, Lyon 2, 1998.) parle, à son propos, de « la route stratégique des Helviens », mais il est probable que César a lancé son détachement sur le ou les itinéraires les plus praticables lors de son passage.
Le chateau est sur le haut de la coulée de basalte du plateau du Coiron; il est parfaitement vertical.
Croquis N° 4 - Profil des trois principaux itinéraires attribués à César
A partir du col de l’Escrinet, César a emprunté vers l’ouest l’axe - numéroté deux sur le croquis 1 et mentionné au paragraphe N° 3 du préambule - menant du Rhône à l’Allier, qui suit la ligne de crête au nord du bassin de l’Ardèche. L’ensemble de cet itinéraire présente une pente continue. (Voir croquis N° 4), et ne nécessite aucun ouvrage sur son parcours – à l’exception peut-être d’un ponceau, situé quatre kilomètres au nord de Saint Pons, et découvert par Philippe Roux en janvier 2006 sur l’itinéraire oriental..
Depuis le roc de Gourdon on voit le vieux chemin des crêtes qui arrive du col de l'Escrinet
D’après Victor Agier, la route Lussas- les Estables fait 65 kilomètres : ce qui donne, pour une troupe chargée, en plein hiver, avec de la neige et des congères sur le chemin, et en montant, environ trois jours de route, peut-être quatre. César a pu, avec de la main d’œuvre locale réquisitionnée, faire déblayer l’itinéraire de ses congères en avant de sa troupe, mais même à cette condition, les trois jours sont un chiffre sous lequel on peut difficilement descendre.
Roc de Gourdon depuis le vieux chemin; c'était un poste de guet et un octroi
IV / L’hypothèse en détail:
I / La traversée du plateau du Coiron, les trois possibilités.
a) La branche Ouest du plateau du Coiron. . Dans cette option, si l’on veut partir de la Villedieu par Lussas, la seule difficulté est la grimpette de Saint Laurent, qu’il y a peut-être moyen d’éviter partiellement en passant à l’ouest par Comparent (435), puis Perret (475), puis de nouveau la D.324 par les Arches (560) jusqu’au carrefour sous la Combe Mâle (719). A partir de là, la route descend quelque peu jusqu’à la chapelle de Pra Maillet (715), puis emprunte un faux plat jusqu’à la ferme de Pra Maillet (720). Celle-ci était peut-être un relais de chevaux avant la grimpette qui mène au carrefour (850) avec la route venant de la Prade et Freyssenet. Ensuite c’est une descente douce jusqu’au col de l’Escrinet (787).
b) La branche centrale, peut-être la plus fréquentée, emprunte la D 258 de Villeneuve de Berg à Mirabel, puis par la Croix des Avias (660), le Pas de Vendrias, , la ferme de la Prade (724), Séveyrac (ou Senouillet (780) et Lichemaille), elle rejoint la D7 à Freyssenet (795). Elle court ensuite en crête vers La Prade, le Coulet de la Soulière (834), la ferme de Masaulan (878), pour rejoindre l’itinéraire Ouest, 1200 mètres au nord de Pra-Maillet, au carrefour 850.
c) La branche Est rassemble, à Lichemaille sur la D7, venant du Sud : - une arrivée d’Alba par la D 263 et Sceautres, - un chemin venant de St Pons par la D. 293, - un troisième qui passe par Montbrun
Cette traversée du Coiron a dù se faire par un seul de ces itinéraires, en fonction de l’emplacement du ou des camps de base, de la qualité des guides recrutés, et de l’état des chemins à cette période de l’hiver de 52.
II / Le tronc commun : l’axe central Est-Ouest, du Rhône à l’Allier.
L’ancienne route du moyen-age, qui existait probablement déjà du temps de César, mène du col de l’Escrinet, par Gourdon (910) et l’Auriol (857) au col de Sarrasset (825).
Là, ce chemin traverse alors la D 122, et, partant 800 mètres après la ferme sur la droite, passe par les ruines de Volles et Champrevert, où il rejoint la route départementale qui le recouvre jusqu’au col de la Fayolle (873) et la Paille (916).
L’itinéraire suit, à partir de cette ferme, le chemin de randonnée par Malpas (1074) la Narce (1175) Bourlateyron (1284) et le Champ de Mars, jusqu’au carrefour (1285) avec la route en terre descendant sur la Serre du Verrier, jusqu’au Brouas (1165) et à Mézilhac.
Cette ancienne route, n’a été abandonnée, au profit du col des Quatre Vios, qu’en 1840, sans doute quand la majorité des déplacements est devenue automobile.
L’itinéraire reprend alors la D.122 par le col de Mezilhac (1119) Lachamp-Raphaël (1315), le col du Pranlet (1363) et Bourlatier (1371), en direction des Estables, du Puy, et de Gergovie.
Ferme de Bourlatier: au premier plan, la route des Estables, à droite l'embranchement vers Le Béage
Pour information la route passe au pied du suc du Gerbier de Jonc et des sources de la Loire dont voici un aperçu
A partir du col de L’Escrinet, César n’a certainement emprunté qu'un seul itinéraire, parce que sur cette portion de crête, haute et ventée, les travaux de déblaiement ont dû nécessiter toute la main d’œuvre disponible, et que le déneigement et le maintien en état d’un deuxième itinéraire eût été trop coûteux en personnels.
Depuis la région d’Alba, cette voie ne rencontre pas de cours d’eau, et ne présente, tout au long, que des pentes douces et régulières à l’exception de quelques grimpettes, comme celle de Saint Laurent, sur la branche Ouest du Coiron.
La frontière entre le pays helvien et les Vellaves passe, sur cet itinéraire, entre le Mézenc (encore helvien) et Les Estables (vellave). C’est entre Lachamp-Raphaël et Les Estables qu’il faudrait, semble-t'il , chercher le camp d’opération de César, et plus encore, peut-être, sur le plateau des Estables.
La vallée des Estables et le village au pied du suc
3 / Annexe 1
LES VELLAVES De même que les Helviens méritent une présentation, de même les Vellaves qui sont encore moins connus, en ont besoin. L’itinéraire qui nous préoccupe n'est pas sur leur territoire mais ils étaient clients des Arvernes à l’indépendance, et César semble les confondre avec eux. Quoi qu’il en soit, ce sont eux qui ont eu à subir la majeure partie des raids de terreur déclenchés par le Proconsul, et – même si les cavaliers de Brutus ne sont pas allés jusqu’en pays strictement arverne - Vercingétorix n’a pu faire autrement que de voler au secours de ses clients. Les Vellaves sont des cousins des Arvernes, mais ils sont restés selon les dires, profondément ligures, encore plus que les Cadurques (cf. le père Itard et Uxellodunum). Ils vivent sur ce que nous appelons le Velay ou restrictivement la Haute Loire. La limite avec des Helviens est un peu à l'Est des Estables, à la retombée du Mont Mézenc, en ce qui nous concerne. Celle avec les Arvernes serait vers Brioude. Les Francs, probablement grâce à l'Eglise, leur ont fourni une bonne administration, surtout au temps de Charlemagne mais sans plus s'immiscer dans le pays, comme l'avaient fait, après César, les Romains qui ne s'y aventurèrent guère. Les Barbares, plutôt envahisseurs ne s'y attardèrent pas non plus. Pour l'anecdote : En 1790 les révolutionnaires furent mal vus et plus tard la République méprisée pendant longtemps par ces Ligures, qui sont restés de bons chrétiens avec leur Vierge noire, et un des départs du pèlerinage de Saint Jacques. Ces cabochards avaient été ravagés dès 250 par des Barbares, et en 407 le roi Crocus avec ses Vandales avait détruit leur capitale située sur la voie Agrippa ou de Modène. Ptolémée (IIème siècle) la nommait Ruession. La position de cette ancienne ville est incertaine : l'hypothèse traditionnelle donne Saint Phalien à 25 Km, ou un jour de marche au Nord du Puy ; une autre hypothèse donne Chapteuil, anciennement, dit-on, Capitolium (le Capitole pour les ligures), à 20 Km à l'Est du Puy, sur un carrefour routier fortement urbanisé de nos jours. Sur la carte de Peutinger la capitale s’appelle Revessione, sur l'itinéraire Lyon- Rodez- Cahors ou Toulouse ? Rien n'est évident mais cet itinéraire pourrait être ligure ?
4 / Annexe 2
LES PEAGES MEDIEVAUX
1/ - Les péages le long des routes et des rivières. Les péages étaient à l’origine perçus par l’autorité centrale gallo-romaine. Mais après la conquête franque, les Particuliers se mirent à en lever, principalement sur les étrangers, dans les terres qu’ils estimaient leur appartenir. La première tentative d’en enrayer les abus date de Charlemagne et du Capitulaire de Verneuil en 755 ! Elle sera suivie d’une autre en 821, et il faudra attendre Saint Louis pour voir la troisième. Puis on en trouvera dans de nombreux autres textes jusqu’au dix-huitième siècle. La justification de ces perceptions était double : Entretien des voies de communication, et Sécurité des chemins. Les féodaux du Vivarais entendirent très tôt, comme leurs homologues du reste de la Francie, tirer bénéfice du flot de voyageurs et de marchands qui empruntait les voies terrestres ou fluviales de leurs terres. Des droits de péage (de guidage en montagne, et bien d’autres taxes) se mirent en place aux endroits favorables, et furent soutenus par des forts ou des maisons fortes, construits à proximité immédiate de l’itinéraire qu’ils contrôlaient. Comme les « péagiers » s’acquittaient fort mal – en Vivarais comme dans le reste du royaume - des obligations d’entretien et de sécurité que leur imposaient en principe ces perceptions, ces droits ont donné lieu à des réclamations permanentes, de la part des assujettis bien sûr, mais aussi des seigneurs qui, à l’autre bout du chemin, entendaient tirer profit des taxes qu’ils entendaient percevoir sur les marchés et les pèlerinages, et ne souhaitaient pas voir arriver des voyageurs déjà largement ponctionnés sur la route.. Dans la zone qui nous occupe, les conflits opposèrent principalement les évêques du Puy aux seigneurs de Valentinois et à leurs vassaux. La plupart de ces « châteaux » ont disparu, ruinés par la suppression des péages, lorsque l’autorité royale fut assez forte pour l’imposer, ou remplacés par de simples bureaux d’octroi, lorsque les temps devinrent plus calmes.
- 2/ - En pays Vellave : LE PUY.
Capitale des Vellaves,à partir du cinquième siècle, cette ville ne fait pas partie du Vivarais, mais elle fut intimement liée à certains épisodes impliquant les seigneurs ardéchois, leurs châteaux, et situés sur la route qui nous intéresse. Après la destruction par les Vandales de sa capitale en 407, le successeur de l'évêque Phalien, à cause des miracles qui s’y produisaient, préféra la reconstruire, au Puy (anciennement Anicium) où le Suc était déjà un lieu de culte avant César. C’est le point de départ d’un des chemins de Compostelle, et, avec Chartres, le premier sanctuaire d’un culte marial en France. Dès 990, l’évêque est puissant ; En 1095, il accueille le Pape et reçoit le commandement de la « Mission en Terre Sainte ». En 1163, le Roi de France le fait comte. La Vierge Noire est rapportée d’Orient par Louis VII ou Saint Louis ; Lorsqu’elle fut brûlée, à la Révolution, on s’aperçut qu’il s’agissait d’une statue d’Isis. L’évêque était très attentif à ce que les péages payés sur les itinéraires menant au Puy, ne décourageassent pas les pèlerins. Comme dit plus haut dès l’an mille, des conflits l’ont opposé aux Vicomtes de Polignac et aux seigneurs du Vivarais. En 1146, Louis VII confirme les privilèges de l’évêque, et interdit les péages sur les routes menant du Rhône à l’Allier. Cela ne suffit pas, et en 1171, il fait emprisonner les deux Polignac, qui finissent par signer un renoncement solennel aux péages, et annulent la vassalité à leur égard du Seigneur du Mézenc, qui reste appartenir au seul évêque du Puy. Le conflit des péages, entre l’évêque du Puy et les seigneurs du Vivarais, dura jusqu’à la fin du treizième siècle.
- 3/ - Les Châteaux ou maisons fortes marquant l’itinéraire.
Renseignements tirés en grande majorité, des ouvrages de M. Pierre Yves Laffont : - Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais – 1998, et - Châteaux du Vivarais ; pouvoir et peuplement en France méridionale - 2009
Une vingtaine de châteaux du haut moyen age escortent la route empruntée par César. Ils sont, bien entendu, postérieurs à son passage, mais leur existence atteste de l’ancienneté de cette voie et de sa fréquentation continue. Une partie de ces constructions ne se justifie d’ailleurs, que par le contrôle de la route. La plupart étaient des castelets de faibles dimensions. Ils ont tous disparu, ne laissant que quelques traces dans le paysage, et quelques souvenirs écrits dans les actes notariés du temps. Ce sont Saint-Pons, Montbrun, Sceautres, Saint-Laurent sous Coiron, Mirabel, Allier, Castelbouc, Berzème, Cheylus, Entrevaux, le Lac, L’Escrinet, Corbières, Malpas, Don, Mezilhac, Raphaël, Bourlatier, le Mézenc, Le Béage.
Les chiffres entre parenthèses sont des coordonnées Lambert.
Saint-Pons (777.800 / 3257.250)- Toponymes actuels : « Roche chérie » et « Champ-château », Au nord du bassin d’Alba, au pied du Coiron. Vestiges (base d’un petit donjon et quelques maçonneries), au sommet d’un étroit dyke basaltique ; On voit, en contrebas, une petite chapelle. A 3 Km. au SE, un bourg ecclésial avec enceinte ovoïde, s’est développé autour de l’église.
Allier. (781.100 / 3262.350) Sur le rebord oriental du Coiron, hameau, et château sur le point le plus haut du site, ruinés, abandonnés au milieu du 17°. Le château, dont il reste les vestiges d’un donjon, s’adaptait aux contours du rocher. C’était un chef-lieu de mandement pour les communes de Berzème et de Saint-Gineist. A appartenu aux Poitiers, et au XVI°, aux Lestrange. Une chapelle, dédiée à Saint-Theofrède, dont les traces se voyaient encore en 1912, au milieu des ruines du bourg castral accroché aux pentes, était une fondation de l’abbaye vellave de Saint-Chaffre.
Berzème (777.000 / 3263.800) à 1,5 Km. au sud de Taverne, carrefour de routes du Coiron ; l’actuel château date du quinzième siècle. Famille des Farjon. Relevait du temporel de Viviers.
Sceautres. (780.100 / 3256.950) Au sud du Coiron, le château se trouvait au sommet d’un énorme dyke basaltique, au pied duquel s’étendait la basse-cour qu’occupe le village actuel, enveloppé dans une enceinte.
Montbrun. (775.200 / 3259.500) Aux Balmes de Montbrun, commune de Saint-Gineist-en-Coiron, 2,5 Km. au nord de St-Jean-le-Centenier. Sur le bord S.W. du plateau du Coiron, le château domine le cirque d’explosion d’un ancien volcan ; il n’en reste que deux fosses, et la trace d’un fossé de 10m. de large, qui montre une arête rocheuse laissée là, sans doute pour servir de pile de pont. . La chapelle troglodyte Sainte Catherine, construite en 1536, se trouve 50 m. au nord du château. Un immense bourg castral troglodyte, se voit au sud-est, dans les falaises sous le château, et dans celles qui lui font face.
Saint-Laurent-sous-Coiron. (700.300 / 3261.900) Sur une table rocheuse légèrement surélevée, au N.E. et au dessus du village, il ne reste que des traces, avec peut-être un ensellement au milieu de la table (fossé ?). Sur la pente sud de l’éperon, une courtine de basalte. A appartenu aux évêques du Puy de 1164 à 1309.
Mirabel (771.600 / 3258.820). L’église a appartenu aux évêques de Viviers, puis à la mi-treizième, au chapitre cathédral. Il existait deux châteaux sur le même promontoire rocheux, tous deux ayant pour centre un haut donjon quadrangulaire. Ces deux châteaux ont vraisemblablement pour origine le partage en coseigneuries du castrum de Mirabel, au moins dès le XIIle siècle. - l’un appartenait aux Arlempde de Mirabel, - l’autre au Baron de la Roche, branche cadette des Mirabel. Le château oriental a disparu, démantelé sur ordre de Richelieu ; Il avait un donjon carré.
Du château ouest, démantelé lui aussi, seul le donjon carré est resté avec les ruines d'une enceinte très arasée et divers bâtiments (dont peut-être une autre tour) groupés au pied du château; Le donjon est de plan presque carré; il mesure hors oeuvre 6,85 m x 7,40 m avec toutefois un saillant de 0,68 m x 1,58 m, abritant des latrines, à son angle nord-est. Dans son premier état, la tour présentait quatre niveaux (les deux étages supérieurs étant totalement isolés des deux étages inférieurs): - le rez-de-chaussée était charpenté et possédait une porte couverte d'un arc en plein cintre au sud - le 1er étage, voûté d'ogives, était accessible par une porte située à 2,50 m de hauteur sur la façade sud au-dessus de la porte du rez-de-chaussée; les ouvertures qui devaient percer ce niveau ont toutes disparu lors de remaniements ultérieurs. La présence d'une haute voûte (elle culmine à 5,50 m) ainsi que de latrines font sans doute de cette pièce une salle à vocation résidentielle; - le 2ème étage n'était pas accessible directement de l'intérieur depuis le 1er étage. Un système d'escalier extérieur reliait la porte du 1er étage à une porte située à 6,40 m du sol à l'ouest qui ouvrait elle-même sur un escalier droit, pris dans l'épaisseur du mur nord, qui débouchait dans la salle du 2ème étage. Ce troisième niveau, charpenté, était apparemment aveugle dans son état d'origine, mais disposait toutefois dans son angle nord-est de latrines; - le passage du 2ème au 3ème étage s'effectuait sans doute par une trappe ménagée dans le plancher. Ce quatrième niveau, couvert d'une voûte en plein cintre, était percé à l'ouest d'une étroite porte donnant accès à une bretèche de bois surplombant le départ de l'escalier extérieur desservant le 2ème étage; - enfin, une terrasse, accessible par un escalier pris dans l'épaisseur du mur, surmontait l'ensemble.
Le bourg castral était enclos dans deux enceintes successives venant se refermer sur les falaises de la table basaltique. La dernière enceinte, sans doute de la fin du XIVe siècle et encore relativement bien conservée:.
Croquis Numéro 5
En juin 1628, le duc de Montmorency prit le bourg ; ses soldats massacrèrent tous ceux qui ne s’étaient pas réfugiés dans les châteaux. Mais, trois de ses quatre canons ayant éclaté (« esventés »), il renonça à continuer le siège, accepta de recevoir « à mercy » leurs défenseurs (le 15 juin) et les laissa partir contre promesse de ne plus porter les armes contre le Roi. Pendant ce temps, ses lieutenants, MM de Ventadour et de Montréal, assiégeaient le Pradel, à la famille huguenote des Serres, que le Roi estimait trop proches de la route, sur laquelle ils se livraient à maintes exactions, prélevant des taxes sur le sel et les marchandises qui l’empruntaient. La famille de Serres tint le siège du 7 mai au 25 juin, date à laquelle il furent admis à reddition. Le château fut alors pillé et rasé. Olivier de Serres, pour se faire pardonner plusieurs affaires, dont le massacre de Villeneuve de Berg, se retira par la suite au Pradel, y reconstruisit une maison, et s’y fit oublier en se livrant à l’agriculture.
Castelbouc ( ?) Maison forte, commune de Mirabel. Disparue
Cheylus, (776.480 / 3269.200) bâti sur un dyke volcanique, toponyme actuel, « le Rocher de Chaylus », commune de Saint-Priest. C’était dans sa forme primitive une forteresse allongée avec un donjon rectangulaire épousant en escaliers le sommet du roc. Il fut remplacé au début du XV° siècle par un château trapézoïdal à tours d’angle. Il contrôlait les entrées Nord du Coiron au départ de Privas. Il n’en reste rien, une ferme perpétue peut-être le souvenir du bourg castral. En 1239, Aymar de Poitiers, comte de Valentinois, reprend en fief à Raymond VII de Toulouse, certains castra, dont Cheylus. L’église dépendait de la collégiale de Charay. Le château fut détruit sur ordre de Richelieu.
Entrevaux commune de Saint Priest. Au début du 15° siècle, des routiers ayant subi un échec au monastère de St Michel, sur la montagne du Charray, 1,5 Km au NW de Saint Priest, se vengent en prenant et mettant à sac le château. Les tours ont été écimées par ordre de Richelieu, après le siège de Privas en 1629 (Entrevaux était huguenot).
L’Escrinet. (771.850 / 3272.200) Château à motte tronconique, dont les vestiges se voient en deux mamelons rocheux de 4 à 5 m. situés à proximité du col de l’Escrinet Présentant un relief assez marqué au nord, ces tertres offrent une pente plus douce en direction du sud et de l'est, directions vers lesquelles ils se prolongent par une petite plate-forme. À l'heure actuelle, la partie nord-ouest des mamelons a été amputée par une carrière de modeste étendue. Aucune structure n'est aujourd'hui visible, Dans tous les cas de figure, la surface réduite de ces mamelons et de leurs abords praticables ne permet pas d'envisager la présence d'un édifice de grande taille. La mention d'une turris de l'Escrinet en 1249 montre toutefois que le château possédait au moins un donjon, qui représentait vraisemblablement l'élément central (et peut-être unique) de celui-ci. Edifice à vocation exclusive de péage, édifié par les comtes de Valentinois, pour contrôler le carrefour de deux routes : celle du Languedoc par Aubenas vers le Rhône et Privas, et celle venant de Villeneuve-de-Berg ou d’Alba par le Coiron, en direction de Mézilhac et du Puy.
Château du Lac. (780.000 / 3271.450) dans la zone industrielle du Lac, faubourg SE de Privas. Contrôlait la route du Rhône dont un embranchement venant de Baix et de Chomérac, passait au nord du château, avant d’entrer dans Privas. Construit sur une plateforme circulaire à peine surélevée par rapport aux terres environnantes, avec un fossé annulaire de 15 m de large. Portait un donjon carré du 12°, de 8m.x 8m, dont le premier étage est remployé dans une maison. L’enceinte circulaire a été utilisée pour les façades des maisons construites sur l’emprise du château.
Corbières. (ou Courbières) (767.7890 / 3273.250) commune de Gourdon. Fief du Vivarais. Établi à quelques centaines de mètres à l'ouest du hameau et du col de Sarrasset au sommet d'un suc volcanique dominant la vallée de l'Ouze, sur les contreforts sud-ouest du haut plateau vivarois. Il ne subsiste plus que des traces du chateau. Au sommet du suc, dont l'accès est aujourd'hui assez difficile, on constate la présence de deux petites plates-formes, peut-être séparées l'une de l'autre par un étroit fossé. La plus réduite en superficie présente une large excavation circulaire, peu profonde mais recouverte manifestement d'une stratigraphie plus épaisse que sur le reste du sommet du suc. Cette première plate-forme pourrait tout à fait avoir reçu une tour de petite taille. La seconde, légèrement plus vaste, porte les traces de ce qui pourrait être interprété comme une case-encoche irrégulière et de petites dimensions. Une petite conduite taillée dans le substrat est visible à côté de cette case-encoche. Un chemin et des escaliers, creusés dans le basalte, sont visibles sur le flanc ouest du suc à la base de celui-ci, laissant supposer que l'accès ancien au sommet du rocher et au château se faisait par la face occidentale.
Malpas. (764.100 / 3276.150) Le lieu doit son nom à sa mauvaise réputation, qui le prétendait soumis jadis à de fréquentes actions de brigandage. Ce n’est pas un château mais une maison-forte, entourée d’un petit hameau, qui, située sur un col, contrôlait l’axe central entre Corbières et Mézilhac.
Depuis l'octroi de Malpas le vieux chemin et au fond à gauche le guet du roc de Gourdon
Il n’en reste que trois pans de murs délabrés ; entourés des ruines d’autres bâtiments, et un rempierrement très récent de la vieille route, au Nord de la maison forte. En 1281, une lettre de franchise du comte de Valentinois, accordait « aux habitants de Privas et de Tournon, l’exemption de tout péage à Privas, l’Escrinet et Malpas ». Un notaire y percevait des « droits de Péage et de Guidage » (sans doute en mauvaise saison), au profit des comtes de Valentinois.
(Bourlateyron, situé près du champ de Mars, entre Malpas et Mézilhac, n’est pas répertoriée comme point de péage, et semble n’avoir été qu’une ferme ordinaire).
Don (761.650 / 3282.830) à la limite des communes de Mézilhac et de Marcols-les-eaux. Bâti sur un important suc basaltique, il n’en reste que quelques vestiges de murailles et de trois tours circulaires ou semi-circulaires, autour et en contrebas de la plateforme sommitale. Pas de bourg castral. Fief du Valentinois.
Mézilhac. Le territoire - terres et village – fut acheté en 1074 / 1075 par l’abbaye vellave de Saint Chaffre. Placé au carrefour des voies venant de l’Eyrieux et de l’Ardèche, Mézilhac semble avoir été un des plus importants postes de péage de la route menant du Rhône ou du Languedoc au Puy. Château à motte quadrangulaire édifié à l’extrémité nord de l’éperon Nord-Sud (1170 m.) qui domine le village. Sa seule vocation était le contrôle de la route du Puy, qui passe immédiatement au pied du château. Le fossé qui l’entoure se lit encore, Un deuxième tertre contigu mais moins haut, abritait la basse-cour. L’ancienne chapelle Saint Bénigne, détruite, était située 150 m. au nord et en contrebas du château.(sans doute à l’emplacement du calvaire). Elle semble antérieure au château. Au nord, à environ deux kilomètres, on distingue quelques ruines du château de Don, sur la pointe éponyme qui émerge de la crète. Le château était déjà en ruines en 1464, « les pierres étaient dérobées de jour en jour », et la ruine fut finalement vendue en 1552, mais les péages persistèrent. Les Alard feront fortune et seront anoblis sieurs de Chambon. Des foires importantes (cinq par an en 1768) se tenaient à ce carrefour de chemins. Le péage de Mézilhac fut instauré très tôt ; En 1267, les bénéficiaires en étaient les Poitiers. On y payait non seulement les droits de passage par tête d’homme ou de bétail, mais aussi des droits de « Pulvérage » (sur les moutons emmenés passer l’été sur les pentes du Mézenc), de « Leyde » (sur toutes les marchandises vendues à Mézilhac : grains, sel, bêtes de boucherie, charges de bât ou de portage à dos, etc..), et de « Tavernage » (sur les vins vendus au village). En 1568, ces droits étaient affermés pour 80 livres par an, à un sieur de la Chaysserie ; En 1713, dernière année de leur perception, la ferme en revenait à 120 livres. Le Vendredi Saint était chômé pour les péagiers, et aucune taxe n’était perçue le jour de la crucifixion du Seigneur, sauf à l’encontre des juifs, qui payaient ce jour là, leurs taxes ordinaires, supérieures à celles des chrétiens.
Raphaël. (755.380 / 3281.510) Construit un peu au nord du village de Lachamp, sur le sommet (1307 m.) et à la base d’un suc volcanique de 30 m. de haut, entouré d’éboulis. Le suc portait un donjon quadrangulaire. De ce dernier, ne subsiste qu'une basse-fosse très largement excavée dans le substrat basaltique. Elle est fermée à l'est par un mur (environ 0,80 m d'épaisseur), bâti en petits moellons de basalte et de granit liés au mortier de chaux, mais dont seule une assise est conservée et une basse-cour s’étendait au pied S.E. du rocher. Au minimum deux grandes constructions quadrangulaires (en pierres sèches ?) sont encore visibles. L’accès en est rendu difficile par la végétation dense qui entoure la base du rocher. Pas de bourg castral. Lachamp fut le théâtre des exploits du brigand Bimbarade, qui rançonnait les voyageurs de la région, « protégé – dit le représentant du Roi – par les religionnaires des Boutières ». Le château, acheté en 1239 par Aymar de Poitiers à Raymond VII de Toulouse, fut abandonné à la fin du 13° siècle.
Bourlatier. Au carrefour de la D 378 menant aux Estables, et de la D 122 vers Le Béage, Bourlatier, qui ne fut peut-être qu’une maison forte et non un château, contrôlait ces deux routes d’accès. Ancienne baronnie, incluse dans la seigneurie de Boulogne, elle appartenait aux seigneurs de Privas, puis vers 1640 à Charles de Sennectère. En 1543, Louis de Lestrange vendit pour 300 livres, aux Chartreux de l’abbaye de Bonnefoy, les droits de justice attachés à cette terre. Déjà ruiné en 1750, sa démolition fut achevée en 1793 ; il n’en reste plus qu’une ferme, récemment restaurée, couverte de lauzes, qui semble devoir servir de musée.
Le Mézenc. (745.850 / 3293.700) Construit autour du dyke de rhyolite du Chastelas, le suc le plus occidental des trois qui forment les « Dents du Mézenc », à 1800 m. au nord du Mézenc lui-même, à trois Km au sud de Chauderolles (dernière paroisse du diocèse de Viviers, église Saint Baudile), et à 3,5 Km. des Estables, première paroisse dépendant du Puy. Il semble avoir été occupé de la fin du Xe siècle à la fin du XIIe siècle avec un abandon quasi complet après 1200. C’était une tenure des comtes de Valentinois, dont dépendaient les châteaux de Contagnet, Chanéac et Fourchades L'élément central du château du Mézenc est un imposant pointement volcanique, sur la plate-forme sommitale duquel s'élevait une tour de pierre protégée par un mur d'enceinte dont le tracé suivait le relief. En contrebas du dyke s'étend une vaste basse-cour en terrasse dont l'altitude moyenne oscille entre 1470 et 1490 m. Celle-ci est barrée au nord par une arête rocheuse et protégée à l'est et au sud par un large fossé que doublait vers l'intérieur du château un mur d'enceinte. Les sondages archéologiques ont montré la présence d'au moins sept bâtiments dans la basse-cour . Tous ces bâtiments sont construits en blocs de rhyolite liés au mortier de chaux ou au mortier de terre et étaient pour la plupart couverts de lauzes de phonolite. À l'exception de trois d'entre eux, tous ces bâtiments ont été construits, utilisés puis abandonnés entre la secondé moitié du Xe siècle et la fin du XIIe siècle. Seul le donjon ainsi que deux bâtiments résidentiels - dont l'aula - resteront ponctuellement utilisés jusqu'au XVe siècle. En 1206, l’évêque de Viviers reproche à Aymar II de Poitiers de ne pas lui rendre hommage pour le Mézenc. En 1408, les hommes de la Chartreuse de Bonnefoy font appel d’une ordonnance du seigneur du Mézenc, les obligeant à verser 400 livres pour l’entretien du Château. L’année suivante les Estables lui verse 120 livres pour effectuer des réparations.
Le Béage. (740.230 / 3284.780) Avéré à la fin du dixième siècle, en face du village, de l’autre coté des gorges de la Veyradeyre, à l’extrémité orientale d’un étroit éperon rocheux, barré à l’ouest par un fossé, il était voué uniquement à la perception des péages sur la route du Monastier. Il n’en reste que les ruines d’un mur d’enceinte et d’un donjon quadrangulaire sur la plateforme. Tenure d’Aymar de Poitiers en 1227, hommage du comte de Valentinois à l’évêque du Puy pour ce château en 1251, renouvelé jusqu’en 1311. En 1442, confirmation du don aux Chartreux de Bonnefoy, d’une tour du château, dite « grenier de Bonnefoy », pour s’y réfugier en temps de guerre et y déposer leurs biens.
5 / Annexe 3
LE PASSAGE A TRAVERS LES CEVENNES PAR CESAR.
Texte de Victor Agier. (Revue du Vivarais, 1936)
V. Agier ne mentionne pas Mirabel et sa borne miliaire sur la route d'Antonin, qui depuis Alba marque un embranchement vers Aubenas et Jastres.
« … Pour la traversée des Cévennes par l’armée de César, il faut rechercher une voie que ne contredisent ni la nature du terrain, ni les usages de la circulation en ce temps. Or le texte de César est très laconique : « etsi mons cevenna, qui Arvernos ab Helviis discludit, durissimo tempore anni altisima nive iter impediebat, tamen discussa nive in altitudinem pedum VI atque viis patefactis summo militum labore ad fines arvernorum pervenit ». L’unique obstacle qui arrête la marche de l’armée de César, c’est la neige. Sans elle, la mention de la traversée des Cévennes, que le conquérant de la Gaule avait franchie déjà plusieurs fois, n’aurait même pas été révélée. Aucune discussion n’aurait été soulevée. Sans doute César ne faisait que suivre la voie que signalent deux écrivains de l’antiquité, l’historien grec Ptolémée et le géographe romain Strabon, voie commerciale très fréquentée depuis longtemps par les marchands grecs, et surtout par les Massaliotes. C’était cette fameuse draye (1), mot d’origine grecque, dont le souvenir ne s’est pas effacé Déjà, même avant l’occupation romaine, de grandes relations commerciales s’étaient établies entre les populations méditerranéennes et celles du centre de la Gaule, et les mulets transportant des marchandises dans des « canastres » (canastron en grec) devaient suivre une route leur permettant de circuler commodément. Les muletiers arrivaient avec le printemps (comme les hirondelles, écrivait le poète Horace) et rentraient chez eux avant l’automne. La neige ne les incommodait pas. Au contraire, les rivières souvent grosses, dans la broussaille, étaient un inconvénient qu’il ne fallait pas sous-estimer. Aucun pont n’existait à cette époque ( Ce ne fut qu’au deuxième siècle de notre ère que la construction des ponts en pierres commença à se développer. Tant pis pour les légendes qui attribuent ces ponts à César qui jetait des ponts en bois stratégiques sur l’Allier et même sur le Rhin. Pour les ponts en pierres il fallait avoir à pied d’œuvre de la chaux et il n’y avait pas de four à chaux à cette époque dans ces régions. En 1789 dans le Vivarais les ponts en bois sont encore plus nombreux que ceux en pierre). Bien plus, pour atteindre les rivières, le chemin était raide et sans entretien. Aussi ne faut–il pas s’étonner que les voies toutes indiquées fussent des routes de crête tracées par la nature suivant ou bordant les cimes des montagnes, tout en contournant les aspérités trop vives. Ces routes uniquement muletières devaient en outre, pour faciliter les communications, présenter le caractère d’une orientation commode, d’un entretien sans frais pour ainsi dire et elles devaient être préservées contre les inondations et les végétations encombrantes. César était dans la nécessite d’utiliser ces voies commerciales, créées par les marchands familiarisés avec les difficultés des terrains traversés. Cela lui était d’autant plus facile que celle que la nature lui offrait était beaucoup plus avantageuse que toutes les autres envisagées. S’il est généralement admis que le point de départ de son armée (ou tout au moins d’une grande partie) soit fixé à Lussas, celui d’arrivée en Auvergne n’est guère contesté. Il se trouve près du Mézenc, aux Estables, autrefois considéré comme la porte de cette région. Aujourd’hui même, si un cavalier avait à se rendre de Lussas aux Estables, il ne suivrait pas la route de Montpezat, il prendrait celle parcourue par César, la distance serait plus courte - (de Lussas à Mézilhac il y à 32 kilomètres, de Mézilhac aux Estables. la distance est à peu près la même, en définitive elle n’atteint pas 65 kilomètres pour le parcours total [2]. La comparaison n’est pas en faveur de la voie par Montpezat, car les ravins et les lacets rendent celle-ci beaucoup plus longue, malgré l’apparence). De plus, la montée est très régulière presque en ligne droite, quoique légèrement incurvée ; Pas de pont à traverser et pourtant le cheval ne mettrait pas les pieds dans l’eau, malgré les inondations, pendant le trajet des 65 kilomètres qui séparent ces deux localités. Ce cavalier continuerait donc à se servir de la voie romaine appelée chemin royal en plein moyen âge, alors jalonnée d’églises, surveillée par de nombreux châteaux, très fréquentée par les muletiers, bien pourvue d’ « hostelleries » et de nombreux droits de péage, et très foulée aussi par les troupeaux en transhumances (parjades) jusqu’à leur récente disparition. Voici les lieux de passage de cette voie :Lussas, St Laurent-sous-Coiron, St Nazaire–en-Coiron, Pramailhet, le Mont Blandine, Col de l’Escrinet, Gourdon, Sarracet, Champrevert, la Paille, Malpas, Bourlateyron, champ de Mars ou camp de César, Mézilhac, Lachamp-Raphaël, Bourlatier, Sources de la Loire, les Estables. Ajoutons qu’au mont Blandine aboutissait une autre voie venant de Taverne (appelée autrefois Malataverne) ou convergeaient diverses routes partant principalement du Rhône. Cette voie primitive, modifiée et améliorée ensuite sur une grande partie de son parcours est encore très reconnaissable. De St Laurent à Pramailhet elle se rapprochait de la cime de la Montagne. A Blandine elle passait au faîte même et la descente vers le col de l’Escrinet était la partie la plus accidentée de tout son parcours .Après le col, elle se dirigeait vers la Roche de Gourdon qu’elle côtoyait .Les traces sont encore très visibles .Sa largeur allait jusqu’à douze mètres car près de ce dernier lieu elle aurait conservé partie de ses murs de clôture ; le sol étant pierreux tout autour, l’empiètement par les propriétaires limitrophes devenait sans intérêt. De Sarracet à Lafayolle, l’ancienne voie est encore très apparente au dessus de la nouvelle construite vers 1840.De la Paille à Mézilhac par Malpas, elle n’a été délaissée qu’en 1840 au profit du nouveau tracé par le col des quatre vios. La longueur de cette voie ne dépassait pas 65 kilomètres, un groupe de soldats pouvait ainsi effectuer le trajet en 48 heures, pourvu que le chemin fût libren et c’était la grosse difficulté en hiver. Examinons dans quelles conditions ce passage dût s’opérer ….
(dans ce passage V.Agier expose ce qu’il croit être la chronologie de la période s’étendant du massacre de Génabum à l’arrivée de César dans la région d’Alba.)
…Or, le soulèvement de la Gaule centrale, dont le pillage et le massacre à Genabum des marchands usuriers italiens furent le signa, ne semble pas remonter au-delà du commencement de l’hiver selon les indications de César. Au reste, les historiens sont d’accord pour admettre que ce dernier ne fut averti que dans la première quinzaine de janvier au plus tôt, et ne dut parvenir dans l’Helvie que vers la fin de ce mois. On voit qu’il restait peu de temps pour effectuer le passage des Cévennes que César avait hâte de franchir pour tomber à l’improviste sur les révoltés qui se croyaient garantis contre toute surprise par un mur de neige (muro munitos) Donc il fallait que la traversée fut rapide. Le ravitaillement était difficile dans ces montagnes élevées ou une nouvelle tourmente de neige risquait de gêner terriblement la marche des troupes.
César dut mettre à profit un temps clair, quoique peut être, rigoureux et il est probable que pendant sa tournée dans la Narbonnaise, les soldats amenés d’Italie ne chômèrent pas et durent déblayer et préparer la voie qui, vu son importance, devait être jalonnée par des signes distinctifs de repérage et garnie de postes militaires sur certains points. César parle de 6 pieds de neige (un mètre soixante dis-huit). Evidemment à cette époque de l’année, la couche n’était pas uniforme de Lussas aux Estables. Le texte laconique ne doit envisager que la haute montagne. On dut pratiquer un passage dans les congères de neige glacée et les soldats, grâce au jalonnement de la route, travaillèrent presque tous en même temps avec des équipes dispersées tout le long De la Paille aux Estables , il y a quarante kilomètres, et on n’aurait pas pu « paler » et enlever la neige sur une pareille distance en opérant à la suite. En définitive, l’essentiel était qu’un passage fut libre sur la neige glacée et piétinée. Une explication s’impose au sujet de deux mots du passage des Commentaires de César : viis patefactis (les voies ayant été ouvertes), on aurait dû déblayer plusieurs chemins. Or il est impossible de supposer que la traversée des Cévennes s’effectuât sur plusieurs points à la fois, mais au départ les routes d’accès secondaires se reliant à la voie principale, pouvaient être plus ou moins nombreuses. Toutes partaient des bords du Rhône. Le plateau du Coiron fut, dès la plus haute antiquité, sillonné de chemins dont le centre de jonction se trouvait à Taverne et il est vraisemblable que César, qui n’avait pas concentré toutes ses troupes en un seul lieu, les avait disséminées le long du Rhône, ne fut-ce que pour la commodité du ravitaillement ; et ensuite des détachements séparés seraient partis de St Pons, Meysse ou Baïx et , passant à Taverne, seraient venus rejoindre la voie principale au mont Blandine, près le col de l’Escrinet. La démonstration de la véritable voie suivie par César nous parait décisive, mais il y a d’autres preuves pour ainsi dire péremptoires, qui doivent dissiper toute espèce de doute à cet égard, même pour les esprits les plus sceptiques. Nous nous proposons de ressusciter historiquement une ancienne église, St Nazaire en Coiron (Chapelle de Pramailhet actuellement) Cette étude nous renseignera sur l’importance de cette grande route centrale de France qualifiée de royale en plein moyen âge. Par anticipation citons deux documents très importants la concernant. Dans un acte d’accensement passé au profit des moines de Charay le 10 juin 1427, on lit : Actum Gordoni in itinere regio (Fait à Gourdon dans le chemin royal) (3) Mais quelle drôle d’idée avait eu en 1360 cet habitant de Privas, Simon Sabatier, de quitter le doux climat de cette ville, pour aller s’installer en plein frimas à Malpas dont la température hivernale, devait y être alors aussi rigoureuse que de nos jours. Il fallait qu’il y fût poussé par le profit à retirer du trafic commercial de cette route très fréquentée. Et pourtant il n’était pas seul pour exercer cette exploitation, car son hospitium (maison) confrontait avec celui de Hug. De Malopassu (4)
Des notaires passaient des actes à Malpas (ex:Le 22 juillet 1360 ; Béranger Arcoleni donne une investiture à Bertrand Fame d’Ajoux. Témoin Hugo de Furchata ; condominus Aionis), et y résidaient : Monsieur Régné, archiviste départemental cite celui de 1464, un Vital Charbonnier (5) Monsieur Camus désigne celui de l’année 1481 un nommé Laurent Vornier (6). . De plus Malpas était au moyen âge un centre important de la perception des droits de péage et de guidage de cette voie très fréquentée qui procurait de gros revenus au duc de Valentinois, Seigneur de ces régions (7)
Pour l’instant énumérons les églises édifiées sur le parcours de cette voie : St Laurent-sous-Coiron, St Nazaire-en-Coiron, St Martin-de-Gourdon, StGilles de Mezilhac, et St Julien-Lachamp-Raphaël. Citons aussi les châteaux, qui, comme des sentinelles toutes proches, surveillaient la route. D’abord, comme premier gardien, on trouvait celui du Mézenc, ensuite ceux de Bourlatier, de Lachamp, de Mézilhac, de Don, de Corbière, d’Ajoux, de l’Escrinet, de Castel Bouc, de Sollier, de Cheylus, de Montbrun, d’Allier de Rochessauve et d’autre part de St-Laurent. Nous verrons aussi que les « hostelleries » ne manquaient pas sur cette route où quantité de mulets transportaient force marchandises, notamment du vin dans des bouttes (peaux de bouc) pour la région des Bouttières.
Arrivons à l’argument le plus probant de l’ancienneté de cette voie royale léguée au moyen âge par les Gaulois et les Romains. Les « parjades » troupeaux en transhumances lui ont conservé jusqu’à nos jours son cachet permanent d’antiquité que la dernière guerre vient seulement de faire disparaître. Au commencement de ce siècle, des « parjades » parcouraient toujours cette « draye » Vers 1905, un habitant du village de Gourdon en compta 28 qui traversèrent ce lieu ; Celles arrivant par le Coiron suivaient les crêtes de la montagne de Blandine et descendaient vers le col de l’Escrinet. C’est un fait dont nous avons été témoin nous-même. Les bergers conducteurs de ces troupeaux, anciens de profession ; connaissaient admirablement les traces de cette vieille route, malgré les changements que le temps et les propriétaires du voisinage y apportaient progressivement. Les vieux éduquaient les nouveaux et ils étaient très affirmatifs et très tenaces pour ce qu’ils appelaient leur droit de passage. Ils exigeaient un passage au moins de 12 mètres de largeur et même plus, et leurs bêtes s’écartaient quelque peu sur les abords. Selon un usage constant et toujours respecté par les bergers, une certaine distance (100 mètres environ) devait exister entre les divers troupeaux se suivant sur le chemin. Or, comme nous faisions observer aux propriétaires, fortement incommodés par le passage de ces nombreuses bêtes, que la loi ne tolérait pas semblable usurpation, il nous fut répondu : - « Cela a toujours existé, et nous ne savons pas comment nous les arrêterions ». Ces bons paysans s’inclinaient devant ces coutumes traditionnelles qu’ils respectaient néanmoins, tout en maugréant. Les vieux usages primaient encore le nouveau droit, comme le vieux droit féodal de guidage qui devait comporter certaines prérogatives, comme celle de laisser paître les troupeaux à une certaine distance de la voie.
L’étude de l’Eglise de St- Nazaire, détruite au XIIIe siècle, nous édifiera sur les avantages et les inconvénients de cette antique voie romaine pendant la période troublée du moyen âge ».
Victor Agier. Revue du Vivarais (Nos. 3&4, Mars-Avril 1936).
– (1) Beaucoup de mots patois de nos régions concernant la viabilité, les transports et les emballages sont d’origine grecque : conastro, conisso, maï,…etc. Voir Revue des provinces de France, N° 21, page 263. Draye ou draille vient du grec dramaï.
- (2) (Voir à ce sujet Revue du Vivarais, année 1896, page 533).
-(3) Arch. Dép. Manuele Notarium. Antoni de Brione, de Privas, page 33. Fond Mazon.
-(4) Arch. Dép. ; Revue du Vivarais, année 1893 : Aps féodal et ses dépendances page 405, par l’abbé Filliet : « Le 31 août 1360, Sismumdus Sabatteri de Privacio, nunc habitator de Malopassu mandamenti castri de Aione fut investi (en emphytéose) par noble Berengar Arcoleni procurator de magnifique et puissant seigneur Giraud Adeymar, seigneur de Grignan (‘Gray et Alpium).Fait à Bleysac.
-(5) Revue du Vivarais. Situation économique du Vivarais.Année 1926, page 91.
-(6) Revue du Vivarais. Notaires au moyen âge. Année 1929, page 82, note 3.
-(7) Recueil des Titres du Vivarais, du 23 janvier 1412, page 432.
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