^ PLAN de L'EXPOSE
1 Préambule
2 Le Texte de César
3 Commentaires
+ une réflexion philologique de l'Abbé Turquin
4 La Vraie Bataille de la SABIS
5 Les Annexes : 1 La bataille de Denain en 1714
2 Les hypothèses sur la Sambre, et une hypothèse sur la Selle : Saulzoir.
I / PREAMBULE
Les pages qui suivent sont une œuvre collective. L’exégèse des textes latins est du professeur Yves Texier, agrégé de lettres classiques. Les observations géologiques de Claude Delas et Georges Donat, ingénieurs civils des Mines. Les réflexions militaires du général Marc Terrasson, et de quelques amis officiers. En outre, Monsieur et Madame Leman, et Monsieur Xavier Deru, archéologues à l’Université de Lille, ont bien voulu nous aider de leurs conseils, nous communiquer leurs derniers travaux, et nous accompagner sur le terrain.
A la fin de la bataille de l'Aisne, après l’engagement nocturne sur les gués de cette rivière, et l'échec qui le suivit, la nouvelle que les Héduens de Diviciacos approchaient du pays des Bellovaques, détermine ces derniers à quitter immédiatement la coalition pour défendre leurs biens. Les autres cités, désespérant de voir César quitter son plateau, et commençant à manquer de vivres, décident alors de rentrer chez elles. La poursuite de Labienus accélère cette retraite, et – s’il faut en croire le Proconsul – la transforme même partiellement en déroute. César suit deux jours plus tard, et arrivant devant la capitale des Suessions, essaie de l’enlever dans la foulée. C’est un échec, mais, effrayés par l’importance des travaux de siège qu’il entreprend alors, les Suessions demandent la paix. Le Romain se transporte ensuite chez les Bellovaques, où l’entremise de Diviciacos lui permet de recevoir leur soumission sans livrer bataille, puis il monte chez les Ambiens qui se hâtent eux aussi de demander la paix en le voyant approcher. On lui apprend alors que cette promenade militaire risque de prendre fin avec l’entrée chez les Nerviens. Ceux-ci, en effet, ayant regroupé sous leurs ordres les Atrébates et les Viromandues, seraient, avec l’aide des Atuatuques qui allaient les rejoindre incessamment, décidés à lui interdire l’entrée de leur pays. Avant de s'occuper des questions militaires et humaines, voici en introduction un centrage sur la Géologie et ses implications: - 1° - Géologie et contexte du pays nervien : Pour profiter au mieux des éléments de géographie que fournit César, il y a lieu de bien apprécier le contexte naturel, tant à l’époque qu'aujourd’hui. Ce sera une aide pour sélectionner les lieux favorables où situer la bataille. Quatre éléments géologiques sont à retenir : -La Faille du Midi : elle va d’Irlande jusqu’à La Ruhr ; elle est sensiblement E-O à la hauteur de Dinant. Elle a façonné les bassins houillers. Pour nous elle est invisible car sous terre, sauf à être marquée par la dépression qu’empruntent la Sambre puis la Meuse dans les terrains durs du Paléozoïque qui bordent les Ardennes au nord. -Les Plaines du Nord formées par la terminaison des dépôts tendres, argilo-marneux de la fin du Crétacé. -Les Ardennes au sud de la faille du Midi, qui sont venues rajeunir le relief au Lutécien il y a 1 à 3 million d’années, et ont obligé la Meuse à recreuser son lit, comme l’a fait la Seine, et en périphérique à multiplier les marais au sud et à l’Ouest. Les Ardennes sont formées de terrains anciens plutôt durs du paléozoïque supérieur, les plus récents ayant été érodés. -La glaciation du Würms terminée il y a environ 5000 ans, et dont on voit des traces, surtout dans les terrains durs, où les vallées en auge sont encore identifiables . Pour le non-géologue ou géographe une vallée en auge est une vallée qui a été sous l’emprise des glaces, sédiments solides mais plastiques, qui érodent solidement les creux qu’ils empruntent, donnant à leurs vals des formes dite en auge comme le val de la Sambre moyenne. Ceci fait que notre zone d’étude (selon le B.G.) se divise en 2 parties : au nord c'est le sud de la Belgique actuelle et au sud c' est la plaine dite à grande culture. Les rivières débutent pour beaucoup dans cette plaine calcaro-marneuse et quelques unes vont se frotter avec les reliefs ardennais. Trois éléments humains sont à considérer sur la zone, initialement de forêt entrecoupée de clairières. Ils seront repris un peu plus loin dans le chapitre Commentaires, mais ils ont transformés le paysage . - L’accroissement de la population depuis les temps gaulois et corrélativement la déforestation qui s’est sérieusement accélérée au début du moyen-age, a entrainé une sérieuse pénéplanisation/érosion surtout dans les terres tendres du sud. Du temps de Boduognatos, les habitants étaient mal sédentarisés, et hors la cueillette et la chasse, élevaient des bêtes dans des enclos limités par des haies vives, avec des coutumes qui venaient des codes germains. Ce schéma était insolite pour un Romain - L’industrialisation depuis la fin du Moyen Age avec la grande culture, les aménagements pour construire des moulins destinés à fournir de l’énergie, pour assécher les terres humides . L’industrie avec le charbon et ses dérivés , le sucre de betterave, etc.... et plus récemment, la mécanisation de l’agriculture qui a augmenté les modifications dues à l’homme, et a accéléré les évolutions. - La régulation de l’hydrographie, surtout depuis le XVIII ème qui va en chambouler la circulation : les rivières sont canalisées, rectifiées surtout dans les zones à marécages, et l’eau des rivières utilisée autrement : exemple, la Selle, qui était une superbe rivière à truites qui nécessitait des aménagements (pont … ) pour être traversée, est devenue un ruisseau à vairons. - Sans pouvoir présenter des preuves de style juridique, je pense que vers Haspres, César aurait bien du mal à s’y retrouver de nos jours, sauf que la colline d’Avesnes le Sec est toujours là, et la seule colline ; la Selle comme l’Ecaillon ont « fondu» et les marécages de l’Escaut, comme ceux de la Somme ont rétréci. "A l’époque la Selle était plus large et couvrait le fond de la vallée. En 1927 on a retrouvé une chaussée romaine à un mètre de profondeur (sous le fond de la rivière) alors que les prairies bordant la rivière la dominent de 50 cm . C’est la preuve qu’ on a creusé le lit, elle a perdu en largeur ce qu’elle a gagné en profondeur et les talus et ses anciennes berges au pied des collines ont disparu, nivelés par la culture", observe le Chanoine Turquin, dans son écrit des Etudes Classiques N° XXIII, 1955. Nous disons la même chose pour le secteur d’Haspres. A Bigotte, qui a étudié une bataille sur la Selle, reste très flou. En ce qui concerne notre secteur d’étude, c'est dans le sud et ses plaines que s'est déroulée la bataille de la Selle-Sabis, alors que les terrains durs intéressent l’oppidum des Atuatuques (BG II, 29-33), et les anciennes hypothèses sur la localisation sur la Sambre des évènements militaires.
- 2° / Quatre rivières se disputent cette bataille : L’Escaut, la Sambre, l’ancienne Sambre et la Selle (et une ou deux fois sa jumelle, l'Ecaillon). - L’Escaut, connu de César, et dont le nom Scaldis ne se trouve dans presque aucun manuscrit du BG traitant de cet incident, a été peu envisagé. - La Sambre détient, depuis la Renaissance (1), époque où on a redécouvert César, la faveur des historiens, avec de nombreux sites, dont une majorité dans la région de Maubeuge, et d’autres plus excentrés, comme Presles ou Thuin, à proximité de Charleroi, ou Landrecies à hauteur d’Avesnes. - Sur l’Ancienne Sambre, Le Nouvion, à 12 kilomètres à l’ouest de La Capelle, parait offrir un schéma tactique intéressant. - Enfin, sur la Selle, depuis le congrès d’Enghien en 1898, le site de Saulzoir, est considéré comme plausible, préféré à celui de Solesmes, en amont. (1) En 1450, un anonyme, dans une chronique tournaisienne, traduit Sabim par Sambre, et tout le monde a suivi. (M. Arnould, Revue belge de philologie et d’histoire, 1941, La bataille du Sabis, pp 29-106). - 3° / Pourquoi ces incertitudes ? - Parce que César a été, comme de coutume, peu disert sur l’itinéraire qu’il a suivi et les caractéristiques topographiques du terrain - sauf pour celles qui influèrent sur l’affrontement proprement dit. - Parce qu’on connaît mal – plus mal encore qu’en Gaule chevelue - les limites des cités ( civitas) belges. - De même on ne sait rien de vraiment précis sur les chemins gaulois de cette région. Tout au plus devine-t-on qu’ils joignaient entre eux les principaux pagi des Civitas. - On ne connaît pas davantage le point de départ exact des légions qui doit se situer vers le futur Amiens), ni celui de l’armée des Atuatuques, ni sur quelle rive de la Sabis – ou du Sabis, les noms de rivière étant masculins en latin - était installée chacune des troupes en présence. - Parce que César, en relatant les prémices de cette bataille semble rester volontairement flou, peut-être pour dissimuler certaines négligences concernant la sûreté de sa progression. - En plus, là comme ailleurs, la plupart des noms de l’époque ont été perdus. - Enfin parce que, aucun site ne se révélant évident, nombre d’historiens qui se sont intéressés à cette bataille, ne l’ont traitée que de façon superficielle.
- 4° / Que sait-on de la Nervie, de ses frontières et de ses voisins à l’indépendance ? Les Gaulois n’avaient pas, sur les frontières, les mêmes conceptions que nous : le concept de ligne frontière continue leur était étranger Les spécialistes pensent que, surtout pour certains peuples belges, la notion d’appartenance à une cité se marquait, avant la conquête, moins à la possession d’un territoire défini, qu’à la reconnaissance des liens sociaux qui soudaient une communauté, qui comme la notion de propriété évoluaient avec le temps. Des « no-man’s-lands » séparaient en général les cités et même parfois leurs pagi : « A la conquête et à l’organisation administrative romaine, nous passons d’un découpage territorial discontinu, à une division en entités jointives » (X. Deru - Cadres géographiques du territoire des Nerviens – Revue archéologique du Nord – 2009 – pp181–202) Ce qui voudrait dire que, sauf peut-être sur les rivières ou fleuves importants, les frontières étaient représentées par des bandes de terrain inoccupées de largeur variable, sur lesquelles chacune des populations limitrophes pouvaient prétendre posséder des droits. On ne connaît pas de capitale, ni d’agglomération importante aux Nerviens de l’indépendance : Bavay, qui deviendra chef-lieu au haut Empire, n’existait pas à l’époque, ou se réduisait à une ferme, Tournai n’a fourni aucun vestige antérieur à - 40 et se serait développé autour d’un poste militaire romain, (Joseph Mertens, les débuts de l’urbanisation dans le Nord de la Gaule – Caesarodunum, 1985); quant à Cambrai, capitale au bas Empire, aucun indice, à ce jour, ne montre qu’il y ait eu avant la conquête, un établissement de quelque importance à cet endroit. Le cœur de la Nervie libre parait avoir été centré sur le cours de la Haine, affluent de l’Escaut qu’il rejoint à Condé. Les Nerviens – comme d’autres cités belges – n’auraient pas eu de capitale au sens que l’on donne à la Gergovie des Arvernes ou à l’Avaricum des Bituriges. Cependant c’était un peuple uni politiquement, dirigé par un « sénat » de notables, et qui détenait une influence certaine sur ses voisins puisqu’il a entraîné trois cités proches dans sa rébellion. Le pays était probablement divisé en districts relativement autonomes, possédant des bourgs et un ou des lieux sacrés, et les décisions politiques se prenaient sans doute dans des sites de réunions, sanctuaires reconnus à l’échelon de la Cité. Les spécialistes pensent que La Nervie en était encore au stade précédant l’urbanisation qui s’accomplissait alors dans la « Gaule chevelue ». Des traces de fortifications ont été trouvées à Avesnelles, Thuin et Rouveroy - quant à Pommeroeul, les spécialistes hésitent : « villa » ou sanctuaire ? - mais aucune de ces agglomérations ne parait avoir pu remplir le rôle de capitale. Des précisions sur les frontières sud de la Nervie sont apportées par les travaux récents de deux chercheurs de l’université de Lille, Mme G. Leman-Delerive et M. Xavier Deru. Dans cette région du nord, une entité semble avoir existé au moment de la conquête : le Belgium, fraction de la Gaule Belgique. César le mentionne au livre V (24, et 25), et Hirtius au VIII (46 et 49) et cette entité parait avoir regroupé Bellovaques, Ambiens, Atrébates et Viromandues. Le Cambrésis semble appartenir à ce groupement, et l’archéologie l’y rattache par les mobiliers et les coutumes entourant la mort, qui s’y révèlent comparables : types de tombes et style des sanctuaires, (Mme Leman-Delerive : Délimitation et spécificités du peuplement celtique dans la partie occidentale de la Gaule Belgique - Mariemont - 2009- pp123-133) M. Xavier Deru, par une étude en particulier numismatique, parvient aux mêmes conclusions et circonscrit « le territoire des Nerviens au Hainaut et au sud du Brabant ». Il juge que « le Cambrésis, intégré [sous l’Empire] à la civitas nerviorum, était, à l’age du fer,occupé par un autre groupe [que celui qui peuplait la Nervie]. Le Cambrésis de l’indépendance, province du Belgium, aurait donc appartenu soit aux Atrébates, soit aux Viromandues ; Il aurait même pu être partagé entre les deux populations. Il était en conséquence, à la période qui nous intéresse, distinct de la Nervie, et en était séparé par une bande de terrain inoccupée, au milieu de laquelle courait la Selle – ou qui était bordée, au nord ou au sud, par cette rivière. Après la conquête, les riches terres du Cambrésis furent rattachées à la Nervie gallo-romaine, et Cambrai deviendra même, au bas-Empire, chef-lieu de la province, et siège de l’Evêché. Les frontières du territoire nervien de -57 devraient, pour la limite occidentale inclure le cours de l’Escaut par Tournai et Valenciennes jusqu’à Denain, puis, face au sud-ouest avoisiner le cours de la Selle jusqu’aux environs de Wassigny – et c’est cette bande de terrain qui est primordiale pour notre enquête - ensuite face au Sud suivre une ligne Ouest-Est passant par Le Nouvion, bordant Fourmies au nord, et remontant à partir de Chimay vers Cerfontaine et Silenrieux (à l’ouest de Philippeville), puis, à l’Est, sur le cours de l’Eau d’Heure jusqu’à la Sambre de Marchiennes-le-Pont en amont de Charleroi. Albert Grisart (César dans l’Est de la Belgique – les Aduatuques et les Eburons – les Etudes classiques – XXVIII, 1960) définissait la limite orientale en assignant aux Nerviens une frontière qui suivait les cours de la Dyle et de la Lasne, soit une ligne Louvain-Thuin-Chimay, sur laquelle ils auraient été repoussés par la troisième vague belge, qu’on désigne souvent sous le nom de Germains cisrhénans. Après la conquête, le centre de gravité de la Nervie se déplacera vers le Sud, sur la Sambre et Bavay, avec son étoile de voies romaines. Les Atuatuques occupaient le cours de la moyenne Meuse, et auraient possédé les régions de Namur et de Tongres. Chez les Ambiens, on considère qu’Amiens n’existait pas encore, et que leur territoire couvrait en gros le bassin de la Somme De toutes les rivières proposées pour cette bataille, c’est la Selle qui offre les seules possibilités compatibles avec le texte de César, même si aucun des schémas retenus sur cette rivière depuis la communication de M. de Marneffe au congrès d’Enghien de 1898, n’est satisfaisant. C’est donc la bataille sur la Selle, telle que nous la voyons, que nous allons exposer ici, la critique des autres hypothèses étant rejetée en annexe. -Les Cités de Gaule Belgique d'origine germanique
II / Le Texte de César
B.G. livre II chap 16 à 27 suite de la première campagne de Belgique . traductions latines et française de Constans.
XV ......... il marcha vers le pays des Ambiens : ceux-ci , à son arrivée, se hâtèrent de faire leurs soumission complète. Ils avaient pour voisins les Nerviens. L’enquête que fit César sur le caractère et les mœurs de ce peuple lui fournit les renseignements suivants : les marchands n’avaient aucun succès auprès d’eux ; ils ne souffraient pas qu’on introduisît chez eux du vin ou quelque autre produit de luxe, estimant que cela amollissait leurs âmes et détendait les ressorts de leurs courage ; c’était des hommes rudes et d’une grande valeur guerrière ; ils accablaient les autres belges de sanglants reproches pour s’être soumis à Rome et avoir fait litière de la vertu de leurs ancêtres ; ils assuraient que quant à eux, ils n’enverraient pas de députés et n’accepteraient aucune proposition de paix. XVI César , après trois jours de marche à travers leur pays - per eorum fines triduum iter fecisset (1 ) apprit en interrogeant les prisonniers que la Sabis n’était pas à plus de dix milles de son camp ; « tous les Nerviens avaient pris position de l’autre côté de cette rivière - trans id flumen (2) - et ils y attendaient l’arrivée des Romains, avec les Atrébates et les Viromandues, leurs voisins, car ils avaient persuadé ces deux peuples de tenter avec eux la chance de la guerre ; ils comptaient aussi sur l’armée des Atuatuques et en effet elle était en route ; les femmes et ceux qui en raison de leur âge ne pouvaient être d’aucune utilité pour la bataille, on les avait entassés en un lieu que les marais rendaient inaccessible à une armée » XVII Pourvu de ces renseignements, César envoie en avant des éclaireurs et des centurions chargés de choisir un terrain propre à l’établissement d’un camp. Un grand nombre de Belges soumis et d’autres gaulois avaient suivi César et faisaient route avec lui ; certains d’entre eux, comme on le sut plus tard par les prisonniers, ayant étudié la façon dont avait été réglée pendant ces jours- là la marche de notre armée, allèrent de nuit trouver les Nerviens et leurs expliquèrent que les légions étaient séparées l’une de l’autre par des convois très importants et que c’était chose bien facile quand la première légions serait arrivée sur l’emplacement du camp et que les autres seraient loin derrière elle, de l’attaquer avant que les soldats eussent mis le sac à terre ; une fois cette légion mise en fuite et le convoi pillé, les autres n’oseraient pas leurs tenir tête. Une considération appuyait encore le conseil de leurs informateurs : les Nerviens n’ayant pas de cavalerie ( jusqu’à présent en effet ils ne s’y intéressaient pas mais toutes leurs force ils la doivent à l’infanterie) avaient depuis longtemps recours, afin de mieux faire obstacle à la cavalerie de leurs voisins dans les cas où ils viendraient faire des razzias chez eux au procédé suivant : ils taillaient et courbaient de jeunes arbres ; ceux-ci poussaient en largeur de nombreuses branches ; des ronces et des buissons épineux croissaient dans les intervalles si bien que ces haies semblables à des murs leur offraient une protection que le regard même ne pouvait violer. Notre armée étant embarrassée dans sa marche par ces obstacles, les Nerviens pensèrent qu’ils ne devaient pas négliger le conseil qu’on leur donnait. XVIII La configuration du terrain que les nôtres avait choisi pour le camp était la suivante . Une colline - collis (3) - toute en pente douce descendait vers la Sabis, ci-dessus nommée ; en face, de l’autre côté de la rivière naissait une pente semblable, dont le bas , sur deux cents pas environ était découvert , tandis que la partie supérieure était couverte par de la forêt XIX César précédé de sa cavalerie suivait à peu de distance avec toutes ses troupes. Mais il avait réglé sa marche autrement que les Belges ne l’avaient dit aux Nerviens car à l’approche de l’ennemi il avait pris les dispositions qui lui étaient habituelles : six légions avançaient sans bagages puis venaient les convois de toutes l’armée, enfin deux légions, celles qui avaient été levées le plus récemment, fermaient la marche et protégeaient les convois. Notre cavalerie passa la rivière en même temps que les frondeurs et les archers et engagea le combat avec les cavaliers ennemis. Ceux-ci, tour à tour se retiraient dans la forêt auprès des leurs tour à tour reparaissant, chargeaient les nôtres ; et les nôtres n’osaient pas les poursuivre au-delà de la limite où finissait le terrain découvert .Pendant ce temps , les six légions qui étaient arrivées les premières, ayant tracé le camp, entreprirent de le fortifier. Dès que la tête de de nos convois fut aperçue par ceux qui se tenaient cachés dans la forêt—c’était le moment dont ils avaient convenu pour le combat—comme ils avaient formé leur front et disposé leurs unités à l’intérieur de la forêt augmentant ainsi leur assurance par la solidité de leur formation, ils s’élancèrent soudain tous ensemble et se précipitèrent sur nos cavaliers. Ils n’eurent pas de peine à les défaire et à les disperser puis avec une rapidité incroyable ils descendirent au pas de course vers la rivière si bien que presque en même temps ils semblaient se trouver devant la forêt , dans la rivière et déjà aux prises avec nous. Avec la même rapidité, ils gravirent la colline opposée, marchand sur notre camp et sur ceux qui étaient en train d’y travailler. XX César avait tout à faire à la fois : il fallait faire arborer l’étendard, qui était le signal de l’alarme, faire sonner la trompette, rappeler les soldats du travail, envoyer chercher ceux qui s’étaient avancés à une certaine distance pour chercher de quoi construire le remblai, ranger les troupes en bataille, les haranguer et, donner le signal de l’attaque ; Le peu de temps et l’ennemi qui approchait, rendait impossible une grande partie de ces mesures. Dans cette situation critique, deux choses aidaient César : d’une part l’instruction et l’entrainement des soldats, qui exercés par les combats précédents pouvaient aussi bien se dicter à eux-mêmes la conduite à suivre que de l’apprendre d’autrui ; d’autre part l’ordre qu’il avait donné aux légats de ne pas quitter le travail et de rester chacun avec sa légion tant que le camp ne serait pas achevé. En raison de la proximité de l’ennemi et de la rapidité et de la rapidité de son mouvement ils n’attendaient pas cette fois les ordres de César, mais prenaient d’eux-mêmes les dispositions qu’ils jugeaient bonnes. XXI César se borna à donner les ordres qu’il jugeait indispensables et courut haranguer les troupes du côté que le hasard lui offrit ; il tomba sur la Xème légion. Il fut bref, recommandant seulement aux soldats de se souvenir de leur antique valeur, de ne pas se troubler et de tenir ferme devant l’assaut ; puis l’ennemi étant à portée de javelot, il donna le signal du combat. Il partit alors vers l’autre aile pour y exhorter aussi les soldats, il les trouva combattants. On fut tellement pris de court et l’ardeur offensive des ennemis fut telle que le temps manqua non seulement pour arborer les insignes mais pour mettre les casques et enlever les housses des boucliers. Chacun au hasard de la place où il se trouvait en quittant les travaux, rejoignit les premières enseignes qu’il aperçut afin de ne pas perdre à la recherche de son unité, le temps qu’il devait au combat. XXII Comme les troupes s’étaient rangées selon la nature du terrain et la pente de la colline en obéissant aux circonstances plutôt qu’aux règles de la tactique et des formations usuelles comme les légions, sans liaison entre elles, luttaient chacune séparément et que des haies très épaisses ainsi qu’on l’a dit plus haut, barraient la vue, on n’avait pas de données précises pour l’emploi les réserves, on ne pouvait pourvoir aux besoins de chaque partie du front et l’unité de commandement était impossible. Aussi bien les chances étaient trop inégales pour que la fortune des armes ne fût aussi très diverse. XXIII La 9 ème et la 10ème légions qui se trouvaient à l’aile gauche , lancèrent le javelot ; harassés par une longue course et tout hors d’haleine, et pour finir blessés par nos traits, les Atrébates ( car c’étaient eux qui occupaient ce côté de la ligne ennemie) furent rapidement refoulés de la hauteur vers la rivière et tandis qu’ils tentaient de la franchir, les nôtres les poursuivant à l’épée en tuèrent un grand nombre. Puis ils n’hésitèrent pas à passer eux-mêmes la rivière, et progressant sur un terrain qui ne leur était pas favorable, brisant la résistance des ennemis qui s’étaient reformés ils les mirent de nouveau en déroute après un nouveau combat. Sur une autre partie du front, deux légions avaient défaits les Viromandues qui leurs étaient opposés leurs avaient fait dévaler la pente et se battaient sur les bords même de la rivière. Mais le camp presqu’entier sur la gauche et au centre se trouvant ainsi découvert – à l’aile droite avaient pris position la 12ème légion et non loin d’elle la 7ème—tous les Nerviens en rang serrés sous la conduite de Boduognatos, leur chef suprême marchèrent sur ce point et tandis que les uns entreprenaient de tourner les légions par leur droite, les autres se portaient sur le sommet du camp. XXIV Dans le même moment nos cavaliers et les soldats d’infanterie légère qui les avaient accompagnés, mis en déroute au début de l’attaque rentraient au camp pour s’y réfugier et se trouvaient face à face avec les Nerviens et se mirent à fuir dans une autre direction et les valets qui de la porte décumane sur le sommet de la colline avaient vu les nôtres passer , victorieux, la rivière et étaient sorti pour faire du butin, quand ils virent, en se retournant que les ennemis étaient dans le camp romain, se mirent à fuir , tête baissée ; en même temps s’élevaient des clameurs et un grand bruit confus : c’étaient ceux qui arrivaient avec les bagages et qui , pris de panique se portaient au hasard dans toutes les directions. Tout cela émut fortement les cavaliers trévires qui ont , parmi les peuples de la Gaule, une particulière réputation de courage et que leur cité ( civitates) avaient envoyé à César comme auxiliaires ; voyant qu’une foule d’ennemis emplissait le camp, que les légions étaient serrées de près et presqu’enveloppées, que valets, cavaliers, frondeurs , numides fuyaient de toutes part à la débandade, ils crurent notre situation sans espoir et prirent le chemin de leurs pays ; ils y apportèrent la nouvelle que les romains avaient défaits et vaincus, que l’ennemi s’était emparé de leurs camp et de leurs bagages. XXV César après avoir harangué la 10ème légion, était parti vers l’aile droite : les nôtres y étaient vivement pressés ; les soldats de la 12ème légion ayant rassemblés leurs enseignes en un même point, étaient serrés les uns contre les autres et se gênaient mutuellement pour combattre, la 4ème cohorte avait eu tous ses centurions et un porte enseigne, tués. Elle avait perdu une enseigne ; dans les autres cohortes, presque tous les centurions étaient blessés ou tués et parmi eux le primipile P. Sextius Baculus, homme du plus grand courage, qui épuisé par de nombreuses et graves blessures , ne pouvait plus tenir debout ; le reste faiblissait, et aux derniers rangs un certain nombre se sentant abandonnés, quittaient le combat et cherchaient à se soustraire aux coups ; les ennemis montaient vers nous sans relâche tandis que leur pression augmentait sur les 2 flancs ; la situation était critique. Ce que voyant ,et comme il n’attendait aucun renfort, César pris à un soldat des derniers rangs son bouclier—car il ne s’était pas muni du sien—et s’avança en première ligne : là il parla aux centurions en appelant chacun par son nom et harangua le reste de la troupe ; il ordonna de porter les enseignes en avant et de desserrer les rangs afin de pouvoir plus aisément se servir de l’épée. Son arrivée ayant donné de l’espoir aux troupes et leur ayant rendu du courage, car chacun en présence du général désirait, même si le péril était extrême, faire de son mieux, on réussit à ralentir un peu l’élan de l’ennemi. XXVI César voyant que la 7ème légion, qui était à côté de la 12ème , était également pressée par l’ennemi , fit savoir aux tribuns militaires que les deux légions devaient se souder et faire face aux ennemis en s’adossant l’un à l’autre ? Par cette manœuvre, les soldats se prêtaient un mutuel secours et ne craignaient plus d’être pris à revers. La résistance en fut encouragée et devint plus vive. Cependant les soldats des deux légions qui, à la queue de la colonne, formaient la garde des convois, ayant su qu’on se battait avaient pris le pas de course et apparaissaient au sommet de la colline ; d’autre part T . Labiénus qui s’était emparé du camp ennemi et avait vu de cette hauteur, ce qui se passait dans le nôtre, envoya la 10ème légion à notre secours. La fuite des cavaliers et des valets ayant appris à ces soldats quelle était la situation et quel danger couraient le camp, les légions, le général, ils ne négligèrent rien pour aller vite. XXVII L’arrivée des trois légions produisit un tel changement dans la situation que ceux même qui épuisés par leurs blessures, gisaient au sol ,recommençaient à se battre en s’appuyant sur leurs boucliers, que les valets l’ennemi terrifié, se jetèrent sur lui, même sans armes, que les cavaliers enfin, pour effacer le souvenir de leurs fuite honteuse, se multipliaient et cherchaient à surpasser les légionnaires. Mais l’ennemi, même alors qu’il ne lui restait plus guère d’espoir, montra un tel courage que quand les premiers étaient tombés, ceux qui les suivaient montaient sur leurs corps pour se battre, et quand ils tombaient à leur tour et que s’entassaient les cadavres, les survivants, comme du haut d’un tertre, lançaient des traits sur nos soldats et renvoyaient les javelots qui manquaient leur but. Il fallait se convaincre à un tel spectacle que d’avoir osé franchir une rivière très large - latissimum flumen (4) - escalader une berge fort élevée - altissimas ripas (4) - monter à l’assaut d’une position très forte - iniquissimum locum (5) - ce n’était pas une folle entreprise de la part de tel guerriers : leur héroïsme l’avait rendu facile. Les notes sont du professeur Yves Texier. 1) eorum fines (XVI, 1) La question est décisive : si "eorum" représente les Nerviens dont il vient d'être question, alors la Selle est trop proche et la bataille du Sabis a eu lieu plus loin... Et c'est bien l'interprétation ordinaire, la plus fréquente, parce qu'elle est spontanée. Mais le latin n'est pas la langue maternelle des latinistes, qui raisonnent malgré eux sur la traduction qu'ils se donnent, et qui comprennent dans la foulée "leur territoire" comme étant celui des Nerviens, parce que, en français, le discours indirect se distingue incomparablement moins du discours direct qu'en latin. Or ici, juste avant, il est en effet question des Nerviens, mais dans du discours indirect (XV, 4-6) ; et ce sont des Ambiens qui parlent ; et César les cite avec les infinitifs et les subjonctifs de rigueur, après avoir indiqué que le territoire des Nerviens était contigu au leur, "eorum fines Nervii attingebant". Par dessus le passage en discours indirect, la reprise du discours direct et de "eorum fines" en XVI, 1 peut ainsi renouer avec la même expression en XV, 3 - pour parler du territoire des mêmes, à savoir des Ambiens. Je ne sais pas si je suis très clair... ; mais du point de vue stylistique, le discours indirect en latin est un peu comme une séquence en noir et blanc dans un film en couleur... Cela demanderait une étude substantielle ; mais voyez, dans le même livre II, le passage de III, 5 à IV, 1. Il y a du discours indirect en III, 2-5 ; ce sont les Rèmes qui parlent, et qui terminent en parlant des Suessions. Et puis aussitôt, "César leur demanda..." (Constant), ou "César demanda à ces députés" (M. Rat) ; et de fait il n'y a pas d'hésitation, pas d'incertitude sur l'identité de ceux que désigne ce his ; mais le latin dit "Cum ab his quaereret..." et ce pronom démonstratif his ne renvoie donc pas à ceux dont il vient d'être question (les Suessions), mais bien aux Rèmes, par dessus le passage en discours indirect - de même que le pronom eorum ne renvoie pas aux Nerviens, mais, en deçà, aux Ambiens. (2) trans id flumen (XVI, 2) : Il n'y a pas d'hésitation à avoir, cela veut dire que les Nerviens sont de l'autre côté, du côté opposé, sans qu'on puisse préciser à quelle distance (qui de toute façon ne doit pas être trop grande, sans quoi l'indication perdrait sa pertinence). (3) collis (XVIII, 1) : En mémoire de nos observations sur place, la traduction mécanique par "colline" est une facilité approximative pour version ; on ne sait jamais d'avance de quoi il peut s'agir, colline, coteau, mont, voire montagne, etc. (tertre, butte...) ; l'idée générale étant celle d'une éminence, d'une hauteur, dont l'altitude et l'importance restent indéterminées ; tout au plus peut-on penser que le mot signifie une hauteur en quelque sorte isolée (non ; isolable plutôt) qui se détache tant soit peu et plus ou moins dans le paysage ; autrement dit, dont le sommet a des côtés en pente de part et d'autre, qui permettent de la distinguer dans son environnement. (4) latissimum flumen – altissimas ripas (XXVII, 5). Le problème est dans les superlatifs, qui semblent en contradiction tant avec le contexte général (XVIII, 1 et 2 : aequaliter declivis, pari acclivitate) qu'avec nos observations sur place et avec l'image d'époque que nos Mineurs nous en ont donnée au nom de la géologie. La solution me paraît être dans le contexte étroit du chapitre XXVII : César y fait l'éloge funèbre de l'ennemi vaincu, tant par estime que par calcul, car en admirant son adversaire il grandit d'autant son mérite ; c'est une amplification rhétorique, ce sont des superlatifs d'oraison funèbre, qui par définition ne sont pas à prendre à la lettre (ne sont pas descriptifs). - Comparez avec BG I, XXX, 3, qui paraît contredit par XXXI, 10 : le pays des Santons et le territoire des Séquanes ne peuvent pas être tous les deux le meilleur de la Gaule ; mais au ch. XXX il s'agit (en discours indirect) du choix des Helvètes, et au ch. XXXI de celui d'Arioviste, sans que soit objectivement exprimé le point de vue de César. (5) iniquissimum locum (XXVII, 5). Un petit mot de l'adjectif : il signifie précisément "inégal" et plus généralement "défavorable" ; ici, vu le contexte des deux autres adjectifs (la traversée de la rivière, la hauteur des rives), et vu le verbe "subire" avec l'idée de monter, le terrain est (serait) d'abord défavorable en raison de la dénivellation ; mais il faut relativiser, c'est de l'exagération marseillaise.
III / Remarques sur le Texte de César Commentaires sur la forme du B.G. : Pas mal de bavardages au début, et quelques phrases ambigües, indiquent que César n’a pas eu la situation réellement en main au déclenchement de l'embuscade. Par ailleurs il a su, en gros, où était Boduognatos, ce que lui a confirmé l'apparition des cavaliers atrébates. On s'explique donc mal son attitude qui s’apparente à de l’insouciance, et qui se traduit par le style parfois ampoulé de son texte. Enfin ses commentaires pendant le combat, basés sur la topographie sont plus dignes d’un avocat que d’un général. Il en ressort cependant, que la rivière était plutôt large avec des berges correspondant à un début de creusement du lit ; ce qui est très normal, et le processus en s’accélérant aboutira normalement à l’état actuel à part la baisse de débit dont l’homme est responsable (Claude .Delas.).
Autres remarques sur le texte de César. A la lecture de ce texte on pourraitt essayer de tracer un portrait robot du site de la bataille, et tenter d’extraire, de ce que nous raconte le Proconsul, des éléments permettant de trouver le bon emplacement de l’affrontement. - A - Peut-on établir un portrait robot ? La description de César ne porte que sur la rivière et les lisières de la forêt. Toutes choses qui ont eu le temps de bien changer en 2000 ans. N’importe quel cours d’eau nervien de 90 cm de fond pourrait donc convenir, s’il est bordé par des collines assez étendues mais aux pentes relativement douces. Par contre, seule, la véritable Sabis risque de répondre aux buts de guerre des deux protagonistes. En conséquence, il va falloir, pour trouver le vrai champ de bataille, s’appuyer sur des indices tirées de la campagne elle-même, et pas seulement sur le mot à mot de la description du site.
L’emplacement de cette bataille doit : -1 - justifier le choix de Boduognatos, dont le but est d’empêcher César d’envahir et/ou de ravager la Nervie. -2 - être situé sur la route empruntée par le proconsul pour atteindre ses objectifs de campagne. -3 - Satisfaire à la description du BG. A s’en tenir strictement au texte : - La Sabis est une rivière de 90 cm de profondeur, à l'époque et à cet endroit, mais sans doute assez large. - Une des deux hauteurs qui la bordent a un sommet assez étendu pour qu’on puisse y tracer un camp (ou des camps) pour huit légions. Les Nerviens se sont installés (le « trans id flumen » est imprécis, voir le renvoi 2 du « Texte de César »), soit juste de l’autre coté de la Sabis, soit couverts par elle, sur un emplacement situé en arrière, plus favorable, mais plus éloigné du cours d’eau. - De part et d’autre de cette rivière, on trouve deux pentes douces dénudées dont une possède, après un espace de 300 mètres, un sommet boisé (bien entendu, en 2000 ans, la couverture végétale a eu le temps de se modifier). - Il y a, bien sûr, les trois étapes et le dernier camp à 15.000 mètres du lieu de la bataille, mais si l’on peut évaluer à 25 Km par jour une étape de l’armée romaine, comme on ne sait avec précision ni d’où il est parti (Amiens n’existait pas encore), ni par où il est passé, on ne peut pas tirer de conclusion ferme de ces éléments. La lettre de ce texte ne permet aucune localisation certaine. Il faut donc compléter ces données trop succinctes, par des observations tirées des objectifs de campagne des deux protagonistes. La bataille va se dérouler : * sur un itinéraire qui, partant du pays ambien, mène César au cœur de la Nervie, * ou encore, sur un chemin qui conduit le Proconsul à la rencontre de l’armée nervienne, dont on lui signale, après trois jours de marche, la présence proche, derrière une rivière appelée Sabis. - Si les Nerviens ont décidé d’y livrer bataille, c’est que le site choisi présente un avantage tactique ou défensif qui leur offre l’espoir de mettre fin à l’invasion romaine. Où se trouve la Sabis ?
B - Quels sont les buts de guerre des deux protagonistes ? On était, d’après Napoléon et la majorité des historiens, à la fin juillet, époque où sous cette latitude, les moissons sont en partie sur pied, et pour une autre part, rentrées dans les greniers ou mises en meule. César veut soumettre les Nerviens rebelles. Il a deux possibilités - soit se diriger vers le centre du pays, en brûlant les moissons sur pied, les meules et les granges, pillant et incendiant les habitations et les bourgs rencontrés. - soit détruire l’armée des Nerviens, prendre des otages, et imposer un tribut au peuple. La première solution est le moyen le plus économique – sinon le plus rapide - pour assujettir un peuple, qui ne possède pas de centre urbain dans lequel s’incarne le symbole politico-religieux de la cité. Aucun lieu ne sera donc suffisamment représentatif de l’identité nervienne pour que sa destruction ou sa prise entraine la reddition de la Cité. Par contre, la population va mourir de faim si ses moissons et ses greniers sont détruits, et elle tentera alors d’empêcher cette destruction, en affrontant au besoin l’armée romaine, même en rase campagne. La seconde possibilité est plus risquée, car l’armée belge va l’attendre dans une position choisie pour ses qualités défensives. Et l’armée romaine n’aime pas ce genre de confrontation derrière une rivière, un marais ou sur une position haute, dont le franchissement casse la cohésion des troupes et annihile les qualités du légionnaire entraîné au combat en ligne ; elle préfère les batailles ordonnées, à la rigueur les sièges quand elle ne peut les éviter. Le Romain n’attaquera la position belge que si celle-ci lui interdit la poursuite de ses objectifs (barrage sur son itinéraire), ou fait peser sur sa progression, une menace majeure. Le proconsul devrait donc adopter la première solution. De son côté, Boduognatos veut interdire à César l’accès aux fermes et aux greniers de sa patrie, son but est d’empêcher le saccage de la Nervie, en arrêtant le Romain au plus près de la frontière Il ne va donc pas aller se camoufler dans un coin perdu, ou au fond de son pays, en espérant que César abandonnera ses idées de pillage et de destruction, pour venir l’affronter sur la position (le BG nous dit que c’était la Sabis), que lui, Boduognatos, aura choisie parce qu’elle devrait lui permettre de mener un combat victorieux. Cette position, pour répondre à ces objectifs, doit donc, à proximité de la frontière du pays : -soit barrer efficacement la route du Romain -soit faire peser sur sa progression une menace suffisamment forte pour inciter César à faire demi-tour, ou à attaquer les Belges.
- C - Pourquoi n’est-on pas arrivé à se mettre d’accord sur un site unique ? Si l’on se reporte aux estimations rèmes (BG - II, 04) avant la bataille de l’Aisne, les Atrébates et les Viromandues devaient fournir chacun dix mille hommes, les Atuatuques dix-neuf, et les Nerviens cinquante mille Les forces de ces quatre cités – qui, d’après Stephan Fichtl (les Gaulois du Nord de la Gaule – Errances – 1994) n’ont pas pris part à la bataille de l’Aisne, n’ayant pu arriver à temps, devaient, quelques semaines plus tard, présenter ces mêmes effectifs.. Aux 70.000 hommes de la coalition – sans compter les 19.000 Atuatuques en attente - César oppose ses huit légions, soit, avec les auxiliaires,50 à 60.000 soldats entraînés. Le site de la bataille devra pouvoir accueillir une telle foule. Sans doute à cause des effectifs en présence , la plupart des historiens, après avoir éliminé l’Escaut – dont le nom Scaldis était connu de César – ont négligé les ruisseaux peu importants, et ont conservé la Sambre, belle et large rivière. Mais devant la difficulté de fournir des explications cohérentes, ils ont: - soit inventé des schémas justifiant le texte, positionnant les Belges d’un côté ou de l’autre de la rivière, suivant leur conception personnelle de la campagne : la plupart des sites reconnus sur la Sambre se voient proposer deux solutions, une de chaque côté de la rivière. - soit choisi une zone approximative, et jeté un voile prudent sur le déroulement détaillé des opérations, dans l’impossibilité où ils étaient, de trouver une justification à un affrontement à cet endroit. - M. Le Bohec lui-même, (César chef de Guerre, éditions du Rocher – 2001), qui hésite entre « l’Escaut pour des raisons logiques, et la Selle pour des raisons philologiques », se garde bien de prendre parti pour quelque solution que ce soit !
- D - Le flou et les incohérences du texte. - 1° / - Si les Belges se sont établis juste derrière cette rivière (c’est ce que raconte le BG), c’est qu’elle leur offre un emplacement favorable à l'embuscade ou à la bataille d'arrêt prévue. Pourquoi, alors, la traverser sous les yeux de l’ennemi, et aller attaquer celui-ci sur la rive opposée ? Elle ne constituait qu’un camouflage ? Curieux ! - 2° / - César ne parle pas d’une bataille visant à détruire l’armée romaine, ou au moins l’arrêter et la chasser de Belgique, il parle d’une embuscade sur la première légion : C’est curieux de limiter son effort à une seule légion quand il y en a huit qui arrivent, et qu’on veut empêcher l’invasion de son pays ? Cette histoire d’embuscade limitée est peu crédible. Si ce que nous disent les Commentaires est exact, Boduognatos aurait dû lancer l’assaut à la fin du passage de ce premier corps sans attendre l’arrivée de la suite. Il commandait une coalition, toujours malaisée à faire obéir, et qui, étalée sur un large front (Cf. les effectifs), avait reçu des ordres d’exécution difficiles à modifier discrètement « sous le nez » de l’ennemi. Au lieu de cela, les Belges laissent arriver toute la colonne sans lever le petit doigt ! Bien sûr, on peut supposer avec M. de Cayrol (Dissertation sur l’emplacement du champ de bataille où César défit les Nerviens et leurs alliés – Amiens – 1832 – Voir, en annexe 2, la bataille à Catillon), que Boduognatos a retenu ses troupes jusqu’à ce qu’arrive la tête du convoi de bagages, estimant alors que seule était devant lui la légion de tête qu’on lui avait annoncée. C’est – me semble-t-il - prendre ce Belge pour un demeuré ! Il y a sûrement une autre raison à l’immobilisme du Nervien. S’il était aussi bon tacticien que nous le laisse entendre César, le Belge n’aurait pas prévu son affaire de la façon dont la décrit le proconsul : On ne monte pas une embuscade sur la seule légion de tête, quand on sait qu’il y en une demi-douzaine d’autres qui suivent, ou alors c’est qu’il existe un obstacle difficilement franchissable qui permettra d’arrêter les légions suivantes. Mais ce n’est pas le cas : même si la route traverse la Sabis, la lisière des bois est à 300 mètres de la rivière, et celle-ci ne fait que 90 cm. de profondeur, avec des pentes douces ! Une embuscade « partielle » se serait attaquée à la dernière légion, car il est plus difficile de revenir en arrière quand on est sorti de la gueule du loup, que de charger devant soi en marchant au canon pour dégager sa route, et, au passage, aider les amis pris dans le piège. Si Boduognatos avait ordonné un tel scénario, l’attaque ne se serait en effet pas déclenchée à l’arrivée de la première légion ! Mais rien ne dit – sauf César – que l’embuscade ne visait qu'un seul corps : Boduognatos avait sans doute l’intention d’attaquer les six légions de tête, il avait des effectifs qui lui permettaient de croire la chose possible, et n’attaquer qu’une seule légion – même si c’est la légion de queue et qu’on peut, en plus, espérer piller les bagages - laisse la majeure partie du corps d’armée ennemi presque intact, et donc ne résout rien. - 3° / - Néanmoins, on peut deviner que l’affaire ne s’est pas déroulée telle qu’elle avait été prévue dans les plans du Nervien. En effet, l’assaut ne fut visiblement donné qu’ un bon moment après l’arrivée des légions : les six corps de tête s’étaient arrêtés, leurs soldats – d’après César - s‘étaient déjà éparpillés pour couper du bois, chercher de quoi construire le remblai, ou peut-être marauder, les armes et les casques semblent avoir été déposés aux faisceaux. Le retard des deux autres légions, dû à la lenteur du convoi, était normal . Cela voudrait dire qu’un élément imprévu s’est glissé dans le déroulement. Ce pourrait être l’ordre de César de s’arrêter et de monter le camp avant de traverser la Sabis. Boduognatos, au lieu d’assister au défilé des six légions devant ses troupes - ou à travers elles, si son embuscade était montée de part et d’autre du gué - eut la surprise de les voir s’arrêter et préparer paisiblement leur halte du soir. Devant cette installation imprévue d’un campement juste en face de sa position, le Belge comprend que ses plans sont devenus caducs. Désespérant de pouvoir quitter discrètement ses emplacements, et peut-être aussi de retrouver à proximité un autre endroit favorable à ses buts, il attend que le désordre des arrivées soit à son maximum pour déclencher quand même l’assaut, espérant que l’effet de surprise, et le chaos des cohortes préparant la halte, compenserait la valeur des Romains, et disloquerait leur système de défense . - 4°/ - Mais jamais l’installation du camp n’aurait dû s’exécuter dans une telle pagaille : César et ses légats savaient dresser en sécurité un camp à proximité des troupes ennemies : ils l’avaient démontré devant Arioviste l’année précédente, en construisant un camp de deux légions à six cents pas du Suève (BG I, 49). La désorganisation que nous raconte le proconsul pourrait signifier que, malgré les renseignements reçus la veille, en ne voyant que quelques cavaliers batteurs d’estrade rapidement mis en fuite, il a pensé que les prisonniers l’avaient trompé, ou que le trans id flumen concernait une installation défensive couverte par la Sabis, mais positionnée à distance, plus loin vers le Nord-Est. Cela seul expliquerait qu’il ait toléré un tel désordre. - 5° / - Avec ses 50.000 Nerviens, Boduognatos s’était visiblement réservé la décision, et il avait scindé (1) ses guerriers en plusieurs détachements : Un premier groupe d’assaut attaquant les deux légions de l’aile droite romaine, les 7 et 12, et deux corps de réserve qu'il a fait intervenir plus tard, en fonction du déroulement des combats. - l’un a été chargé de déborder la légion d’aile droite, pour l’attaquer par derrière et de flanc, afin d’accélérer la décision sur ce point. - l’autre a été lancé dans le vide laissé par l’avancée de la 8 et de la 11, afin, d’après César, de s’emparer du camp romain. C’est le proconsul qui nous dit que ce troisième détachement a reçu mission de s’emparer du camp romain, mais cette saisie n’aurait probablement rien rapporté au Nervien à ce moment de la bataille : le convoi n’était pas arrivé, et les six premières légions avaient posé leurs bagages près de la route : le camp était vide et inachevé ! Boduognatos a peut-être confié à ce détachement une mission de couverture face à l’arrivée des deux légions manquantes, puisque le combat s’éternisait. , Il est possible aussi que ce détachement se soit dirigé, de sa propre autorité, ou parce qu’il n’avait pas compris les derniers ordres reçus, vers le camp en cours d’édification, dans l’’espoir d’y piller quelque chose. (1) Une foule de 50.000 hommes est incommandable sur le terrain : il faut la partager en plusieurs corps autonomes ayant chacun une mission spécifique, et un chef. Il était difficile au Belge, sans déceler sa présence, de changer l’organisation de sa troupe après l’arrivée des légions de tête, et aussi proche d’elles. Tout au plus a-t-il pu modifier la mission de certains détachements. Ce qui expliquerait que le troisième groupe nervien ait reçu une mission mal comprise, par César, mais aussi peut-être par ce détachement lui-même.
- 6° / - Les récits de la campagne contre les Vénètes, de Gergovie, ou d’Uxellodunum ne comptent que sept pages et demi (plus six et demi pour l’incident contre les Héduens dans l’affaire des Arvernes) mais ces trois affrontements ont duré de nombreux jours et donné lieu à des travaux et des manœuvres variées. Lutèce n’en nécessite que cinq, mais cette bataille ne concernait « que » Labienus. Bien sûr, Alésia en totalisera quinze (plus quatre et demie pour la description de l’Armée de secours et le discours de Critognatos), mais l’affrontement a duré un mois, et ce fut - par les travaux réalisés et les effectifs en présence - la plus grande bataille de l’antiquité. La narration de cet affrontement contre les Nerviens comporte dix page Ce qui veut dire que pour expliquer le déroulement de ce combat d’une demi-journée, César s’est cru obligé de se justifier longuement. - Pourquoi ? - 7° / - César essaie d’expliquer (II, 22) son incapacité à reprendre en mains la situation (BG – II, 22) en revenant sur les haies nerviennes, et disant qu’en partie à cause d’elles ; « l’unité de commandement était impossible », et qu’il a été dépassé. Notons au passage que ces haies « plessées », fréquentes – et d’ailleurs de conceptions variées - dans les régions bocagées d’Europe occidentale qui mêlent élevage et petite culture, ne peuvent avoir cloisonné défensivement tout le territoire, comme essaie de nous le dire César, mais devaient seulement, comme aujourd’hui, empêcher les animaux sauvages et domestiques de saccager les cultures sur pied. Elles constituaient sûrement une gêne à la manœuvre, mais pour chacun des deux belligérants.
- E /- L'Environnement de la Sabis, hier et aujourd’hui- Par Claude Delas. Les derniers gaulois arrivés, moitié celtes moitié germains, plus éleveurs et ex-nomades que cultivateurs et sédentaires, se sont installés en défrichant les terres dont ils avaient besoin, dans un habitat dispersé, comme est la coutume dans les pays du Nord : Ce sont nos Belges. Lorsque César arrive, le paysage est fait de zones boisées, disons de petites forêts qui fournissent de quoi alimenter les feux pour se chauffer en hiver et cuisiner, et de bocages qui délimitent les parcs à bestiaux et protègent également des incursions des voisins avec leurs fameuses haies plessées, faites avec de l’épine blanche ou noire, le moyen le plus économique de faire des haies durables. La Sabis coule dans cet environnement ; les crues ne doivent pas être fréquentes, les eaux de pluies étant régulées par la forêt d’un côté, par des haies et des bois de l'autre,mais l'érosion a déjà commencé. Aujourd’hui, sur la Selle, il y a une succession de villages. L’ère du charbon s’étant terminée, la grande activité est l’agriculture industrielle qui n’est pas vorace en bois, mais qui favorise l’érosion des terres et le comblement des creux, quand le débit des rivières est insuffisant. La Sambre coule à ses débuts dans cette configuration mais dès qu’elle emprunte le trajet O.E. de la faille du midi pour rejoindre la Meuse à Namur, elle coule dans des terrains de l’ère primaire, beaucoup plus durs, et sa vallée a conservé sa forme glaciaire dite en U. La Sambre parcourt, en gros, des terres plus boisées, moins fertiles et plus cabossées que la Selle. L’homme accentue sa pression démographique depuis l’installation des Gaulois, pression aggravée par l’arrivée de l’ère industrielle ; car non seulement la terre se révèle favorable à la culture céréalière, puis betteravière, mais on commence à réguler les rivières, les zones de marécages, forer les puits pour le charbon. Dès le 17ème siècle, l’industrialisation du pays achève la modification du système naturel : comme il n’y a plus de forêt ou quasi, puis plus de haies, l’érosion des pluies se fait sentir davantage. C’est un facteur difficile à évaluer par manque de repère. Je mentionne qu’à Haspres, l’un des passages humains les plus probables de la rivière à l’époque gauloise, où la route empierrée attendra l’arrivée des Romains pour laisser une empreinte, les vestiges romains, abondants, sont maintenant recouverts de plus d’un mètre de sédiments. La Selle qui, du temps de la Bataille de Denain en 1712, avait constitué une barrière au Prince Eugène, comme elle l’avait dû le faire pour César, n’est plus en 2012 qu’un médiocre ruisseau à vairons, que l’on soit à Fleury, Haspres ou Haussy. Le fond de la vallée est partout de type normand, coulant en petits méandres, creusés dans des alluvions argilo-calcaire fines, avec moins d’un mètre d’eau, même aux endroits encaissés, comme à Haussy. Je n’ai pas mentionné les méfaits de l’industrie du charbon, source de la richesse du secteur et de son développement économique et démographique, consommateur d’eau d’un côté, et transformateur des infiltrations des eaux pluviales et des circulations sous-terraines de l’autre, ce qui serait un argument pour expliquer en partie la baisse de débit de la Selle. Je pense que ces quatre éléments expliquent que la Selle de l’an 2000 ne ressemble que de loin à la Sabis de César, mais il reste les pentes douces, une colline, l’espace pour faire se battre des milliers de combattants , un lieu d’embuscade d’armée, et un passage pour entrer dans le pays nervien, à une distance de 15 km d’un bivouac situé à 3 jours du point de départ. Pour les autres emplacements parfois retenus de cette bataille il y a toujours un fait dirimant dans l’environnement qui fait capoter l’hypothèse, en particulier ceux situés sur la Sambre. Même si la canalisation en a perturbé la silhouette, les pentes y restent raides et imposantes, sans être des sortes de falaises cependant. Il me semble douteux que 70.000 hommes armés aient pu traverser la Sambre en même temps et rapidement, car sa profondeur, hors de certains gués, dépassait le mètre. Le fait que les Romains soient placés au nord par certains historiens, et au sud par d’autres, montre bien qu’il y a là un problème qu’aucun n’a su résoudre. C.D. F / Trois remarques secondaires enfin, pour « débroussailler » les questions qui se posent à la lecture de cette bataille.
- a) - Peut-on, en recherchant le marais où les Nerviens ont camouflé leurs femmes et leurs vieillards, trouver le lieu de la bataille ? - Non, car Boduognatos va monter son embuscade sur la route probable que suivra le Romain, tandis qu’il a placé les femmes et les vieillards à l’écart, en dehors justement de l’itinéraire prévisible des envahisseurs. . Et César n’a pas choisi comme but de guerre la capture de ces « otages» : Qu’en aurait-il fait ? Cette foule aurait encombré son armée, et il lui aurait fallu la nourrir en pays hostile ! - b) - Boduognatos s’est placé à l’aile gauche, la plus difficile à manœuvrer. Cette place peut-elle nous aider à trouver le bon site, parmi ceux qui sont proposés ? Il n’y a aucune raison de penser que le Nervien, à l’instar d’Epaminondas, ait recherché un effet de surprise tactique, en entraînant ses troupes à attaquer systématiquement par la gauche = César l’aurait dit ! Cette place n’a pu être choisie que pour répondre : - aux contraintes que le terrain allait imposer au combat, - à celles de la manœuvre prévue (le déclenchement en queue ou en tête de colonne), - et/ou pour surveiller et intervenir contre la possible contre-attaque romaine des deux dernières légions. Mais, comme on ne connaît ni le schéma de l’embuscade prévue, ni la répartition des missions confiées à chaque cité, ni l’ordre de marche des légions, on ne peut tirer de cette disposition aucune conclusion générale valable, sauf, éventuellement, lors de l’étude de chacun des sites. - C) - Peut-on, enfin, grâce à la connaissance de l’ordre d’arrivée des différents corps, déterminer quel est le bon site, ou plus exactement en éliminer certains ? A la lecture du BG, la seule réaction cohérente étant venue des neuvième et dixième légions, on pourrait supposer, qu’elles occupaient les dernières places avant le convoi, et que l’assaut fut donné au moment où elles venaient d’arriver, avant que leurs soldats n’aient eu le temps de former les faisceaux et de s’égayer dans les alentours du camp. Cela signifierait que César appliquant l’ordre de bataille à ce déplacement, avait placé en tête la plus vieille légion (la Sept, avec son binôme, la Douze), puis la Huit et enfin la Neuf, et que l’armée avait effectué un à-gauche, lors du déclenchement de l’assaut belge. Cela éliminerait tout site ayant obligé les Romains à effectuer un à-droite (le cas de la Selle, le site, dans l’annexe 2, de Catillon, le cas N° 2 du camp belge à Hautmont, ou le N° 5 au Nouvion). Or il ne nous dit rien de tout cela. Et l’ordre de bataille, impératif pour les défilés et l’emplacement dans les camps, ou pour la formation en bataille rangée, quand on a le temps de prendre les dispositions réglementaires, ne peut jouer pour le travail de reconnaissance durant les marches d’une longue campagne : les vieux corps s’y useraient, et les suivants n’auraient aucune possibilité de se former à ce travail. Les unités, dans l’armée romaine comme dans toutes les armées du monde, devaient donc prendre un tour, aussi bien pour les corvées quotidiennes, que pour les missions à risque. Et le tour de chaque corps revenant périodiquement, la Fortune donnait l’occasion de se distinguer, à celui qui avait la chance d’être de jour pour une mission scabreuse, ou de faire la tête le jour d’un grand combat.
Conclusion. Tous les commentateurs ont cherché une bataille d’arrêt, à un endroit où la route du Romain butait perpendiculairement contre l’obstacle de la Sabis. C’est une possibilité, mais il faut garder à l’esprit que derrière sa rivière, Boduognatos pouvait, dans certaines circonstances – sans que la route ne la traverse - faire peser sur la colonne de César une menace telle, qu’elle aurait suffi à empêcher le Proconsul de continuer. Une autre possibilité est que le Belge ait utilisé la Sabis comme ligne de protection et de camouflage de ses troupes, et non comme obstacle d’arrêt. Les réflexions précédentes ne peuvent désigner aucun site de préférence à un autre, ni en éliminer certains de façon absolue, mais ils pourront servir, lors de l’étude de chaque emplacement, à juger de la possibilité, ou non, de situer la bataille à cet endroit. Il ne s’agit pas de raconter une autre bataille, il s’agit de juger un site, en gardant à l’esprit que ce n’est probablement pas seulement en appliquant la description topographique du BG au pied de la lettre qu’on pourra l’identifier comme étant le bon, car cette description est trop vague pour désigner avec certitude un emplacement de l’ancienne Gaule Belgique. Cependant le site retenu devra correspondre à la description du B.G. car César n’a pas de raison de mentir dans l’exposé du terrain, même s’il cherche à camoufler une erreur dans la sureté de sa troupe, ou s’il émet des suppositions sur les arrières pensées du Belge. Cette bataille fut, à mon avis, une rencontre à double surprise : César ne s’attendait pas – ou plus - à trouver à cet endroit l’armée belge, et les Nerviens ne comptaient pas voir César monter un camp sous leur nez. Une réflexion philologique du Chanoine Pierre Turquin - (Les Études Classiques - N° XXIII - 1955 - p.113) Ce chanoine développe un commentaire de la bataille, telle que l'avait exposée Edgar de Marneffe au congrès d'Enghien en 1898, version sur laquelle nous donnons notre point de vue plus loin en Annexe 2. Cette étude déclasse nettement la correspondance Sabis = Sambre au profit de Sabis = Selle, et nous l"avons partiellement adoptée. - " Faire dériver Sambre de Sabis est une monstruosité philologique. Au VII° siècle on parle de Sambram, au VIII° de Samber, en 840 de Samera, en 863 de Sambra, et vers la même époque d’un pagus Sambricus. Ce n'est que depuis le XV° siècle qu'on traduit Sabis par Sambre. Sabis est la Selle : En 706, Childebert III donne à Saint Denis le domaine de Solesmes, « in pago Sanmartinse super fluvio Savo ». En 937 Douchy est « super fluvio Savo » . En 950 « … Dulcis super fluvium Savum » En 964 « … in Hainaco Pago super fluvium Seva ». En 1286, le cartulaire des Comtes de Hainaut dit que le pays de Valenciennes s’étend “ usque al ewe de Ses”. En1639, d’Outreman appelle Ses la Selle et utilise le mot Savu Savella, diminutif de Sava, a donné Selle, en patois local Soew. A partir du XV° siècle, sous l’influence des ducs de Bourgogne, on se met à l’Histoire, même romaine, et on parle de Sabine, sans plus préciser, jusqu’à ce qu’en 1450, pour la première fois, un anonyme parle de la Sambre, et tout le monde suivra" ..
IV / La Vraie « Bataille de la Sabis ». Communément appelée « Bataille de la Sambre » .Reprenons les points principaux du portrait-robot que l’on trouve en tête de la pièce précédente :« Remarques sur le texte de César ». - La bataille doit se situer : - sur un itinéraire qui, partant du pays ambien, mène César au cœur de la Nervie, - à environ 80 / 90 kilomètres de la région d’Amiens et à proximité de la frontière sud-occidentale ou méridionale de la Nervie, - les Belges se sont installés, soit juste de l’autre côté de la Sabis, soit à un emplacement plus favorable, mais éventuellement plus éloigné du cours d’eau. - - de part et d’autre de cette rivière, qui, à cet endroit, est profonde de 90 cm, deux pentes douces. - L’embuscade : * soit barre un grand chemin qui franchit la rivière, * soit interdit une route qui passe à proximité de la rive, * soit encore, fait peser sur les objectifs de César une menace telle, qu’il est obligé de la lever avant de continuer sa campagne. Forts de ces remarques et pour les transcrire de façon synthétique après étude, nous avons émis les cinq réquisits ci-dessous : - 1° - La bataille se déroule près de la frontière de la Nervie 2° - La position de Boduognatos barre la route du Romain. - 3° - César n’a pas franchi l’Escaut. . ) 4° -La route qu’il suivait longe la Sabis. -5° La vallée en auge de la Sambre élimine cette rivière pour deux raisons : a) géographique : pas de rives à pentes douces, b) militaire : distances et pentes d’assaut incompatibles avec le texte. César sait que l’Escaut coupe la ligne qui le mènerait, à vol d’oiseau, du pays ambien au cœur de la Nervie, sans doute en traversant le sud du pays atrébate. Le franchissement de vive force de ce fleuve posera des problèmes difficiles à résoudre, si les Belges l’y attendent, comme c’est prévisible. En outre, contourner par le sud les sources de ce fleuve ne rallonge guère sa route depuis l’Amiénois, et il est possible en plus, qu’une voie directe menant vers le Hainaut en évitant le franchissement de l’Escaut, passe par la région de Bohain. Il va donc marcher en direction du Vermandois. Au bout de trois jours de progression, en pays ami (ambien) ou sans menace (Viromanduen, puisque les prisonniers lui ont affirmé que tous les guerriers de cette civitas étaient partis combattre avec les Nerviens), après être passé au sud du Catelet, il parvient dans la région Maretz- Busigny-Bohain. (Voir croquis ci-après)
Le camp de César le troisième jour De ce point, il peut – suivant les routes qui sont à sa disposition, mais rien ne dit qu’il ait le choix - soit monter plein Nord pour continuer vers le Brabant et la Flandre, soit obliquer au Nord-Est vers le Hainaut, soit encore enfiler le goulet de Boué. C’est alors qu’on lui apprend que l’armée nervienne l’attend derrière une rivière, la Sabis , à 15 Km de son camp. Quelle est cette rivière ? Nous avons trois possibilités pour l’identifier (1): - a) - la Sambre entre les deux coudes du Rejet de Beaulieu et de Landrecies, - b) - l’ancienne Sambre de Boué, - c) - la Selle, au nord de sa position. Les commentaires philologiques de plusieurs spécialistes, dont le chanoine P Turquin, privilégient nettement la filiation du mot Sabis vers Selle et non vers Sambre . Boduognatos, s’il se positionne en dehors des itinéraires possibles du Romain, courrait le risque de voir tout le pays nervien mis à feu et à sang, sans pouvoir intervenir. Sa population le forcerait alors à sortir de sa retraite pour affronter l’envahisseur. Les hypothèses a) et b) d’une bataille sur la Sambre et au Nouvion sont étudiées en annexe 2 aux paragraphes 1 à 5, et doivent être écartées. (1) Notons que César ne s’est pas posé cette question, les prisonniers interrogés lui ont indiqué où se trouvait la Sabis.
Reste une embuscade sur la Selle. Ses espions ont certainement appris au Belge que l’armée romaine contournait l’Escaut par le sud. L’espoir d’une bataille lors du franchissement de ce fleuve disparaissant, le Nervien va se placer sur l’itinéraire le plus probable (et peut-être le seul) que peut emprunter l'envahisseur. . - Il s’installe, au sud du territoire nervien proprement dit, dans le no man’s land frontalier, sur la rive droite de la Selle, près de l’endroit où la route que suit le Romain la traverse. Car bien que le BG ne le dise pas, cette route traverse la rivière : César veut atteindre la Nervie et celle-ci commence de l’autre côté de la Selle, il ne va pas continuer tout droit et traverser l’Escaut pour entrer en pays atrébate ! Il va passer la rivière avant son confluent de Douchy-les-Mines. - La Selle, qui semble un ruisselet quand on regarde les cartes actuelles, ou qu’on la voit sur le terrain, était jadis une rivière qui comptait : Cf. la bataille de Denain en annexe 1. - En raison des renseignements lui annonçant la présence d’une position défensive ennemie à 15 kilomètres de son camp derrière la rivière appelée Sabis, César, avant de partir de Bohain-Maretz, modifie l’ordre de marche de son armée, qui, à l’arrivée sur le champ de bataille, sera le suivant : - Six légions aguerries en tête, et, en arrière, le convoi, plus lent, gardé par les deux plus jeunes légions, et comprenant les bagages de toute l’armée et les trains lourds (artillerie, matériels de franchissement, trésor de guerre, ravitaillement, bêtes de remonte..... etc.…). - La route (tracé rouge sur le croquis ci-dessous) suit approximativement la ligne de crête jusqu’à l’étranglement Saint Aubert-Haussy, puis va border la rivière, déboisée sur ce versant. - En partant pour sa quatrième étape, il ordonne donc de prendre à l’est de Caudry, de ne pas traverser la Sabis, (il ne veut pas, à cause de la négligence ou de la témérité de son avant-garde ou d’un de ses légats, se voir imposer une bataille inopinée) mais de s’arrêter lorsque la route parviendra à cette rivière - et peut-être de tracer alors le camp. L’itinéraire de César le quatrième jour. Lorsque ses éclaireurs lui annoncent que le chemin qu’ils suivent touche à la Selle, César se porte en tête, fait donner la chasse aux quelques cavaliers belges qui battent l’estrade de l’autre côté de la rivière, et étudie le paysage où a stoppé son avant-garde. Il ne distingue rien d’anormal, estime que le terrain est peu propice à une embuscade d’envergure, et confirme alors (ou donne) l’ordre de dresser le camp sur la rive gauche Visiblement il se juge en sécurité à cet endroit : D’abord parce que le déroulement de la campagne depuis son début, l’a persuadé que les Belges ne sont pas les épouvantails qu’on lui a décrit : Les Rèmes se sont rangés à ses côtés dès l’annonce de son arrivée, sur l’Aisne une coalition énorme a été mise en fuite après quelques escarmouches, les Suessions se sont rendus au seul aspect des machines de siège qu’il était en train de monter, les Bellovaques et les Ambiens ont demandé la paix à son arrivée, et il vient de traverser le pays des Viromandues sans voir un guerrier. Ensuite, parce que la disparition après un semblant de poursuite des cavaliers belges de l’autre rive, et la vue de ce paysage faiblement ondulé avec les trois cents mètres de prairie dénudée de l’autre côté, l’ont convaincu qu’aucune embuscade ne pouvait l’y menacer de façon sérieuse. - Il met donc en doute des renseignements des prisonniers reçus la veille, et grâce à l’imprécision du trans id flumen, se persuade que l’embuscade annoncée derrière la Selle, se situe assez loin en arrière, à bonne distance du lit de la rivière. - Il estime n’avoir rien à craindre, et sa suffisance va laisser la troupe installer le camp sans prendre les mesures de sûreté indispensables, ce qui aurait pu lui couter très cher. - Avant de continuer, il veut localiser les forces de la confédération. Il pourra décider ensuite de la conduite à tenir vis-à-vis des confédérés lorsqu’il les aura repérés. L’annonce de l’arrivée imminente des Atuatuques l’a peut-être également incité à prendre des précautions avant de poursuivre en pays ennemi. - La décision de monter le camp sur la rive gauche, peut aussi – comme le remarque l’un d’entre nous - être motivée par le souci de ne pas être surpris par la nuit avant que la totalité du convoi n’ait été mise à l’abri : Le passage d’un gué inconnu par des chariots lourdement chargés peut en effet s’avérer plus long que prévu. - C’est à un endroit situé près de la rivière que l’armée s’est arrêtée, car l’assaut belge fut très rapide, ce qui n’eût pas été possible si la halte de l’armée romaine s’était trouvée à mille ou quinze cents mètres de la Sabis. Et, en outre, c’est sur une route qui longeait la rivière que s’est produite l’embuscade nervienne, et non sur un chemin perpendiculaire à la Sabis ! En effet, les six légions, d’après le récit du Proconsul, ont reçu l’assaut en même temps : cela signifie qu’elles se trouvaient à la même distance de la rivière, après avoir fait halte. Elles suivaient donc la Sabis, et ont posé les sacs et les boucliers en faisceaux, là où elles se sont arrêtées. Et c’est là qu’elles ont combattu. Les quatre croquis suivants indiquent l’emplacement des légions lorsque César donne (ou confirme) l’ordre de monter le camp après avoir reconnu la Sabis. Les légions sont numérotées de A à F, sans souci de distinguer leur véritable numéro, mais en prenant seulement en compte leur emplacement dans l’ordre de marche. Les trois premiers croquis supposent une route traversant perpendiculairement la rivière. - Le premier montre le dispositif de sûreté qu'aurait normalement dû prendre le Proconsul, avec les légions A et B sous les armes, en protection de l'installation du camp. - Le second est le dispositif insouciant décrit par le BG. - Le troisième dessine un schéma obligatoire, si on veut coller au texte avec un chemin perpendiculaire à la Sabis et un assaut simultané sur les six légions. Mais il est impossible, car il voudrait dire que les Romains s'attendaient à une attaque belge venant de l'autre coté - Le quatrième explique la situation des légions à égale distance de la rivière, si la route la bordait à l'emplacement de l'embuscade. Dans les deux premiers cas, les légions A et B auraient reçu en premier l’assaut belge, qui n’aurait touché qu’ensuite les légions C et D, pour finir - après un temps assez long et un assaut sur grande distance - par concerner les légions E et F. Les légions les moins proches de la rivière auraient eu le temps de se reprendre, alertées par les clameurs des corps de tête soumis à l’assaut ennemi. Et comment expliquer, dans ce cas, la répartition des belges : les Atrébates sur les Neuf et Dix, et les Viromandues sur les Huit et Onze ? Seuls les dispositifs 3 et 4 justifient un assaut simultané sur les six légions de tête, et l’affectation à certaines cités, des binômes de légions. Bien entendu, le numéro trois est impossible, César n’a pas donné l’autorisation de se baigner dans la Sabis ! Et seul le schéma numéro quatre est crédible : les légions suivaient la rive, le point de traversée n’ayant pas encore été atteint, ou éventuellement dépassé par les premières légions, si César a donné l’ordre aux deux corps de tête de poser les sacs au delà du gué. Notons au passage que l’armée romaine a fait face à l’attaque belge par un à-droite, et que les Neuf et Dix faisaient donc la tête ce jour-là. Notons aussi que la position de Boduognatos, à gauche de son dispositif, lui est imposée par le terrain et la direction d’arrivée des légions, s’il veut garder en mains la conduite de la rencontre. Un peu d’arithmétique
Une légion, à ce moment de la campagne, comptera environ 4.000 hommes. Mettons-les, à la halte, en colonne par quatre, et laissons un intervalle d’un mètre cinquante entre chaque rang (avec la pose à terre des sacs, de l’armement : pilum, casque, bouclier et du fourniment légionnaire, et l’espace nécessaire pour dégager les faisceaux, un mètre serait trop juste). Longueur d’une légion arrêtée : 1500 mètres. Faisons abstraction des quelques animaux de selle ou de bât qui n’ont pas été laissé au convoi des bagages lourds. Si l’on fait monter la légion binômée à côté de la vieille légion qui la parraine, on obtient une colonne de deux légions de front sur trois légions de profondeur. Longueur de la colonne arrêtée : au minimum quatre kilomètres et demi, en négligeant les intervalles entre les cohortes et les groupes de deux légions. - Ce qui veut dire que si on fait arriver César par ce qui sera la voie romaine Amiens-Bavay, lorsque la tête de la première légion s’arrêtera à Saulzoir, à 100 ou 200 mètres du cours de la rivière (pour ne pas poser les sacs en terrain mouillé), le légionnaire détenant le dernier matricule de la dernière légion sera encore à 500 mètres des premières maisons de Villers-en-Cauchies. - Et les belges devront conduire un assaut de plus de trois kilomètres au pas de gymnastique et en grimpant, pour atteindre les dernières légions, ce qui devrait donner aux Romains le temps de réagir. -Et la version de Monsieur Bigotte - qui quitte la voie romaine à Villers pour traverser à Haspres - arrive à un résultat identique. Dans l’hypothèse d’une route qui suit le cours de la Selle, si la première légion s’arrête au gué d’Haspres, le dernier sac de la dernière légion se trouve à hauteur de la chapelle au sud de Montrécourt. Que s’est-il passé à l’arrivée des légions sur la Sabis ?
Le Nervien s’attendait à voir César se diriger directement sur la Haine sans marquer de temps d’arrêt, d’autant que la position de la halte de la veille au soir était suffisamment rapprochée pour qu’il ait pensé que le Romain n’envisagerait de monter son camp qu’après avoir passé la rivière. Il a donc prévu une embuscade sur une troupe en formation de route, au moment peut-être où elle serait partagée en deux par le gué, la présence annoncée des bagages au milieu des légions devait dans son esprit, gêner les secours et les appuis réciproques de part et d’autre de la rivière, le gué ne pouvant manquer de se trouver bouché par les voitures enlisées dans le passage, à cause de la panique occasionnée par le déclenchement. L’arrêt de César devant sa position et l’installation du camp romain sous son nez, annihilent les plans du Belge. Il lui est impossible de se retirer discrètement, pour chercher – où d’ailleurs ? – un autre emplacement d’embuscade, et s’il reste sur place en attendant la nuit, il court le risque d’être découvert à tout moment. Il prend donc la décision d’attaquer l’armée romaine avant que le camp ne soit construit, et avant l’arrivée des deux dernières légions et du convoi lourd, afin de profiter au maximum du désordre des travaux d'installation. Il faut dire que César, par la pagaille qu’il laisse s’instaurer, l’aide à prendre cette décision. La bataille a pu se dérouler, soit intégralement en amont du gué, soit à hauteur de celui-ci, parce que l’emplacement repéré pour tracer le camp se trouvait en face. Le délai entre les premières mesures des arpenteurs, qui marquent la décision romaine de s’installer pour la nuit, et le déclenchement de l’assaut général, représente le temps nécessaire au Belge pour prendre une décision, faire transmettre les nouveaux ordres, et coordonner le déclenchement.
La rapide défaite des Atrébates peut avoir plusieurs causes : - La valeur tactique de Labienus, - Le fait que ce légat disposait d’une vieille légion (la Neuf) et de la plus anciennes des jeunes (la Dix, recrutée au début du proconsulat de César). - Une certaine désaffection de la part des Atrébates pour le combat à pied, César les disant cavaliers. - Egalement, si l’embuscade était, comme c’est probable, planifiée pour se déclencher lorsque le milieu de la colonne romaine passerait le gué, le fait que placés les plus loin de la rivière, pour prendre à parti les légions ayant traversé en tête de colonne, les Atrébates aient été obligés, à cause de la modification des ordres dus à l’installation imprévue du camp romain sur la rive gauche, d'intervenir sur un terrain non reconnuaprès une mise en place trop rapide et épuisante. - Peut-être aussi ont-ils estimé qu’il était inutile de « mourir pour le roi de Nervie », et ont-ils voulu rejoindre au plus tôt leur pays (juste de l’autre côté de l’Escaut) pour y défendre leur territoire.
Où se situe le gué ? Je n’en sais rien. Bien que César ne parle pas de gué, il existait obligatoirement sur cette rivière, un certain nombre de passages qui n’étaient ni des ponts, ni des bacs, la taille du cours d’eau ne les justifiant pas Boduognatos a certainement utilisé le gué de la route pour monter son embuscade : celui-ci scindait la colonne romaine, gênait les appuis réciproques, et empêchait les Romains d’avoir, de la rive gauche, une vue générale du combat, tandis que lui, du sommet de la colline de la rive droite. il pouvait voir toute l’action de part et d’autre, et prendre les décisions de conduite appropriées. Les principaux gués se situaient certainement au nord du Cateau, à Solesmes, et à Haspres. Ailleurs c'étaient de simples passages de sentiers. Bien entendu, les franchissements des Belges et des deux légions de Labienus, ne sont pas passés sur le gué de la route : les Belges ont franchi la rivière là où ils ont abouti dans leur charge en descendant la pente de la rive droite (il n’y avait que 90 cm de fond), les légions 9 et 10 ont fait de même en sens inverse au cours du combat. Seule la 10, en revenant au secours de César, a peut-être emprunté majoritairement le gué de la route. Les légions se sont arrêtées : - soit lorsqu ’elles sont arrivées au gué (elles avaient l’ordre de ne passer) - soit à un endroit où la route, qui bordait la rivière, s’en est approchée à la toucher presque. Le gué se trouvera donc, lors du déclenchement : - soit à hauteur de la tête de colonne quand elle s'arrête - soit plus en aval, - soit à hauteur du corps de la colonne, si César a fait avancer deux légions pour assurer la sûreté de l’armée vers le Nord. On ne sait pas davantage le placer géographiquement : Le travail des paysans, soucieux de mettre leurs terres à l’abri des inondations saisonnières, et de gagner de la surface cultivable sur les bords de la rivière, a modifié les berges et restreint la largeur du cours d’eau. La puissance des engins agricoles et des machines de terrassement depuis la seconde guerre mondiale, leur a donné les moyens de profondément transformer le paysage. Ce qu’on peut dire, c’est que cette rivière formait depuis l’antiquité, une barrière difficilement franchissable dès lors qu’elle était militairement tenue : les Francs saliens au début du V° siècle s’en sont servis, et ont obligé les Romains à reconnaitre sur son cours, la frontière entre le Cambrésis gallo-romain et la Nervie passée aux Barbares. En 1712, le Maréchal de Villars, en surveillant les passages amont de la rivière et en tenant le pont d’Haspres, interdit à l’armée du prince Eugène d’intervenir lors de la prise de Denain (Cf. annexe 1). Alors ? Le gué de l’indépendance se trouvait entre Haussy, où la vallée s’élargit, et Fleury, sans doute à Haspres qui, avec Solesmes, et malgré le radier romain de Saulzoir, sera le point de passage principal sous l’ancien régime en aval du Cateau, et qui semble le mieux placé pour desservir le Hainaut et plus loin le Brabant. Quoi qu’il en soit, ce gué n’a joué aucun rôle dans la bataille, César s’étant arrêté avant de le franchir.
Quid de la colline où apparaissent les légions de garde au convoi ? (BG, II, 19 et 26) -
Notons d’abord une ambiguïté sur cet évènement : En II, 19, César nous dit que la tête du convoi est aperçue par les Belges cachés dans la forêt, et que cela déclenche leur assaut. Les premiers éléments apparaissent donc sur la route, à l’endroit où celle-ci passe la crête qui domine au sud la passe où va se dérouler l(embuscade. Puis, plusieurs heures après, en II, 26, il raconte que les soldats des deux légions de garde, ayant pris le pas de course, apparaissent de nouveau au sommet de la colline ! Que faut-il croire ? Sans doute la deuxième affirmation : Le déclenchement de l'embuscade sur la légion de tête, qui aurait - d'après César - été prévu lorsque ses bagages arriveraient à la vue des guetteurs belges, n'eu pas lieu Le signal de l'assaut fut donné d'une autre façon, plus tard. Par contre, l'apparition en fin de rencontre, des deux corps de jeunes qui, nous dit César, "avaient su qu'on se battait et pris le pas de gymnastique", créa sûrement, avec le retour de la Dix, le choc psychologique et militaire qui décida de la journée. Où sont-ils apparus ? La route de crête partant de Beaumont passe par Viesly, la ferme de la Fontaine-au-Tertre (cote 117), traverse la route Saint Vaast-Saint Python vers la cote 97, puis par l’Arbre de la Femme (cote 96), descend vers Saulzoir et Haspres, sur la terrasse alluviale de la rive gauche. Les légionnaires du convoi furent aperçu à la fois par les belges et par les Romains, quand ils entamèrent la descente vers la rivière, c’est-à-dire probablement à hauteur d’Haussy. Je situerais la bataille entre Haspres et Montrécourt (faubourg de Saulzoir, sur la rive gauche, à 500 m au sud).
La route de César à l'arrivée sur la Selle. En rouge la route suivie par les Romains En Jaune les courbes de niveau.
Où était le camp romain ? Le camp fut tracé sur la ligne de crête dominant à l’ouest le cours de la Selle, dans la zone des villages de Villers-en-Cauchies et d’Avesnes-le-Sec. Le situer exactement nécessiterait des fouilles que les remembrements et les labours profonds rendront stériles, ce camp n’ayant été utilisé que quelques jours.
V / Les Annexes Annexe 1 La bataille de Denain – 1712.
Au printemps 1712, la situation est grave. Lille, Douai, Béthune, Denain, et depuis le début de l’année, Bouchain, à douze kilomètres au nord de Cambrai, sont aux mains de la coalition Anglo-Austro-Hollandaise. La France ne dispose plus, sur l’Escaut, que de Cambrai et Valenciennes - Le 17 juillet, le Prince Eugène, qui a pris Le Quesnoy le 5, charge le prince d’Arnolt-Dessau, qui commande un détachement de 30 bataillons et 40 escadrons, d’entamer l’investissement de Landrecies. En outre, il incendie le clocher d’Avesne-le-Sec, donne l’ordre de renforcer Denain par une ceinture de fortifications, et quitte Haspres pour installer son QG à Quérénaing, à dix km au sud de Valenciennes. - Le 17 juillet aussi, le détachement anglais d’Ormond quitte, sans prévenir, la coalition austro-hollandaise, il abandonne le Cateau pour Avesne-le-Sec, puis Gand. C’est une pratique courante pour les troupes d’Albion, le dernier épisode se situera en mai 1940 quand les Anglais commenceront à rembarquer à Dunkerque, le jour-même où les panzers franchiront la frontière belge. - Les 19 et 20 juillet Villars s’installe sur la Selle, son PC au Cateau, son aile gauche à Neuvilly et sa droite à Molain. Eugène en déduit qu’il veut s’attaquer aux troupes d’investissement de Landrecies, et y envoie le gros de ses forces. - Le 21, Villars ordonne à Vieux Pont et à Broglie d’attaquer Denain avec 30 bataillons et 30 escadrons. Tingry, qui commande la garnison de Valenciennes doit appuyer cette attaque. - Le 22, Eugène, ayant appris que la garnison préparait une sortie, déplace des troupes vers Valenciennes, et fait bloquer la ville par la cavalerie impériale. Du coup, Villars change de projet, se rapproche de la Sambre, et s’installe à Mazinghien. A midi, Eugène ramène son armée à Landrecies. - Le 23 au soir, Villars décide de déplacer son armée de nuit, et de prendre Denain le lendemain matin. Pour ce faire, il envoie des détachements de cavalerie s’emparer des passages sur la Selle en aval, et en particulier du pont d’Haspres. Il envoie aussi quelques troupes gesticuler en direction de Landrecies. - Le 24 à l’aube, il dirige son armée en trois colonnes sur Denain. A cinq heures du matin, il établit son PC au moulin d’Avesnes-le-Sec, et à sept heures les Français passent l’Escaut à Neuville. La garnison autrichienne de Bouchain ne bouge pas. - A huit heures, Abermarle, qui commande à Denain, est prévenu qu’on a vu des Français sur la rive gauche, il en avise le Prince Eugène, qui apprend la chose en fin de matinée, ne s’en inquiète pas, et lui écrit que c’est une gasconnade de Villars, puis il part déjeuner avec son état-major. - A 13 heures l’assaut est donné à Denain, les Hollandais se débandent, la ville est prise, ainsi que les deux ponts sur le fleuve, et Abermarle se rend. Eugène, parti trop tard, ne pouvant passer la Selle pour accéder directement à Denain par le sud, tente de traverser l’Escaut à Prouvy, mais s’y heurte aux bataillons de Tingry, qui tiennent le pont jusqu’à la nuit, et le font alors sauter. Ce résumé n’a pas pour but de démonter le mécanisme des marches et contremarches à l’honneur durant les guerres de Louis XIV, mais de montrer qu’au début du dix-huitième siècle encore, la Selle - qu’on traite de « pipi de chat » en la voyant aujourd’hui – était un obstacle suffisamment important pour que Villars ait monté sa manœuvre en comptant sur cette couverture de sa droite, et que le Prince Eugène ait été incapable de le traverser pour se porter au secours de Denain.
Légende - Carré jaune = place forte tenue pare les Impériaux - Flèche jaune = mouvements des impériaux les 22 et 23 Juillet. - Rond jaune = QG du Prince Eugène - Flèche rouge = mouvements des Français les 23 et 24 Juillet. - Carré vert = place forte tenue par les Français - Rond Vert = QG de Villars A = Avesnes-le-Sec B = Bouchain H = Haspres M = Molain N = Neuville Ny = Neuvilly P = Prouvy S = Saulzoir So = Solesmes Annexe II / a - Les batailles sur la Sambre.
Voici, parmi les nombreuses hypothèses avancées pour situer cette bataille , les cinq exemples le plus souvent cités, placés sur cette rivière. 1- Catillon- (Dissertation sur l’emplacement du champ de bataille où César défit l’armée des Nerviens et de leurs alliés. – Amiens – 1832.par Louis-Nicolas de Cayrol) Entre les deux coudes du Rejet-de-Beaulieu et de Landrecies, la Sambre coule dans un terrain marécageux. On y trouve des pentes douces et des collines sur les deux rives. Les Belges, installés sur la rive droite, auraient pu vouloir faire peser une menace sur l’armée romaine si elle avait décidé d’emprunter l’étranglement situé entre la Selle du Cateau et la Sambre de Landrecies. - Quand on regarde l’itinéraire que prête M. de Cayrol aux légions, on se demande pourquoi, à partir de Bohain, César tire Sud-Est vers l’Oise et l’ancienne Sambre de Tupigny. Il faudrait, pour justifier cette direction, que la Thiérache ait été, à l’indépendance, une province majeure de la Nervie : ce n’est attesté nulle part. Puis il repart soudain vers le Nord, pour passer entre le Cateau et Landrecies : ces zigzags ne sont guère crédibles : Peut-être ne sont-ils inventés par M. de Caylus, que pour retrouver la distance des dix milles dont parle le BG, entre le dernier camp du proconsul et l’embuscade belge? Cette position présente en outre de graves défauts : - Elle est excentrée par rapport à l’axe direct menant de l’Amiénois au centre de la Nervie, et ne protège pas le cœur du pays - Averti de leur présence par les prisonniers lors de son arrêt de Bohain, César pouvait ignorer Boduognatos, monter plein nord sur la rive gauche de la Selle, traverser à Haspres, et ravager à loisir toute la Nervie. - La présence de marécages devant leur position, si elle prémunit les Belges contre une attaque romaine, leur interdit toute intervention massive sur le défilé des légions.
2- Hautmont- (Caesar’s conquest of Gaul – London – 1899. Par Rice Holmes).
Comme le précédent, ce site place les Belges sur la rive droite de la Sambre, en dehors de l’accès au centre de la Nervie, et pas plus que Catillon, il ne barre la route de l’envahisseur, ni ne l’oblige à venir le déloger de son repaire.. - A première vue, on se demande ce que font les Belges sur la rive droite de la Sambre, hors des itinéraires prévisibles de César, alors qu’ils ont – d’après Holmes - regroupé leurs femmes, leurs enfants et les vieillards – et probablement leur trésor - dans les marais de l’Escaut, ? - César, qui – d’après Holmes - franchit l’Escaut à hauteur de Cambrai, se retrouvera automatiquement en plein cœur de la Nervie, tout le pays lui est ouvert : Personne ne l’empêche d’aller ravager l’ouest des Hainaut français et belge, le Brabant et la Flandre entre Meuse et Escaut, pour obliger le Nervien à quitter son repaire et venir l'affronter en bataille rangée. -Au lieu de cela, ils semble avoir emprunté une route plein Est, qui suit en gros la rive gauche de la Sambre. - C’est alors qu’il apprend la présence, à dix kilomètres de son troisième camp, d’une armée de 70.000 hommes protégée par la rivière qu’il longe de loin. Il fait immédiatement un à-droite en direction du camp belge : cela veut dire qu’il recherche l’armée confédérée. -Pourquoi,alors,ces négligences en atteignant la rivière? - Arrivant perpendiculairement à la Sambre, comment les légions pourront-elles être attaquées simultanément comme le raconte le BG ? On comprend mal la disposition des corps en bataille face à la Sambre, alors qu’elles arrivent du Nord-Ouest et ont l’intention de s’installer pour la nuit dans un camp qui parait tracé sur le chemin d’arrivée. César aurait pu les placer ainsi pour faire face à une attaque belge inopinée : ce n’est pas le cas puisqu’elles ne restent pas en garde, mais au contraire, posent les armes, les casques, et les boucliers, et se dispersent! Visiblement les Romains ignorent la position belge, ou ont oublié les renseignements reçus la veille - Et pourquoi le Nervien surpris par la construction du camp romain devant ses yeux, se croit-il obligé de franchir la Sambre et d’attaquer les légions ? La distance entre les lignes lui permet d’attendre, par exemple, l’arrivée du convoi pour déclencher une attaque de nuit, ou plus simplement, que les Romains se décident à traverser la Sambre le lendemain, et de les attaquer lorsqu’ils déboucheront de la pente raide de la rive droite. -En effet, d’un autre point de vue, la vallée en auge de la Sambre élimine ce site : pentes raides d’une vallée glaciaire, distances incompatibles avec le texte : l’assaut en terrain découvert se déroule – pour Holmes - sur 1400 mètres (« 7 furlongs »). C’est une sacrée distance à parcourir au pas de charge, avec la dernière partie en montant ! Il a fallu un chaos absolu, pour que les légions n’aient pas su tirer parti de la vue offerte par ces caractères topographiques, des délais de parcours des Belges, et de leur fatigue à leur arrivée au contact. - Et il a fallu une certaine présomption à Boduognatos, pour monter une embuscade et lancer l’assaut sur un terrain aussi peu favorable ! C’est le site défendu par Napoléon I, Napoléon III, Camille Jullian, Constans, et Piganiol, entre autres, mais malgré la notoriété de ces signatures, ce n’est pas le lieu de la bataille.
3 – Boussières (La bataille de César contre les Nerviens – 1852. [Mélanges d’archéologie – Tome 2 – R XIX ] Par Arthur Dinaux). C’est un site similaire à celui d’Hautmont ci-dessus, mais avec inversion des rôles : les Belges s’installent sur la rive gauche pour interdire à César, progressant sur la rive droite, l'accès à la région de Bavay. Pourquoi César, s'il visait le centre de la Nervie, serait-il - en venant d'Amiens - allé se perdre au sud de la Sambre, dans les collines excentrées et boisées de l'Avesnois ? Sa route normale le conduisait vers la Haine, et aurait dû, comme dans l'hypothèse précédente, lui faire ravager impunément le nord de la Nervie. Boduognatos n'aurait alors eu comme solution, que d'assister impuissant à l'incendie de sa patrie, ou de se précipiter sur l'armée romaine et de l'affronter en bataille rangée, ce qu'attendait le Romain. -De plus, avec un peu de chance, le Romain, s'il avait emprunté la route évidente au nord de la Sambre, pouvait tomber vers Hargnies les Nerviens pris à revers, ou surpris en sauve-qui-peut. - Aucune raison pour les Belges de couvrir, face au Sud, Bavay qui n'existait pas à l'époque. - En plus, la vallée en auge de la Sambre élimine ce site par les pentes raides d'une vallée glaciaire et par la largeur de cette vallée, qui ne correspondent pas au récit de César : les distances d'assaut sont bien supérieures aux quelques hectomètres du BG, et les dénivelées très dures. - Les délais et la fatigue des Nerviens à l’arrivée au contact des légions, auraient dû donner à ces dernières le temps et la possibilité de réagir. -En outre, en cas de défaite sur la rive droite, la pente raide de la rive gauche n'aurait laissé aucune chance aux Belges en fuite d'échapper à la poursuite des romains vainqueurs. - Par contre, surpris par la construction du camp en face de son embuscade, Boduognatos n’a aucune obligation d’engager le combat : la distance entre les deux lignes lui permet soit de décrocher à la faveur de l’obscurité, soit de garder sa troupe fraîche pour l'attaque romaine du lendemain, lorsque l'ennemi arrivera en haut de la pente raide de la rive gauche, épuisé par la grimpette.
4 – Presles (La conquête de la Belgique par Jules César – 1882- par Victor Gautier). - Ce site présente le grave défaut d’être situé chez les Atuatuques, hors du territoire attribué d’ordinaire aux Nerviens. Le choix de cet emplacement aurait dû amener ces alliés à temps pour participer à la bataille. - Cette hypothèse fait progresser les Romains pendant une centaine de kilomètres en pays ennemi, en formation de route, sans précaution particulière, ce qui est difficilement croyable, même si on constate que le Proconsul a commis des négligences, le jour de la bataille, dans le domaine de la sûreté. -De plus, les distances excèdent celles que donne le BG, et il aurait fallu plus de trois jours et demi, à une armée romaine, pour franchir les 170 Km qui séparent la Somme, de la Sambre de Farciennes - En outre, ce site reste, comme toutes les hypothèses situées sur la Sambre en aval de Landrecies, condamné par ses pentes raides et sa trop grande distance d’assaut - Le dispositif de Gautier montre six légions faisant face à l’ennemi, en ligne de bataille sur une position très élevée qui leur donne des vues sur le front belge : Alors, comment se fait-il que toute l’armée ait été surprise ?
5 – Le Nouvion. (La Colline de César- Un linceul de Verdure – Des Nerviens retrouvés - Maurice Gravellini - 1990). C’est la plus récente des propositions destinées à sortit la bataille des sites traditionnels, et elle a l’originalité de se placer sur les rives de l’ « Ancienne Sambre ». M. Gravellini a probablement été séduit par le croquis d’un piège presque parfait, offert par l’actuelle planimétrie.
- Notons cependant que cet étranglement de quelques kilomètres de large entre les deux Sambre, s’il canalise de façon très naturelle les itinéraires Ouest-Est venant du Vermandois, n’a pu être emprunté par César qu’avec l’aide de guides complices des Nerviens. En effet, pourquoi César serait-il allé se perdre dans le sud de la Nervie, alors que le centre de gravité du pays doit être cherché plus au nord ? La Thiérache n’était pas une province majeure des Nerviens ! Atteindre par ce crochet la rive droite de la Sambre vers Maubeuge en remontant par Avesnes, si c’est ce que visait César, est peu défendable : Cela rallonge inutilement la route, et il y avait visiblement là des zones marécageuses et des collines boisées de parcours difficile : cela sentait son piège. - En outre, Boduognatos, quelque confiance qu’il ait eue dans l’habileté de ses espions, ne pouvait être sûr que César les écouterait. Il risquait d’attendre encore près de Boué, pendant que le Romain aurait déjà été aux portes de la Haine, après avoir, au passage, razzié l’ouest du Hainaut! Annexe II / b - Une bataille sur la Selle : Saulzoir. Deux versions récentes existent pour soutenir cette hypothèse de Monsieur de Marneffe, qui précédent la nôtre : celle du chanoine Turquin, ci-avant mentionné, et celle d'André Bigotte, natif d’Avesnes le Sec. Ces versions ont bien repéré la Colline du château, et une zone de passage pour traverser la Selle, MAIS elles présupposent que César part d’Amiens, passe par Cambrai pour traverser L’Escaut puis emprunte la route Cambrai – Bavay, alors que ces villes ne prendront existence que sous Auguste. Cette thèse repose sur le postulat que les voies romaines se sont superposées aux chemins gaulois. Or tout atteste que cette superposition ne s’est produite qu’exceptionnellement. Les chemins, grands ou petits, ont de tout temps, répondu à des besoins « indigènes », et sont soumis à des contraintes, qui définissent leur parcours, et ceux-ci varient avec les époques : Lorsque les besoins et/ou les contraintes évoluent ou disparaissent, les chemins changent de place. Il existait peut-être un chemin gaulois traversant l’Escaut à hauteur de ce qui sera Cambrai, mais personne ne peut énoncer son tracé exact. Et si César avait traversé l’Escaut, il l’aurait dit, mais – nous l’avons vu - ce n’est pas ce chemin qu’a emprunté le Proconsul. L’arrivée des légions perpendiculairement à la rivière oblige les défenseurs de cette thèse, à tordre quelque peu le récit, entrainant des incompatibilités avec le texte. Quelques exemples tirés de la relation du chanoine Turquin : - Les Nerviens n’ont pas besoin pour envahir le camp romain d’attendre une brèche dans le dispositif ennemi, puisque, d’après le schéma de départ du texte des Etudes Classiques , leur attaque les y conduit en ligne droite! – D’ailleurs, au fort de la bataille, les Nerviens se retrouvent tous dans le camp romain : inutile donc d’envoyer un détachement pour l’occuper. Encore, d’après cette interprétation, lors de l’attaque belge, les légions Sept, Douze, Huit et Onze se trouvent dans l’enceinte de leur camp, et les deux premières s’y battront durant tout l’engagement. Ce n’est pas ce que dit le BG. Ce n’est pas non plus la bonne explication de cette bataille ! -Les cartes ci-dessous, tirées de la thèse du chanoine, permettent de se faire une idée du terrain, qui est celui dont nous parlons nous-mêmes. Dispositif, selon l'abbé Turquin, au moment de l'attaque Ces hypothèses ne sont pas à retenir pour les raisons dirimantes exposées ci-dessus. -Les textes in extenso ne figurent pas ici pour ne pas embrouiller le lecteur et ne pas alourdir la présentation de notre version.
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